Spheron - Ecstasy Of God
Chronique
Spheron Ecstasy Of God
Je ne sais pas si c'est parce que j'achète moins de CDs mais les découvertes en death metal cette année se font rares. Sauf que peu de temps après Extinction Protocol, voilà qu'un autre combo sorti de nulle part vient de gagner mes faveurs!
Je reçois des tas de promos MP3 et je n'ai ni le temps ni l'envie de tous les essayer. Si je ne connais pas le groupe ou l'un des membres, je ne me pose même plus la question désormais, au risque de rater une bonne surprise. Au début, je n'ai donc pas fait attention aux Allemands de Spheron et leur premier full-length Ecstasy Of God, depuis tout juste sorti chez Apostasy Records. Mais quand je reçus un trailer pour découvrir des extraits en apprenant qu'Ecstasy Of God est chaudement recommandé par Steffen Kummerer d'Obscura qui en fait une de ses révélations tech-death pour 2013, ma curiosité fut piquée. Quelques secondes m'ont suffi à ne pas regretter d'avoir cliqué sur cette vidéo YouTube. Je décèle tout de suite un potentiel intéressant, mon intérêt grandissant au fur et à mesure que passe le clip. Du coup je retourne télécharger le promo afin de confirmer ce que j'avais cru percevoir. Après tout, beaucoup de bandes-annonces de films accrochent quand le produit entier déçoit.
Pas de ça ici. Spheron est bien une excellente surprise. Sans doute la meilleure de cette année en death metal pour l'instant. Comme quoi la pub, ça marche! Je viens d'ailleurs à nouveau d'en faire les frais en achetant un portefeuille en aluminium Ögon Designs (designed in Sweden!) après avoir lu un encart sur Science & Vie! Deviendrais-je une cible facile pour la consommation de masse? Non, car encore faut-il que le produit soit de qualité. L'argument commercial citant le leader d'Obscura m'a juste poussé à jeter une oreille. C'est Spheron qu'il faut féliciter de jouer une musique suffisamment intéressante pour qu'on ait envie d'en savoir plus après un avant-goût d'une minute. Et pour le portefeuille, j'en ai pris un soldé à 50%! Comme ça, ils ne m'auront eu qu'à moitié!
Mais revenons à nos Teutons. Si Steffen Kummerer a eu raison de faire leur éloge, le terme tech-death n'est cependant pas tout à fait juste. Effectivement, Les Teutons de Spheron montre ici des qualités rares de musiciens et sont très à l'aise techniquement. Le rendu est puissant, millimétré. Carré, précis, à l'image d'une production moderne exemplaire. Et certains passages pourraient tout à fait être qualifiés de tech-death, je pense en particulier à l'introduction démonstrative de "Clasp The Thorns". Mais sinon, Spheron ne fait pas à proprement parlé de death technique. Son death est technique mais ce n'est pas du death technique. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre... et puis ça m'évite les réprimandes de ce casse-pied de von_yaourt! De toute façon, si ç'avait été du pur techno-death, j'aurais trouvé ça chiant!
Alors que Spheron est tout sauf chiant, même si 52 minutes c'est un peu long. Heureusement, le quintette formé en 2007 sous le nom d'Immanuel Cunt débordait d'idées pour l'enregistrement de ce Ecstasy Of God et sait teinir l'auditeur en haleine. Spheron évolue en fait à la frontière du death technique en proposant un death metal moderne, riche et aux élans technico-progressifs. Moderne dans le rendu propre où rien ne dépasse mais à l'ancienne dans la démarche de composition. Car les douze titres de ce premier album sont avant tout de vraies compositions avec un fil rouge, des riffs efficaces et des mélodies directement accrocheuses. Voilà la première grande qualité de Spheron: un talent de composition, une intelligence de jeu qui fait défaut à bon nombre de formations de sa génération. Les Allemands ont beaucoup de choses à dire mais il savent structurer leur discours pour ne pas perdre leur auditoire dans une avalanche de riffs et de notes sans queue ni tête. Pour un jeune groupe constitué de parfaits inconnus, c'est bluffant!
