Après avoir fait danser toute la scène hard rock/heavy mondiale avec un petit EP aussi court que jouissif
(« As Ugly As They Wanna Be » en 1991 battant des records de succès pour un premier EP avec plus d’un million de copies vendues aux Etats Unis), et notamment grâce au tube interplanétaire
Everything About You, Ugly Kid Joe est plus qu’attendu au tournant pour ce qui doit être la confirmation d’un talent tellement évident. Poussés par l’opportunité qui leur est offerte d’ouvrir pour la prochaine tournée de leur idole Ozzy Osbourne pour le ‘’No More Tears Tour’’ (et probablement aussi par une maison de disque (Mercury) déterminée à battre le fer du succès tant qu’il est encore chaud), l’enregistrement se fait en quatrième vitesse puisqu’en deux mois à peine tout est dans la boite. Il n’en fallait de toute manière probablement pas plus pour un groupe en plein état de grâce, confirmant non seulement le potentiel perçu sur le génial EP mais allant même jusqu’à enfanter de l’un des albums les plus emblématiques de l’époque. Parfait de bout en bout, « America’s Least Wanted » et sa pochette à deux doigts (ou à un…) d’être censurée par des labels craignant l’offense à la puritaine Amérique (croquer la statue de la liberté aux traits du petit garnement, majeur tendu et un magazine porno sous le bras, quelle affront !) est un pur moment de rock n’ roll, jouissif au possible. Inutile de vous préciser qu’il fait indiscutablement partie de mes albums cultes. Je me souviens même de la petite effervescence qui nous animait au collège au moment de sa sortie et de ce sacré FX qui nous avait lâché cette info capitale :
« J’ai entendu une chanson, dans le refrain il dit « neighbor » ! ».
Autant vous dire que j’ai longtemps ruminé autour de cette chronique, ne sachant pas par quel bout la prendre, toujours confronté à cette difficulté paradoxale de trouver les mots juste pour évoquer un album qui vous a tant parlé. Essayons donc d’éviter le pénible track by track et allons-y au feeling (pour le déluge de superlatifs, par contre, vous repasserez). Alors « America’s Least Wanted » qu’est-ce que c’est ? C’est la suite logique d’
« As Ugly As They Wanna Be », à savoir un joyeux mélange de hard rock musclé, de métal rondelet et groovy, de refrains imparables et de mélodies irrésistiblement envoutantes. Bâties sur une charpente de riffs magistraux concoctés par la paire Klaus Eichstadt / Dave Fortman (récent remplaçant du sieur Lahr ayant quitté le navire) les treize titres ici présents oscillent entre hymnes métal fédérateurs (la tonitruante « Neighbor », « Goddamn Devil » et son featuring du Metal God, la dansante «Panhandlin’ Prince », « So Damn Cool »), tubes aux accents plus funky / groovy (« Come Tomorrow », « Same Side », « I’ll Keep Tryin’ » ), power ballades inévitables (la géniale « Busy Bee », « Don’t Go », la sublimissime reprise du « Cats in The Cradle » de Harry Chapin), les onze nouveaux titres étant complétés par les deux reprises de l’EP « Everything About You » et « Madman » (à peine retouchés histoire de). Porté par une production top moumoute avec un son de gratte rond et grassouillet, « America’s Least Wanted » c’est donc avant tout un recueil de riffs absolument fabuleux, accrocheurs, de ceux qui vous rentrent en tête dès la première écoute et ne vous lâchent plus même vingt ans après. Divin ! Pas la peine de m’embêter à citer quelques titres, TOUS sont concernés. L’idée est un peu la même concernant les solos. Si Klaus Eichstadt et Dave Fortman n’ont jamais squatté les podiums des guitaristes les plus reconnus dans le milieu, force est de constater qu’ils n’ont pourtant rien à envier à quiconque. Que ce soit en terme de technique pure ou de feeling, nos deux gus en ont à revendre à la pelle ! Ce premier album comporte quelques-unes des leads les plus mémorables qu’il m’ait été donné d’entendre. Un régal !
Ugly Kid Joe a toujours su apporter une bonne dose de groove à sa musique, ce dès
« As Ugly As They Wanna Be », avec un penchant pour des sonorités funky (la deuxième moitié de la géniale « Sweet Leaf / Funky Fresh Country Club ») apportées essentiellement par son bassiste Cordell Crockett. Ce dernier illumine une fois de plus cet album de sa basse slappée et noyée de wah-wah tellement communicative, atteignant son apogée sur « Same Side », véritable terrain de jeu de ses quatre cordes espiègles. Que dire enfin de la prestation vocale de Whitfield Crane ? Frontman dont le charisme et la belle gueule n’ont d’égal qu’une voix incomparable, cette prononciation si particulière (l’accent californien ?) et cette facilité déconcertante à vous balancer des refrains sublimes, tellement évidents, qui à l’instar des riffs ne vous quitteront plus jamais (là encore tous les titres sont concernés). Le beau gosse démontre ici qu’il est bel et bien l’un des tout meilleurs chanteurs du style, ni plus ni moins.
Je pourrais m’étendre des heures durant en vous parlant de chaque titre pendant une page mais je préfère encore en rester là. Et si je suis persuadé que la plupart d’entre vous a déjà ne serait-ce qu’une fois posé ses oreilles sur ce bijou, je ne peux que pousser ceux qui n’auraient pas encore eu cette chance à tenter l’aventure et replonger au début des années 90 grâce l’un de ses albums emblématiques. S’il se termine sur une doucereuse « Mr Recordman » aux paroles dont la naïveté n’a d’égal que la probable sincérité, « America’s Least Wanted » reste un summer album par excellence (idéal en ce moment même !) aux lyrics mélangeant humour potache, jolis sentiments, le tout baigné d’une cool attitude californienne à toute épreuve, et atteignant une qualité de songwriting incroyable. Un album indémodable qui vous colle un smile énorme pour toute la journée et devrait être passé chaque matin à tous les écoliers du monde entier. Oui môssieur !
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