Allez savoir pourquoi, voici que m’a pris ces dernières semaines une furieuse envie d’écouter Acid Bath. Peut-être est-ce ce temps aussi agréable qu’inquiétant d’un mois de janvier où les coups peuvent se boire en terrasse, le retour à mon bayou natal qui m’a donné des désirs de sludge entre deux disques de black metal… Ou le bête rappel à l’ordre que l’on a parfois, quand on n’a plus écouté depuis un moment un groupe important pour nous et qu’on se sent obligé d’aller le revoir, histoire de vérifier si la magie est toujours présente.
A moins que la raison soit à chercher dans cette image revenant de temps en temps dans mon esprit, celle d’un autel dédié à la Vierge Marie que j’ai croisé lors d’une balade en Lorraine. Une journée à la chaleur écrasante où je naviguais entre des vieilles maisons silencieuses en direction d’une forêt, dans l’espoir de trouver un peu de frais sous les arbres. Devant la façade d’une bâtisse, elle était là, m’ayant attiré de son blanc irritant mon regard sous la lumière d’un été peu accueillant. Surplombant un jardin de fleurs sauvages, s’entremêlant les unes aux autres, le lierre et les mauvaises herbes devenant une flore parmi d’autres, son allure classique, austère, avait été massacrée de couleurs criardes, fauves, ajoutées d’une façon paraissant arbitraire et maladroite en même temps, un bleu royal, un rouge sang barbouillé sur les lèvres, du noir sous les yeux et sur le cou. C’est son étrangeté qui m’a interpellé, son air saint mutilé par une peinture naïve, bizarrement sensuelle et dégoulinante. Le temps de ma contemplation, des chiens de garde s’étaient mis à enfoncer leurs crocs dans le grillage me séparant d’elle. Je suis alors parti, remarquant juste un écriteau non loin disant, par des morceaux de bois vissés ensemble, « Priez pour nous ».
Peut-être n’est-ce pas la raison, toujours est-il que c’est ce souvenir qui s’est attaché directement à mes écoutes récentes de
Paegan Terrorism Tactics. Cela tombe bien, il n’en avait pas de particulier à lui, contrairement à son prédécesseur que je vois encore aujourd’hui comme ma première véritable expérience de la virilité mise en musique, avec son agression avançant tel un serpent, son charme nécrosé, sa libido de redneck bellâtre et pervers. Simplement, je voyais en sa suite une version moins réussie, une redite dont la renommée profitait plus de la courte carrière d’Acid Bath que de ses qualités intrinsèques. Car, avec ses morceaux s’enchainant difficilement, ses passages hésitant entre coups de bourre sludge, blues amoureux et expérimentations diverses, frôlant aussi bien le black metal que le heavy rock (du metal « alternatif » en somme, du moins dans une version pouilleuse, sans shampoing ni démêlant), ce second longue-durée laisse une impression moins ébouriffante que
When the Kite String Pops où les mêmes éléments se marient sans donner une impression de fourre-tout, d’incohérence, mais avec le naturel des meilleurs séances de baises imprévues. Certes, un album marqué par un tel chant et de telles compositions est nécessairement plus qu’un « très bon album » ! Cependant, à aucun moment l’essai de 1996 n’arrivait jusque-là à me faire oublier son aîné, autrement plus trouble et troublant.
Il aura donc fallu une image. Une image pour voir que la formation possédait encore ici cette beauté vénéneuse, décadente, où la consanguinité devient un mélange en soi, une mutation de freaks vivant seuls dans la campagne, arbre généalogique incohérent, filiation embrouillée. Une image pour voir la poésie malade de ces morceaux-ci qui, au-delà des paysages mentaux d’une Amérique profonde et fantasmée qu’ils convoquent, donnent l’impression d’instaurer en Royaume les endroits reclus où vivent les marginaux, entre plans de conquête (le groupe n’a pas perdu sa hargne de boiteux, cf. « 13 Fingers » ou encore « Diäb Soulé ») et instants fédérateurs, les gâchés et les cachés se réunissant pour chanter leurs odes aux oubliés de tout poil, prostituées, morts, clochards, au sein d’un temple fait de bois pourrissant, de guirlandes végétales, de sculptures grunge, où l’apparente moquerie de leurs traits grossiers drape une sincérité romantique. Une image pour aller au-delà d’un rythme à la versatilité fonctionnant moins bien qu’auparavant, les émotions et décors étant une nouvelle fois aussi inédits que forts.
Il y a par contre une chose qui n’a pas changé et n’en avait pas besoin : cette sensualité qui parcourt « Dead Girl » et « Bleed Me an Ocean », les plaçant comme meilleurs morceaux d’Acid Bath. Des coups d’éclat qui en font presque oublier d’autres, que
Paegan Terrorism Tactics a à la pelle. Les Louisianais se sépareront l’année suivant cet album, abasourdis de voir la mort toucher un de leurs membres (le bassiste Audi Pitre), malgré leur goût pour les paroles l’appelant sans cesse. Reste une musique imparfaite, bancale, qui pourtant continue de fasciner vingt-deux ans après sa sortie, au point de nourrir l’esprit quand elle s’y invite. Certainement, disque aussi daté en surface et pourtant actuel dans les sentiments qu’il procure mérite bien d’être qualifié de « culte » ! Il m’aura juste fallu un rappel pour m’en convaincre définitivement.
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