Du coup, on se retrouve avec des morceaux très variés. Une qualité rare dans le death, surtout aujourd'hui. En ce qui concerne les rythmiques, Spheron visite tous les tempos tout en préférant nettement quand ça va vite. On retrouve ainsi avant tout du jeu rapide avec notamment beaucoup de blast-beats. En gros, ça bourre souvent et c'est tant mieux! Cela dit les Allemands savent aussi s'y prendre quand il s'agit de lever le pied. La preuve, entre autres, sur "Pulse Of Instinct" et "From Glint To Crackling". Ces deux morceaux s'étendent au-delà des 7 minutes mais n'ennuient pas grâce à un bon sens du mid-tempo et de l'ambiance, notamment la dernière piste qui clôt l'opus sur une note presque zen. L'atmosphère est justement une donnée importante de la musique de Spheron qui s'est donné du mal pour écrire des morceaux prenants dans lesquels embarquer l'auditeur, par exemple en jouant beaucoup sur les dissonances. Le combo a également eu la bonne idée d'insérer quelques courts interludes instrumentaux à base d'acoustique et d'arpèges sur lesquels le groupe se révèle là-aussi intouchable: "A Means To An End", introduction parfaite pour l'opus, "Prelude To The Misery" et ses quelques orchestrations et "Anthropogenic" et sa belle lead mélodique.
Ah, les mélodies. Là non plus, Spheron n'a rien à envier à personne. Les envolées du guitariste Tobias Alter vous laisseront pantois d'admiration. C'est beau, c'est propre, c'est bien amené. Le parfait équilibre entre feeling et toucher technique. Et ce ne serait pas un solo de basse en son clair à vous donner des frissons sur "Clasp The Thorns" vers 4'15? Quant aux riffs, dois-je vraiment préciser que les Teutons maîtrisent également ce domaine? Pas de saccades à tout va, juste du bon vieux tremolo mélodique sombre et véloce. Là aussi, la formation a tout compris en travaillant ce domaine à fond et en ne se reposant pas uniquement sur son niveau technique, la vitesse de ses blasts ou la puissance de sa production.
Puissance, technique, brutalité, mélodie, groove. Non vraiment, Spheron sait tout faire et il est difficile de mettre le doigt sur une anomalie. Peut-être quelques passages moins convaincants (un "Five Degrees" un peu en-deçà) et une longueur trop ambitieuse. Ma seule vraie interrogation concerne en fait les thèmes abordés, notamment la religion. Je n'ai pas accès aux paroles mais le combo me semble très croyant, allant jusqu'à inscrire le AMDG des Jésuites sur un de leurs t-shirts. Il faudrait leur demander pour confirmer mais cela m'a l'air assez évident même si c'est étrange de voir ça sortir sur un label du nom d'Apostasy Records. Ce ne serait pas le premier groupe que j'écoute allant à l'encontre de mes convictions mais ce genre de croyance n'a pas sa place dans le metal extrême, du moins pour moi. Reste qu'il s'agit de considérations subjectives extra-musicales. Sur le plan de la musique, je le répète, Ecstasy Of God s'impose comme une vraie bonne surprise et Spheron comme l'un des groupes du genre les plus talentueux du moment. Un potentiel assez énorme qui leur permet de livrer des compositions fraîches, variées et intelligentes, parcourues de riffs incisifs, illuminées de belles leads et enrichies de multiples dissonances. Du death metal moderne, puissant (les superpositions growls/shrieks sur les blasts, ça ne pardonne pas!), technique, mélodique et un peu progressif qui devrait plaire à un large public, des fans d'Obscura et autre death technico-progressif à ceux de Nile, de Morbid Angel ou de brutal death polonais, en passant par les mordus de modern death qui apprendront à cette occasion qu'on peut faire de la bonne musique actuelle sans saccader des riffs bateau. Aucun doute, ces petits gars s'feront remarquer!
| Keyser 7 Juillet 2013 - 2234 lectures |
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