Iron Monkey - Iron Monkey
Chronique
Iron Monkey Iron Monkey
Malgré la dévotion aveugle et sourde que j’ai pour Eyehategod depuis le moment où j’ai compris qu'en fait non, In The Name Of Suffering n’est pas « une daube sur laquelle il ne se passe rien à part le dernier morceau », c’est excessivement énervant cette manie de voir le sludge être résumé à eux, à Crowbar, ou encore pire à Down mais là on touche au summum de la connerie. Je veux bien concevoir que New Orleans est une ville qui cristallise les phantasmes, mais arrêtons de penser que c’est l’unique lieu propice au sludge au moins le temps de cette chronique. Car il n’y a qu’à traverser la Manche pour trouver une terre fertile pour le style en question, et sur cette terre règne en maître absolu une abominable bestiole qui répond au nom de Iron Monkey.
La première chose à savoir sur les cinq lascars du groupe, c’est qu’ils n’ont en aucun cas usurpé le terme « Iron » de leur patronyme. Primo parce qu’ils viennent d’une ville industrielle – je vous laisse imaginer à quel point un environnement pareil peut endurcir un homme. Secundo car bien que leur bled de Nottingham soit réputé pour son industrie textile, eux ne font absolument pas dans la dentelle mais plutôt dans la sidérurgie. Puis tertio, pour la simple et bonne raison que les deux points précédents sont transposés musicalement à travers un son de porc, du genre chape de plomb massive et écrasante, un vrai rouleau compresseur en adéquation avec l'origine du groupe alors que la norme de l'époque se portait plus sur le lo-fi de leurs cousins américains.
Alors évidemment, le sludge des bayous et celui du pays du hooliganisme montrent quelques différences dans la gestion des relations sociales ainsi que des émotions. C'est là que le « Monkey » prend tout son sens. Quand la vie en société devient pesante, au lieu de s'isoler pour éviter le contact humain en se réfugiant dans la dépression, la bande laisse l'instinct animal prendre le dessus sur la civilité et s'adonne à la violence urbaine pour exprimer sa misanthropie. L'envie d'éclater le premier venu qui regarde de travers à la sortie d'un pub devient irrésistible, et à vrai dire Iron Monkey ne se prive pas pour donner une leçon de street fighting sauce ghetto, nous offrant la plus belle preuve que hardcore et sludge sont intimement liés. La bastonnade se déroule sous les hurlements sauvages du regretté Johnny Morrow, qui dégueule sa bile lui brûlant la gorge d'une voix de hyène enragée inégalée à ce jour.
Les riffs tout droit sortis du répertoire de Black Sabbath sont joués salement, en taillant dans le gras, appuyés par la production qui transforme tout ça en bouillonnement d'acier et de gravats en fusion. Mais l'artisan principal de la domination de Iron Monkey sur le sludge britannique – voire à l'échelle mondiale en fait – c'est sans conteste Justin Greaves, qui déjà sur ce premier album montre son incroyable potentiel à concourir pour le titre du batteur sludge à la fois le plus groovy – la fin de « Big Loader » – et le plus intraitable comme sur « Web Of Piss ». Il n'atteint pas encore tout à fait la démence de Our Problem mais bon, tout de même. Le bougre matraque ses fûts comme un forcené, chaque frappe faisant l'effet d'un coup de massue derrière la nuque. Pas besoin d'aller chercher plus loin que « Fink Dial » pour se faire malmener par une caisse claire qui castagne en cadence.
Ce premier album éponyme n'est au final ni plus ni moins qu'une grosse brique rouge bien anglaise lâchée du 10ème étage, comme ça juste pour rigoler entre deux lattes tirées sur une pipe à crack, par 5 cassos qui aiment régler leurs comptes et se frotter à la dureté du bitume. On touche quasiment à mon idéal sludge ici, tout fonctionne parfaitement pour laisser de belles tâches de gras et endolorir la carcasse. Bref, Iron Monkey est une sale bête qui ne s'excuse pas d'être bruyante, grossière, provocatrice, brute de décoffrage, rock n' roll... Elle s'excuse encore moins de mettre à l'amende la concurrence à l'aise, car le fardeau était trop lourd à porter après sa disparition prématurée. Je n'ai pas de catch phrase digne de ma passion pour le groupe pour terminer, alors en un seul mot : respect.
| KPM 5 Décembre 2014 - 1336 lectures |
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