Saturnus - Saturn in Ascension
Chronique
Saturnus Saturn in Ascension
Saturnus a récemment fêté ses 20 ans, une longue existence qui aura vu défiler bien plus d'intervenants qu'elle n'aura engendré de productions puisqu'en cette fin 2012, les Danois signent seulement leur quatrième album, séparé de 6 ans de son prédécesseur
"Veronika Decides to Die". De cette longue pause, seul Thomas Akim Grønbæk Jensen en est revenu ; "Saturn in Ascension" jouit d'un line-up totalement remanié et reconstitué progressivement au fil des années, voyant notamment le retour de Brian Pomy Hansen absent depuis 1999. Il y avait alors de quoi être un peu anxieux quant au contenu de ce nouvel opus dont l'immonde artwork et la réutilisation de leur logo originel laissaient imaginer une formation en pleine recherche d'identité, voulant surfer sur une certaine nostalgie rarement productive. Toutefois, je serais bien incapable de vous en dire plus à ce sujet car jusqu'ici, mon expérience avec Saturnus s'était limitée à l'écoute de quelques morceaux de
"Martyre" qui ne m'avaient pas marqués plus que ça (pas taper). Je peux néanmoins vous affirmer que ce retour très attendu est loin d'être en carton.
Pourtant ça n'était pas gagné. Les premières écoutes furent assez douloureuses, de part l'organisation des titres (j'y reviendrai) mais avant tout du style. Moi qui m'attendait à un doom/death puissant et moderne (allez savoir pourquoi), j'ai été surpris par le classicisme de leur musique, empruntant énormément aux pionniers du doom tels que My Dying Bride ou Anathema, un style lent et écrasant qui n'a de death que le chant ultra guttural de Thomas. Tout ici tourne autour des guitares qui portent mélodies et émotions ; elles sont l'essence même de leur univers mélancolico-dépressif dont l'atmosphère est modulée tantôt par la dureté des vocaux, tantôt par la délicatesse des claviers. Les nombreux solos que compte l'album représentent d'ailleurs souvent le point central des compositions, en apportant un peu de couleur et débordant de feeling. Saturnus évolue également dans un certain dépouillement qui surprend à l'heure où la tendance est plutôt à la surenchère : pas d'empilement de couches d'instruments ni de mélodies enchevêtrées, des arrangements minimalistes, les Danois n'usent d'aucun artifice et ne s'en remettent qu'à leur sens de l'écriture pour vous convaincre. C'est leur coeur qu'ils vous offrent, de la manière la plus simple et intimiste qui soit, une expression brute de la souffrance et du désespoir qui respire la sincérité.
"Saturn in Ascension" n'est pas le genre d'albums que l'on peut cerner en quelques écoutes. Bien que les titres soient assez répétitifs, leur longueur et leur austérité ne laissent pas beaucoup de prises auxquelles se raccrocher. Saturnus n'a pas non plus fait les meilleurs choix dans l'établissement du tracklisting qui s'ouvre sur les morceaux les moins intéressants. Le trio de tête met en avant leur visage le plus lumineux donnant légèrement dans le gothique, chose pas forcément déplaisante quand il accorde une certaine *spiritualité* ("Litany of Rain") mais qui devient vite imbuvable quand il tourne au mielleux ("A Lonely Passage"). Et quel ennui que cette narration que l'on retrouve tout au long de ces 70 minutes... Totalement inutile, elle n'apporte que des clichés et pollue une musique qui gagnerait en crédibilité sans ça. Bref, une fois ce moment d'infinie niaiserie que nous offre cette piste 3 (ces choeurs féminins... au secours), les choses sérieuses commencent avec un "A Father's Providence" qui dénote par son rythme plus soutenu et ses claviers aériens qui rappellent les plus belles notes du "Fallout" de Slumber. La suite n'est que grâce et recueillement, un monolithe de noirceur taillé à même le malheur, des airs dont la beauté cruelle vous pousserait volontiers du haut d'un pont. Pour moi, cet album tient avant tout sur ses trois dernières pièces. Du portail glacé "Call of the Raven Moon" aux intonations dark folk, à l'épique conclusion de 11 minutes "Between", en passant par le morceau le plus charismatique de cet ensemble, "Forest of Insomnia" et ses mélodies à pleurer, le groupe nous gratifie d'un final en apothéose à la hauteur de sa réputation. Arrivé au fond du gouffre qu'ouvre cet aboutissement, on se demande alors pourquoi tout le reste n'est pas du même niveau...
Ce quatrième album n'est donc pas exempt de défauts : il aurait mérité d'être moins long, amputé de 2 titres (je vote pour les morceaux 2 et 3) et souffre peut-être d'un manque d'originalité. Mais les Danois n'ont pas cherché à surprendre et "Saturn in Ascension" est plus à prendre comme un exercice sur le thème du désespoir, une musique brute et honnête comme on en faisait il y a 15 ans et qui aura raison de votre être si vous la laissez vous atteindre. La BO parfaite pour accompagner un hiver qui s'annonce froid et maussade.
| Dead 12 Novembre 2012 - 4045 lectures |
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