Bien que Goatsnake n’ait jamais officiellement splitté, sa dernière sortie remonte pourtant à plus de dix ans (
Trampled Under Hoof paru en 2004). Ainsi, à l’exception de quelques concerts choisis avec parcimonie (qui ça ?), le groupe californien n’avait plus donné signe de vie depuis près d’une décennie. Il n’y avait donc aucune raison particulière d’espérer un quelconque retour de leur part jusqu’à cette annonce inattendue faite il y a un peu plus d’un an évoquant la sortie d’un troisième album évidemment inespéré.
Juin 2015, fin de cette attente insoutenable. Après quelques titres lâchés en pâture afin de rassurer les quelques fans nerveux et impatients, Goatsnake offre au monde entier cette nouvelle livrée longue durée baptisée pour l’occasion
Black Age Blues. L’artwork est simple, presque décevant de prime abord, mais correspond finalement assez bien à l’idée que l’on peut se faire de la musique des Américains : tout d’abord chaleureuse et accueillante et puis finalement beaucoup plus sombre et menaçante qu’il n’y paraît. Une ambivalence qui a toujours caractérisé la musique de Goatsnake et que représente donc très bien cette église de western que surplombent ces nuages chargés et inquiétants.
Comme pour mieux accompagner l’auditeur fébrile dans la découverte de ce nouvel album, Goatsnake reprend les choses exactement là où il les avait laissées quinze ans auparavant. C’est en effet sur la même séquence piano/voix concluant "The River", dernier morceau de
Flower Of Disease, que s’ouvre "Another River To Cross" dont le titre lui-même fait également office de clin d’œil plus qu’évident. De quoi se sentir comme à la maison d’autant que les neuf compositions qui constituent ce
Black Age Blues (onze pour ceux qui feront le choix de l’édition vinyle) ne feront que confirmer cette première bonne impression.
Mais en dépit de ce ressenti positif, les écoutes qui ont suivi ont très rapidement su révéler la faiblesse toute relative de ce troisième album. Car si
Black Age Blues ne déçoit pas, force est également de constater qu’il n’est pas non plus tout à fait du niveau de son prédécesseur. Un sentiment lié à quelques morceaux et/ou séquences que je trouve bien moins marquantes là où
Flower Of Disease savait se montrer d’une homogénéité sans faille. Pourtant peu nombreux, ces titres/passages viennent rompre avec cette excellence dont Goatsnake a le secret pour proposer alors quelque chose de malheureusement plus anecdotique. Rien de bien rédhibitoire dans l’absolu mais la comparaison avec son prédécesseur étant inévitable, vous comprendrez que je ne puisse m’accommoder de titres comme "Coffee & Whiskey" (du moins la première partie et à l’exception de son excellent refrain) ou "Black Age Blues" (excepté ce dernier tiers plus en lourdeur qui me convainc davantage). Deux titres qui malgré un côté plus direct et mélodique ont toujours bien du mal à me passionner en dépit d’un nombre d’écoutes qui ne cesse de croitre.
Quelques "facilités" bien vite pardonnées eu égard à une majorité de titres bien plus mémorables à commencer par l’enchaînement "Another River To Cross"/"Elevated Man" qui s’impose sans conteste comme le meilleur moment de ce
Black Age Blues. Au-delà du parallèle évoqué un peu plus haut avec l’album
Flower Of Disease, ce titre s’impose dès les premiers riffs implacables de Greg Anderson comme un morceau tout en puissance et en majestuosité. Le rythme lent et impérial, presque processionnaire, donne l’impression d’un Goatsnake glorieux et conquérant défilant devant une assistance subjuguée après une longue et périlleuse guerre/quête/ce que vous voulez... Et si les riffs d’"Elevated Man" continuent de nous écraser le visage contre le sol froid et rugueux, Goatsnake y insuffle un groove absolument irrésistible qui en fait probablement le tube le plus mémorable de ce troisième album. D’autant que l’on y retrouve cet harmonica qui nous avait tant manqué. Plus discrets après cette entrée en matière fracassante, l’excellent "House Of The Moon" et ses chœurs féminins subtils apportant un soupçon de douceurs à ces riffs sabbathiens toujours aussi écrasants. Un chant féminin que l’on retrouve d’ailleurs sur le très bon "Jimi’s Gone" moins lourd, plus catchy. Les trois derniers titres renouent avec cette lourdeur temporairement envolée avec pour commencer un "Graves" fort sympathique mais sans trop de relief. Ce sont surtout les deux derniers titres qui méritent le plus votre attention. Tout d’abord l’excellent "Grandpa Jones" qui une fois encore cache derrière les riffs lourdingues et répétitifs de monsieur Greg Andersson (arghhhh ce riff d’introduction !) un sens aiguisé de la mélodie qui fait touche. Outre les lignes de chants toujours aussi impeccables d’un Pete Stahl dont le timbre s’est sensiblement épaissi avec l’âge, l’ajout une fois de plus de ces voix féminines à l’aura soul évidente n’est pas sans apporter un cachet supplémentaire à ce titre écrasant et en même temps irrésistiblement catchy. Quant à "Killing Blues", si les trois premières minutes pourront vous sembler relativement quelconques pour du Goatsnake, le morceau vaut surtout pour les quatre dernières , notamment à partir de ce break tout en finesse où tout semble s’effacer l’espace d’un court instant et qui n’est là que pour introduire une dernière partie explosive marquée par ce riff hypnotique et saisissant qui vient se noyer dans le sample de cette pluie battante annoncée par les nuages chargés de cette artwork bleuté.
Malgré quelques remarques à l’encontre de certains passages que je trouve effectivement moins à mon goût,
Black Age Blues marque un retour en grande pompe de la part d’un groupe que l’on n’attendait plus. Car si les membres de Goasnake ont attrapé entre temps quelques cheveux blancs, ces derniers restent plus que familier avec l’ensemble des codes qui régissent ce style qu’est le Stoner/Doom. C’est ainsi sans surprise que l’on retrouve un groupe toujours particulièrement à l’aise avec ses propres spécificités, notamment en ce qui concerne cette manière de construire ses morceaux sur la base de riffs écrasants et hypnotiques tout en y apportant un groove absolument communicatif, une atmosphère héritée du Blues sudiste et un sens inné de la mélodie qui tue, celle qui vous attrape pour ne plus jamais vous lâcher. Enfin, et je ne l’ai certainement pas assez dit dans cette chronique, Goatsnake ne serait pas ce qu’il est sans la voix incroyable de Pete Stahl, chanteur à la classe et à la prestance insolente et dont la voix douce et forte, assurée et mélodique confère à la musique de Goatsnake cette personnalité affirmée et indiscutable.
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