Il manque sur ce site une catégorie « OVNI » pour les disques dont l’intérêt ne se résume pas en une mathématique des bons/mauvais riffs et autres facteurs concrets touchez ma bonne dame c’est du vrai de la bonne terre mais dans une sorte d’impression, fugace mais générale, plaçant les dits-accusés sur le banc des marginaux. Elle serait pourtant adaptée au dernier EP de Cowards, ce groupe ayant enfanté le sympa mais trop sympa, catchy mais trop lisible,
Shooting Blanks And Pills l’année passée.
J’ai eu du mal à m’y faire, à l’idée que ce side-project de luxe prenait le risque de créer – mon dieu – une musique personnelle, déroutante après un premier album efficace. Il a fallu quelques insistances, quelques bons mots, pour me pousser à ne pas mettre à la corbeille l’exemplaire dès une première écoute laissant une sensation de « n’importe quoi », de mauvaise copie se rêvant sludge, hardcore négatif voire screamo par un chanteur cachant mal son cœur à vif derrière ses lignes agressives.
Pourtant, Cowards rejoint ici un groupe dont il est issu, Eibon, cette formation dont on ne sait exactement dire ce qu’elle possède de classique et chelou, à la fois dans les clous et ailleurs.
Hoarder ne contient pas à proprement parler du sludge, il s’en approche cependant dangereusement par un hardcore affamé, bourré d’envie d’engloutir ce qui peut passer sous sa main d’enfumé et corrompu, cela avec un tel acharnement qu’il en attrape ce blues de crevards typique. Pas autant adepte des piliers de comptoir qu’Eyehategod, pas aussi cramé que Grief et pourtant qui parvient, sans théâtralité aucune, à transmettre sa fascination pour la débauche, à l’image de sa pochette signée Jean-Luc Navette, au premier abord excessive dans son accumulation de vices, puis attirante pour cette même raison.
Ainsi, les Parisiens sont parvenus à attraper le malsain qu'ils aiment tant, non pas grâce à leur goût des morceaux directs (il y a pourtant quelques sacrés moments de castagne ici) mais par cette passion à se déglinguer la tronche lors de compositions où le jeu des devinettes n’est plus aussi limpide que durant
Shooting Blanks And Pills et ses enchainements de passages « à la ». Puisqu’il faut bien placer les Français sur l’échiquier, je dirais que Cowards ressemble de plus en plus à un Kickback dont les composants chimiques se seraient changés en quantités, en mélanges, mais aussi en intentions,
Hoarder n’allumant pas de perversions raffinées comme savent le faire les esthètes fans du PSG de
No Surrender mais d’une certaine évidence à s’arracher la gueule, quelque chose de direct et enfoui, brouillé dans ses états d’âmes et malgré tout doté d’un tourment bien présent.
L’album demande cependant un certain effort, un certain contexte, pour montrer ses qualités. Pour une fois, la durée généralement parfaite du format EP dessert ce qu’elle contient,
Hoarder demandant une deuxième écoute successive pour faire valoir son hardcore faussement frontal dont la saveur se détecte qu’après avoir perdu l’intention de se défouler, lors d’une écoute plus attentive. On sait la rapidité avec laquelle Cowards créé et sort ses disques : nul doute que le tir sera vite corrigé et permettra de vérifier si celui que j’avais mis dans la section des bons élèves est en fait le bagarreur des fonds de classe, entendant d’une oreille discrète les leçons des autres entre deux mutilations sous la table pratiquées par ennui morbide, besoin vital de ressentir.
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