Cette chronique concerne la ré-édition de l'album
Dodheimsgard est définitivement un de ces rares groupes qui réussit à satisfaire deux catégories d'auditeurs de Black Metal.
Soyons clair, bon nombre de « trve-fans » aimant vibrer au son de la deuxième vague et de ses guitares grésillantes ne cracheront jamais sur un
« Kronet til Konge » ou sur un « Monumental Possession ». Deux disques au demeurant bien sympathiques et marqués par un feeling 100% d'époque couillu qu'il serait difficile d'enfoncer et ce même avec toute la mauvaise foi dont je sais faire preuve quand ça m'arrange. Mais jusque là, rien ne pouvait laisser deviner ce qu'allait nous sortir DHG à la suite de ces deux premiers disques... La métamorphose du combo commence en 1998, lorsque que le groupe sort
« Satanic Art », un EP qui commence à montrer un penchant expérimental. Lors de l'écoute de cet EP, on sent bien que chez ces norvégiens quelque chose est en train de se préparer, mais je pense que personne n’aurait eu le culot - à l'époque- de parier un billet sur la prévision de ce que serait « 666 International ».
« 666 International » est un missile lâché dans la face du Black Metal. Il est non seulement un précurseur du Black Industriel (avec le premier Aborym, ou les œuvres de Mysticum), mais pas seulement car il incarne aussi une vision totalement avant-gardiste et différente du style. Ces corpse-paint fluos, cette esthétique futuriste couplée à une police d'écriture d'inspiration asiatique... Pour faire simple, à l'instant T ou sort ce disque, il ne ressemble à personne... Si c'est évident sur le plan visuel, le rendu musical confirme bien sûr cette constatation. Ici, vous trouverez ni plus ni moins que la Bande Originale de l'apocalypse. Un futur agressif, martial, dictatorial mais aussi profondément spirituel et émotionnel.
La bande à Vicotnik aura relevé ce pari fou, celui de mixer l'aérien et l'ancré, le pur et le sale : une sorte de profondeur à trouver en grattant la couche craquelée et partiellement acariâtre de folie furieuse. Grâce à cette remise en cause totale de leur son -sans toutefois en renier l'essence-, Dodheimsgard réussi tout simplement à modifier une perception générale, à donner leur vision du Black Metal et ça, dans la musique en général, c'est plutôt rare. Tout ceci en passant rapidement sur le concept relativement fouillé dans plusieurs directions qui mêlent -entre autres- Satan, le monde spirituel et un brassage global de références plutôt subtiles.
Vous l'aurez sans doute compris, je vénère ce disque, mais ce qui vous intéresse, ce n'est pas ma vie (même si elle est au demeurant intéressante par moment...), mais ce que contient cet opus. Alors ne vous alarmez pas trop vite, ce n'est pas parce que DHG a changé, que vous n'allez rien retrouver de Black Metal ici. En témoigne l'excellent riff Black et très mélodique qui débarque subitement après un martelage industriel en règle sur « Ion Storm ». Vous pourrez aussi apprécier le fait que le groupe place l'air de fin de
« Satanic Art » sur « Shiva Interfere », premier titre de ce disque. Il est donc clair que « 666 International » ne crache pas dans la soupe Black Metal, bien au contraire, il en conserve quelques inspirations judicieuses. Ceci dit, il est clair que ce qui va retenir votre attention sera certainement plus lié aux autres aspects musicaux de ce disque...
La voix par exemple : elle n'est plus criée pendant tout le disque, mais parfois posée, poussée, robotisée,... On peut aussi parler de la rythmique -parfois mécanique, parfois organique- possédant bien souvent des variantes de son au sein d'un même titre. Un rendu très particulier, qui pourrait déstabiliser... Pourtant non, cet aspect audio étrange se remarque en tant que qualité mais jamais en tant que défaut. Je me dois aussi de vous parler des interludes au piano qui sont très simples mais très belles (Citons « Logic » ou « Magic »). Par ailleurs, ce même piano revient souvent dans la partie pour illuminer des titres comme « Regno Potiri » -et sa sublime outro dérangeante tout en étant empreinte de douceur- ou le formidable titre de conclusion bonus (sur lequel revient cet air de piano) disponible sur la réédition : « Proton Navigator ». Bref, on pourrait continuer longtemps à nommer les imprévisibles et nombreux raffinements auditifs de cet album sans toutefois que ceci soit forcément utile.
Il n'y a pas besoin de preuves ou d’énumérations superflues : si vous vous posez des questions sur ce disque, il répondra de lui-même en vous donnant une boîte vide mais pleine de sens et sertie de diamants. « 666 International » se justifie tout seul, il se glisse en vous tranquillement, il s'insinue lentement dans votre esprit, il paraît clair, il paraît simple comme un tout, complexe comme une multitude et il vous appelle immédiatement à la ré-écoute. Il y a des albums comme celui-ci qui modifient tout simplement votre vision de tout un style, voire même de la musique en général. Des disques qui résonnent en vous comme une onde choc surpuissante, soufflant littéralement votre perception et vous laissant béat d'admiration. Personne ne peut rester de marbre devant « 666 International », que ce soit en bien ou en mal. Alors certes, la note est subjective mais je ne peux pas juste « mettre la moyenne au cas où certains n'aimeraient pas ».
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il est parfait pour moi. C'est tout.
« Transmit this remedy ! »
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