Conan - Blood Eagle
Chronique
Conan Blood Eagle
Cette facilité déconcertante de passer à côté d'un groupe, pris par le flot des sorties ainsi que les innombrables nouvelles formations qui affluent sans cesse, et ce malgré de nombreux signaux vous brûlant les yeux tels que de bons papiers ainsi que le nom de la susdite entité ˗ souvent accompagné de la pochette ˗ tournant en boucle sur les forums. Mais un trop-plein d'écoutes ou bien votre humeur du moment feront que vous passerez à côté d'une perle rare. Conan fait irrémédiablement parti de ceux-là, celui-ci m'ayant aguiché dès 2012 avec le curieux artwork de leur premier album Monnos aux critiques élogieuses, mais le manque de curiosité et de motivation ont fait que la rencontre n'eut finalement pas lieu. Heureusement la Roue de Fortune a connu une phase ascendante et c'est donc par le meilleur des hasards, durant le Hellfest cuvée 2014, que la magie va enfin opérer grâce à une prestation mémorable avec cette idée fixe en tête : parler de ce trio originaire de Liverpool sur Thrashocore en présentant leur dernier album Blood Eagle paru cette année et d'où proviennent trois titres ˗ sur quatre ˗ présents dans la setlist !
Et autant vous dire que l'opus est à l'image de leur live aussi groovy qu'efficace ! Pourtant le groupe commence en douceur avec un premier titre fleuve « Crown of Talons » où les influences de Sleep se font nettement sentir par cette atmosphère aussi lourde qu'entêtante. Un côté très hypnotique qui est renforcé par des paroles minimalistes ˗ marque de fabrique de Conan ˗ scandées en mode « slow motion ». Cependant le chant crié typé stoner de Jon Davis et Phil Coumbe vous sort quelque peu de la léthargie grâce à sa puissance et sa rage, offrant de ce fait un beau contraste avec les sonorités caressantes, le tout appelant ardemment à dodeliner de la tête. Mais l'intensité monte crescendo avec une musique toujours plus virile comme sur la percutante « Total Conquest » aux mélodies faciles et imparables où la tension palpable ˗ cette basse des plus vrombissantes ˗ nous renvoie à Electric Wizard.
Le trio alterne habilement passages low tempo et mid tempo tenant en haleine l'auditorat avec de magnifiques séquences tels l'introduction magistrale de « Foehammer » ainsi que les riffs ultra efficaces d' « Horns for Teeth » sans parler du mastodonte « Altar of Grief » où vous êtes littéralement broyés par le jeu massif de Paul O'Neill. Alors certes Blood Eagle n'offre rien de bien original piochant ici et là ses idées ˗ avec une pensée pour Slomatics (avec lesquels ils ont partagé un split en 2011) mais surtout High on Fire, pour ne citer qu'eux ˗ cependant les Anglais arrivent à se détacher de la masse grâce à un univers et des ambiances singulières. Un monde à la fois primitif et légendaire rythmé par d’innombrables combats dans lesquels s'affrontent des guerriers aussi valeureux que désabusés aux armures titanesques dont vous partagez les tribulations.
D'ailleurs le choix porté par la formation pour une production très brute, avec Chris Fielding aux manettes (qui est désormais l'actuel bassiste), reléguant le chant ˗ avec reverbe ˗ au second plan ne fait que renforcer cet aspect en surlignant par ces guitares saturées couplées à une batterie au son naturel le côté pachydermique et rugueux de l'album. Cependant, malgré ses allures faussement hermétiques avec une durée approximative de 45 minutes pour 6 titres, Blood Eagle est un véritable brise nuques défilant à vive allure. Une œuvre étrange, à la fois limpide et accessible de par ses mélodies catchy de même que les parties lentes très enivrantes mais aussi complexe par sa noirceur à peine voilée ainsi que des paroles énigmatiques laissant libre cours à l'imagination. Une bien jolie réussite en somme.
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