Watain - Casus Luciferi
Chronique
Watain Casus Luciferi
Il fallait s'y attendre. En même temps, comment aurait-il pu en être autrement après que le groupe ait récolté l'année dernière un Grammy Awards suédois... Ça y est, Watain est officiellement canonisé à la plus haute place dans le cercle des groupes de vendus, de poseurs, de commerciaux VRP à cravates, de satanistes du Dimanche qui tournent des films entre copains le week-end, de rockstars prétentieuses, de comploteurs illuminatis...
Bref, Watain se fait incendier par tous les côtés de la scène Metal : que ce soit par les intégristes True-Black qui les accusent d'être des traîtres signés chez Season of Mist ou que ce soit par les autres groupes ou les organisateurs de tournées qui se plaignent sans arrêt que les membres de Watain trimbalent des infections et du sang séché dans les tour-bus, fument du crack et se battent à coup de couteaux avec Otargos parce que ces derniers font des T-Shirts sur lesquels est écrit « No Satan ». Accessoirement, Otargos s'en prenant plein la tronche, ça me fait toujours plaisir mais il faut bien avouer que ce genre d'histoire en rajoute encore une couche sur la polémique Watain déjà solidement bâtie.
Néanmoins, avant de vomir copieusement dans la soupe Watain, il faudrait peut-être se rappeler un peu la carrière des Suédois. Si les deux derniers opus en date ne sont pas forcément les meilleurs car ils sont définitivement trop proche d'un tribute-band de Dissection que du son Watain (et qu'en plus, ils sont beaucoup trop longuets), on ne pourra par contre rien reprocher aux deux premiers disques de la clique d'Uppsala. « Rabid Death's Curse » pour commencer, un disque franchement très honnête et faisant partie des fers de lance formateurs de la scène affiliée au Necromorbus Studio et surtout « Casus Luciferi », dont il est question aujourd'hui.
Au cas où certains en douteraient : Oui. Oui, « Casus Luciferi » balance la sauce et possède en lui toute la dévotion dont Watain sait faire preuve (et dont il fait toujours preuve à mon sens même si leur musique a perdu en qualité et qu'ils deviennent un peu trop guignolesques...). D'abord, un son ni trop crade ni trop propre, qui met bien en valeur les subtiles rondeurs de la musique produite par la formation. Posant une basse légèrement mise en valeur pour bien accentuer les quelques montées dont nous gratifie Erik Danielsson et couplant cet aspect chaleureux avec une batterie pleine de réverbération et du plus bel effet, on peut affirmer sans aucun doute que Mr Necromorbus a.k.a Tore Stjerna a fait de l'excellent boulot pour faire résonner ses petits copains.
D'ailleurs, on citera aussi Necromorbus pour ses paroles sur la chanson « Opus Dei (The Morbid Angel) » ainsi que MkM d'Antaeus ou Scorn de Katharsis, eux aussi auteurs de textes pour le groupe. Comme d'habitude, pas de surprises au niveau conceptuel, Watain fait dans le Satanisme théiste à 100%, avec une bonne grosse dose de magie spirituelle, de rites psychoactifs et de fantaisie « à l'ancienne » -comme en témoigne l'usage de certains mots d'un anglais plutôt archaïque- en cadeau. Passé ce concept, la musique du groupe se révèle finalement plutôt simpliste. En axant ses structures sur une alternance blasts/passages lents et en développant des mélodies très simples (à base de trois/quatre notes, pas plus) comme sur « Devil's Blood » ou encore « From the pulpits of Abomination », le groupe prend un pari risqué... En effet, à la première impression que nous procure ce « Casus Luciferi » ressort en général un statut de disque certes très professionnel mais pas forcément prenant à l'extrême. Or, toute la richesse de l'opus est justement située dans le fait que ces mélodies assez anodines à la première écoute grandissent en nous au fur et à mesure des multiples lectures que propose l'oeuvre... Un peu comme si la fameuse magie noire Watainienne marchait réellement sur nous, pauvre auditeurs entraînés dans le tourment spirituel et artistique des trois êtres du Nord.
Non, Watain ne paye pas de mine avec son petit artwork bicolore et bien loin d'être tape à l’œil, toujours est-il qu'avec ce disque, le combo peut se vanter de mettre une branlée à un nombre de groupes plus que conséquent. Le départ ô combien ravageur d'un titre aussi puissant que « Black Salvation », la dévotion palpable d'un « Puzzles Ov Flesh » ou la longue montée en intensité du titre final « Casus Luciferi » sont autant de titres qui méritent clairement leur place au panthéon du Black Metal de grande qualité. Si la postérité ne doit retenir qu'un seul disque de Watain, je mets ma main au feu que ce sera celui-là et ses cinquante minutes de folie satanique, puissante, malsaine et d'une force émotive si palpable qu'elle en donne des frissons à n'importe quel auditeur un tant soit peu réceptif à l'art noir. Une pierre angulaire du Black Orthodoxe, oui monsieur.
Maintenant, si vous ne connaissez Watain que par ses frasques ou par son dernier album, vous savez quoi écouter. De même, si vous êtes un groupe Français et que vous bavez sur Watain dans vos interviews, vous feriez mieux d'apprendre à faire ne serait-ce que le quart de ce qu'ils ont fait sur ce « Casus Luciferi » exemplaire. Comme dirait l'autre à propos des minauderies sur Watain : « Je vous demande de vous arrêter ». Hail Watain, Hail Satan, Hail Balladur.
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