Si cette chronique paraît trois mois après la sortie de l'album ce n'est pas pour ne pas nuire aux ventes (qui n'ont de toute façon pas besoin de nous pour décoller), c'est parce qu'écouter cet album en entier nous prend au moins quatre ou cinq jours. Ah, on a également cherché dans la rédaction quelqu'un susceptible d'apprécier ce Watain mais on n'a pas trouvé. Sauf Chris, mais lui il compte pas, il est juste là pour payer le loyer.
À trop vouloir en faire, survendre son produit en alléchant l'auditeur potentiel avec des effets d'annonce tonitruants et quatre supports différents pour le même album évènement on crée évidemment une énorme attente. Faire de son poulain le leader d'une scène sur laquelle il n'a pourtant pas pesé tant que ça est un projet ambitieux qu'il faut pouvoir assumer quand l'heure fatidique a sonné. Bref, ce nouveau Watain annoncé depuis quelques mois, teasing grand spectacle à l'appui, est devenu LA sortie évènement du mois de juin, de ce trimestre et même de cette année ! Malheureusement, l'heure fatidique ayant sonné quand la galette a pris sa place dans ma platine, l'attente suscitée n'est absolument pas justifiée et je m'en veux de m'être laissé prendre au piège d'un plan promo bien agencé, trop beau pour ne pas être suspect.
Comme beaucoup d'amateurs de la scène black suédoise d'il y a une dizaine d'années, quand on me dit Watain je pense invariablement
Rabid's Death Curse, un très bon album profondément ancré dans l'esprit de la scène de l'époque qui sentait bon le Dissection sous stéroïdes. Déjà en ce temps là le groupe baignait dans l'occultisme jusqu'au cou, mais la différence avec le Watain d'aujourd'hui, qui cherche avant tout à devenir un « gros » groupe, c'est que le Watain d'alors faisait passer la qualité de la musique avant tout le reste. Promotion, imagerie et convictions n'étaient au service que de la musique. Aujourd'hui, c'est précisément l'inverse. Si ces musiciens illuminés ont toujours été passablement ridicules, ce n'est qu'avec le succès de
Sworn To The Dark que tout cela a viré au grand guignol, jusqu'à ce que l'on ait l'impression que Erik s'est, à l'instar de Magrat Goussedail,
procuré les leçons de karaté cosmique par correspondance de grand Maître Lobsang Planteur. *
Mais si l'esprit des Suédois s'est définitivement perdu dans les limbes de leur idiotie anti-cosmique, je dois admettre que
Lawless Darkness n'est pas le désastre que fût
Sworn To The Dark, album au mélange de pop à refrain facile et de metal à tempo anémique. Sans toutefois revenir complètement au black metal d'antan, Watain semble avoir retrouvé le moyen d'enclencher une ou deux vitesses, et se permet quelques accélérations voire quelques parties en doubles croches (« Hymn To Qayin »), le temps de montrer qu'ils savent encore à peu près d'où ils viennent. Mais la quasi-intégralité de ce
Lawless Darkness consiste en une succession de riffs à tempos moyen (« Reaping Death ») voire très lent (« Malfeitor »), le tout quelque part entre Bathory, Aura Noir et Dissection, la qualité des mélodies et des arrangements en moins, saupoudré de mauvais rock et de solos aussi pénibles qu'indigents.
Car non, n'allez pas non plus croire que Watain se soit remis à faire du black metal de qualité (voire du black metal tout court),
Lawless Darkness est bien la continuité de
Sworn To The Dark : un album proprement indigent, d'une platitude effarante, aux mélodies pauvres voire par moment fortement plagiées (sur Aura Noir et Bathory bien plus que Dissection, au passage), et surtout d'une monotonie à faire passer un album de Drudkh pour les 4 saisons de Vivaldi – le comble étant la reprise de Death SS qui s'appesantit sur le même accord pendant d'interminables minutes de souffrance. C'est bien beau de cracher sur les groupes qui sont devenus suffisamment matures pour ne pas faire tourner leur imagerie qu'autour de Satan, encore faudrait-il proposer quelque chose d'intéressant voire simplement d'original à l'auditeur. Mais bien entendu nous n'avons le droit qu'à une soupe musicale beaucoup trop longue, reléguée au second plan derrière une imagerie pseudo-rebelle qui ne fait frissonner que les ados attardés et les ménagères égarées devant Sept à Huit.
Si l'album tient globalement du désastre, tout n'est pas à jeter, notamment les trois premières minutes de « Hymn To Qayin », qui font franchement Dissection du pauvre, alors que hormis quelques arpèges éculés qui ne sont d'ailleurs pas l'apanage de Nödtveidt, je ne vois pas ici le début d'un rapprochement musical entre les deux groupes. C'est le seul morceau de
Lawless Darkness qui me fasse cet effet, et chose surprenante, j'arrive à l'écouter sans avoir envie de le zapper (au bout de 45 minutes il était tout de même temps !), malgré sa construction bancale et sa répétitivité à toute épreuve qui ne détonne pas avec le reste de l'opus. J'arriverais même à trouver à ce quatrième album deux qualités : son chant qui arrive quand même à insuffler un peu d'énergie à cette heure monotone, et surtout sa production limpide signée Necromorbus qui permet de distinguer chaque instrument et de ne pas nuire au semblant d'ambiance malsaine que le groupe essaye de mettre en place sans jamais réussir.
Après quatre albums et dix ans d'existence Watain en est encore à nous créer une intro avec arpèges et hurlements de loups en arrière plan... Même si une telle débauche de créativité ne peux que m'éblouir, je me demande si je genre de chose n'a pas été faite environ 1593 fois au cours des deux décennies qui viennent de s'écouler. Tout dans cet album sent le réchauffé, exception faite de l'atmosphère créée qui elle ne sent rien, et certainement pas le souffre. L'ombre de Dissection plane au dessus de cet opus, une ombre timide, dépouillée de son talent et de son génie, juste armée de quelques restes de mélodies et d'harmonies trop évidentes qui semblent pourtant largement suffire au groupe. Season Of Mist nous a vendu un Watain leader et s'il est difficile de rester imperméable au plan promo massif du label il faut malgré savoir prendre du recul, faire confiance à ses oreilles et accueillir au final cette galette pour ce qu'elle est…un album de black metal creux, trop long, chiant et très moyen. En matière de musique les musiciens de Watain n'ont jamais inventé le beurre à couper l'eau chaude et risquent, à terme, de passer pour un gang d'escrocs s'ils veulent nous faire croire le contraire plus longtemps.
Häxan : 3/10
von_yaourt : 2/10
* Le lecteur désemparé est prié de lire l'intégrale des Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett dans les plus brefs délais.
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