[ A propos de cette chronique ] Fin 2013… La France se questionne et sombre dans la peur avec « l’affaire Dieudonné ». La quenelle serait un salut nazi à l’envers, son créateur un antisémite diabolique, ses spectacles des meetings politiques appelant à la haine… Les insultes fusent alors et des menaces sont mises en application dont l’interdiction pour l’intéressé de donner son spectacle…
Et pendant ce temps-là, le black NS ? Bah il est pénard pépère, pourtant bien plus assumé en tant que « nazi, antisémite et haineux », il est trouvable facilement et sans risque de représailles. En 2013, on se souviendra ainsi de groupes se réclamant du style tels qu’
ARMAGGEDON en France,
BILSKIRNIR en Allemagne et donc
MOLOTH, qui nous intéresse ici, en Russie. Trois formations au style différent réunies sous cette appellation NSBM qui ne veut pas dire grand-chose. Seuls la thématique et le concept permettent de faire un lien entre elles et il est donc difficile de dire « J’aime (ou je n’aime pas) le NSBM » pour des raisons autres que conceptuelles ou morales.
Et encore, il faut essayer de relativiser et comprendre que beaucoup des groupes « nauséabonds » qui regrettent « les heures les plus sombres de notre histoire » ne sont que provocateurs. Ils vous répondront que le black se doit d’être une incarnation du mal et que rien n’est plus evil que les nazis, vilains parmi les vilains. C’est une imagerie qui remplace souvent celle de Satan Tout Méchant et ses enfers dans lesquels les groupes ne croient bien évidemment pas… Donc, cette attitude peut être discutable, mais être choqué fait souvent le jeu du groupe. Enfin, arrêtons-là et concentrons-nous sur la musique de ceux qui sont en haut du panier, aux côtés de
WOLFNACHT,
LEGION OF DOOM,
HOLDAAR et
SONS OF NORTH : c'est-à-dire
MOLOTH. Formé en 2002, il a sorti une bombe en 2004, un
By the Wing of Black qui était très imbibé de punk et époustouflant d’énergie et de coups de pied dans la face. Il avait eu son petit succès, à tel point qu’il avait été suivi d’une version live en 2006 (
Sturm) et de la réédition de la version demo en 2010 (
Scent of Blood / Rehearsal 2003 A.B.). Mais alors qu’on attendait une suite dans la même veine, le deuxième album en 2009 avait apporté quelques nouveautés, dont principalement des incursions pagan inspirées par
TEMNOZOR. Il y avait encore du talent, mais beaucoup moins de punch pour plus d’ambiances. Il avait été suivi en 2011 d’un split avec
NEZHEGOL un peu décevant à cause de vocaux beaucoup moins impliqués, avec beaucoup moins d’émotions. Ils étaient l’œuvre d’un chanteur (Kiborg) venant du rac (membre de
BAD TO THE BONEHEAD et
MARGINAL 282) qui ne collait pas au style
MOLOTH.
Et la bonne nouvelle du troisième album qui vient de paraître c’est qu’il n’est plus là. Il a été remplacé par Aleksandr, de
NEZHEGOL justement, le groupe qui signait la deuxième partie du split cité plus haut. Et là on retrouve de l’énergie et des sentiments pour un plaisir complet. Pas seulement grâce à lui d’ailleurs, mais aussi au deuxième chanteur, Aleksey et à la fusion de leurs timbres, l’une des grandes réussites de l’album tant la symbiose est miraculeuse. L’un qui hurle et piaille de douleur comme un chien malmené, l’autre qui chante « à la slave », typé
TEMNOZOR, et donne envie de regarder au loin. Les deux hommes sont possédés et parviennent à transmettre des émotions fortes, aussi bien quand ils prennent le micro à tour de rôle que lorsqu’ils superposent leurs voix. Zizi tout dur et tension à son comble sont au programme.
Et le plus merveilleux, c’est que la musique suit.
MOLOTH parvient à mêler toutes les ambiances qu’il avait testées jusqu’à maintenant, et avec une efficacité maximale. Il délivre alors un black très rac avec des incrustations pagan burnées et des riffs heavy jouissifs. Le mélange improbable est destructeur et toutes les compositions parviennent à retenir l’attention le long de l’heure de jeu. 56 minutes précisément, composées de 8 morceaux accompagnés d’intermèdes. Ces derniers n’étaient pas vraiment indispensables, mais ils ont l’avantage de nous nous faire récupérer entre deux déflagrations. On y entend des samples (vagues, vent, discours enflammés par un Allemand célèbre…), des chants patriotiques ou encore des déclamations, à la manière d’
ARYAN ART.
Sinon tous les titres se valent et sont irrésistibles. Ils contiennent force, puissance mais aussi mélancolie et tourmente, tout ce qu’il faut pour tomber sous le charme. Une grosse préférence pour « Tears of Autumn » qui revêt un bon côté tragique. À noter que « And Still It Will Be So » était déjà présent sur le précédent album mais qu’il a été amélioré et prouve bien la progression du groupe, sa maîtrise de son style. Et s’il faut faire un petit reproche, ce serait à propos du dernier morceau de 12 minutes qui est en fait un condensé de
MOLOTH. Il reprend en fait tous les ingrédients du groupe comme pour en faire une carte de visite. Il commence par les déclamations sur fond de piano, puis enchaine avec du pagan doux et mélancolique, les différents vocaux font chacun leur petit show et les parties punk arrivent avant l’explosion finale. Le titre est très bon, mais il s’incruste un peu mal après le reste et aurait été mieux sur un EP.
MOLOTH sort un album excellent de qualité et personnel. Il est moins direct que le premier album et sans doute légèrement moins bon malgré sa palette de variations, mais il dépasse les autres sorties.
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