Sale Freux - L'Exil
Chronique
Sale Freux L'Exil
Même si cela semble faire mal aux fesses de beaucoup, PESTE NOIRE est devenu un des chefs de file du black français. Il est parvenu à s’inviter dans les cours de récré, mais aussi sur les étagères des amateurs du monde entier. Et comme pour tout groupe qui atteint une certaine popularité, les avis se divisent. Encore plus avec celui-ci, tour à tour déclaré irritant, agaçant, pathétique, visionnaire, honnête, intègre, génial… Et ces termes sont utilisés aussi bien à propos de la musique que du leader, Famine. Le vilain ne se contente plus de vomir son venin seul dans son coin et il se rapproche de plus en plus d’autres groupes plus ou moins proches de ses idées. Il a travaillé avec SACRIFICIA MORTUORUM, a signé AUTARCIE sur son label La Mesnie Herlequin et a récemment sorti le troisième album du nouvel élu : SALE FREUX.
Dunkel est la seule âme à la tête de cette formation. Multi-instrumentiste et vocaliste, il est également derrière DRAKONHAIL et a hurlé pour VOQKRRE. S’il a été choisi comme disciple par Famine, c’est pour des raisons évidentes, à la fois musicale et spirituelles. Le courant est passé entre les hommes qui ont une vision proche du black et de la France des campagnes. Alors que certains vivent pour le Terror Black Metal, ces Didier Barbelivien torturés ont décidé de se livrer au Terroir Black Metal. SALE FREUX mise tout sur la France Rurale comme d’autres dans l’Hexagone choisissent une thématique Moyen-Âgeuse pour invoquer nos ancêtres et une époque révolue. Le français est donc la langue unique de l’Exil comme les titres le laissaient prévoir : « Corbeaux du Soir, Espoir », « Un Saule », « Freux Follet » et j’en passe. Le visuel reste également dans cette optique et propose un travail peaufiné. Le digipack contient de nombreux commentaires sur l’album « composé dans la plus calme des campagnes bourbonnaises en décembre 2009 ». On y trouve carrément une liste des boissons et nourritures consommées lors de sa conception et on y apprend que ces titres « sont autant d’amour que de bitures ; autant de haines que de gueules de bois ; autant de champètres détours que de corbeaux écrasés (...) ». Les paroles sont aussi présentes, accompagnées de photos couleur de nos campagnes, de saules aussi pleureurs que notre guide et d’un corbeau, Iris, décrit comme un compagnon mort en 2010. Bref, ça va loin, très loin dans le respect de la thématique et le dos du digipack enfonce le clou en présentant l’album comme un « Grand Cru de Corbeaux » à « l’appellation contrôlée ». Personnellement, j’adhère à ce genre d’effort qui permet de plonger préalablement dans une ambiance particulière.
Contrairement au reste, la musique n’a pas tant d’éléments que ça qui renvoient au concept. Les paroles sont explicites mais inaudibles alors il faut avoir le livret sous les yeux pour les saisir. On trouve bien quelques cris d’animaux comme un coq au début d’« Oiseau de Malheur » ou un corbeau à quelques reprises mais c’est dommage qu’il n’y ait pas plus de références sonores qui viennent nous plonger dans l’ambiance voulue. Ce n’est pas à moi de refaire la musique de SALE FREUX, mais des samples de petits vieux bien de nos campagnes en intro ou intégrés à un titre par exemple auraient pu mieux planter le décor (ou pas, j’en conviens). Heureusement, ce n’est que le concept qui en pâtit un peu, sûrement pas la musique en elle-même qui est d’un niveau très satisfaisant.
Et dès l’intro on comprend que SALE FREUX est affilié à PESTE NOIRE car Famine vient y poser sa guitare pour un riff dont il a le secret. Il récidive d’ailleurs sur « Edelweiss » pour un solo dont on reconnaît encore sans difficulté la patte (à 6.20). Mais que les déçus du PESTE NOIRE actuel se rassurent, ça ressemble plus aux vieux titres et ici il n’y a pas la même folie des mélanges de genre. Moins caverneux que Subterraneus, les dix titres de l’Exil sont autant d’odes au désespoir et à la solitude. A chaque recoin, nous découvrons un homme qui se cherche, qui cherche où en est son existence, mais où sont ses racines aussi. «Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens ». Mais il ne trouve que sa propre déchéance et une profonde déception. Le désespoir, palpable, plane durant 65mn avec des vocaux déchirés et imbibés de gros rouge, une batterie souvent lancinante et presque mortuaire, un rythme qui peut s’emballer tel un ivrogne se voyant refuser un énième verre et faisant mouliner ses bras dans le vide avant de s’effondrer par terre. Tout est pathétique dans les ambiances et c’est ce qui est bon quand on aime le black. La haine ne fait pas tout, il faut de la fragilité, de l’incertitude, du désespoir pour finalement engendrer un bon album.
Alors bien entendu, celui-ci n’est pas parfait et on peut lui faire quelques reproches. Il traine un peu en longueurs inutiles (« Edelweiss ») mais surtout il est dommageable que les trois derniers titres (près de 20mn) soient principalement instrumentaux. Le bon « Entre Chien et Loup » composé par la mystérieuse Fleur-Anne aurait dû proposer plus de vocaux ou alors être placé plus tôt dans l’album. Là, l'attention se détache...
SALE FREUX est en tout cas à (re)découvrir. Il a trouvé une voie personnelle tout en s’affiliant à PESTE NOIRE. On attend qu’il vienne nous mettre la tête encore plus profondément dans la boue comme sur l’excellent « Santé Nom de Freux » qui se termine par une beuverie surprenante et fait le plus penser au parrain. Certains se demanderont à quel degré il faut prendre le concept, exactement comme avec L’Ordure à l’Etat Pur, et chacun aura sa réponse, la mienne est simple : « Vive le Terroir black metal ! ».
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