« Quoi ? Aucune chronique de Yob sur Thrashocore, mon webzine préféré ? » Hé oui lecteur, je suis tout aussi étonné que toi. Certes le doom metal reste le parent pauvre du site (malgré l'application de Chris, notre chef vénéré, à me pousser à écrire sur le style un marteau et une anthologie des aventures de Den par Richard Corben dans chaque main), mais Yob a depuis longtemps charmé en dehors de son public-cible, devenant un incontournable. Inutile d'avoir rafraîchi mille fois la page de réservation du festival Roadburn dans l'espoir d'avoir une place (déjà prise, argh !) pour connaître le groupe mené par le charismatique Mike Scheidt, des disques comme
Catharsis ou
The Great Cessation ayant donné à la formation une visibilité importante. Des œuvres dont je reconnais la qualité, sans pour autant adhérer totalement aux félicitations qu'elles ont entraînées.
« Comment Ikea ? Veux-tu dire que tu n'aimes pas Yob, toi dont le goût assuré n'a d'égal que ta beauté ardente d'être au cœur pur, et doté d'une mission ? » Holà, c'est toi qui le dis, pas moi (mais merci) ! Et, pour être précis, je n'aime pas Yob... plus que ça. Il tient une place importante dans ma découverte du doom metal (comme c'est le cas pour pas mal de monde) mais, avec le recul, son style tout en longueur a entraîné trop souvent chez moi un ennui embarrassé pour rejoindre définitivement les conquis. J'avais d'ailleurs plus ou moins tiré un trait sur les Ricains après avoir écouté
Atma, album par lequel ils se décidaient à rejoindre les hordes fans de Neurosis sans pour autant pouvoir prétendre au même talent. Il a fallu la vision d'un concert époustouflant pour que je me décide, après passage à la table de merchandising, à laisser une chance à ce nouvel essai.
« Aaaah, et alors ? Raconte-moi tout, je bois tant tes paroles ! » Hum, ok, mais je vais appeler la police si tu continues. Après un
Atma plus que décevant,
Clearing the Path to Ascend montre que Yob a encore des choses à déclarer et qu'il s'est décidé à les dire mieux que de coutume. Bien sûr, le groupe n'a pas changé du tout au tout mais les quelques évolutions présentes ici (à commencer par une belle pochette, une première chez eux) sont suffisantes pour relancer la machine-qui-rêve du trio. D'abord dans les titres classiques, où l'on retrouve ce style à cheval entre doom psychédélique, stoner et post hardcore ayant fait son succès : « In Our Blood » et « Unmask the Spectre » sonneront déjà entendus pour qui connaît bien la formation, leurs différentes montées en puissance et accalmies installant une ambiance spirituelle n'en font pas moins mouches par une retenue, une simplicité montrant un groupe attelé à la tâche. Il suffit d'écouter les moments pesants de « In Our Blood » pour constater que, des riffs destructeurs à une production rude, tout a été fait pour briser l'auditeur afin de mieux le modeler lors des moments enivrants où Mike Scheidt laisse parler son chant clair. On notera d'ailleurs que celui-ci choisit de se faire discret lors de ces deux titres, une preuve supplémentaire de la délicatesse avec laquelle la troupe de l'Oregon fait vibrer la corde sensible, cette décision n'ayant pas dû être facile à prendre quand on sait avec quelle facilité ce John Lennon punk sait faire pleurer les plus enhardis (cf.
son album folk en solitaire).
« Ma-rrow ! Ma-rrow ! Ma-rrow ! » Un peu de patience, j'y arrive. Yob se fait à la fois plus ravageur et sensible sur
Clearing the Path to Ascend, un jeu d'équilibriste qui apporte une patine neuve à son style personnel, le rendant moins rébarbatif qu'auparavant (malgré une baisse de régime sur « Unmask the Spectre »). Mais c'est lorsqu'il foule des terres plus aventureuses qu'il convainc particulièrement : « Nothing to Win », où les grondements neurosiens se dotent d'une force effleurant le black metal le plus imparable, à la fois sur les planches (ma nuque s'en rappelle encore) que sur platine et... « Marrow ». Je ne sais pas quoi dire sur ce titre à part que ceux ayant écouté en boucle et de trop nombreuses fois pour leur propre bien le morceau final de
The Great Cessation seront aux anges. Transcendées par un Mike Scheidt qui déploie toute l'étendue de son chant à la fois radieux et rocailleux, ces dix-huit minutes sont pour moi celles où Yob se rapproche le plus de ce qui le rend unique : cette bonhomie touchante, entre blues de l'espace et doom impérial. Une beauté mélodique mêlée à une atmosphère en suspension, triste et réconfortante à la fois, d'une grande justesse. Pour la première fois depuis longtemps, les Ricains paraissent ne pas en faire trop, ne dépassent jamais la fine limite entre émotion pure et mièvrerie. Ils semblent guidés, comme nous à leur écoute, par une muse céleste, incroyablement aimante et incroyablement tragique dans le même temps, dont on ne sait si elle est là pour apaiser ou troubler tant on se trouve coincé entre ces deux sentiments. Émerveillé surtout. Pour longtemps.
« Ah, merci Ikea d'avoir parlé de ce titre (et avec quelle justesse mirobolante !). Je tiens d'ailleurs à te féliciter aussi pour tes goûts vestimentaires : ce t-shirt met parfaitement en valeur ton teint hâlé ! » Euh... Tu m'observes ? Bon... Yob a clairement réassis son statut de grand nom du doom avec
Clearing the Path to Ascend. Si je ne suis pas aussi dithyrambique que d'autres (la faute à une construction d'album pouvant s'avérer pénible selon les occasions), il vaut vraiment le coup d'oreille, ne serait-ce que pour un dernier morceau d'anthologie. Désolé pour la conclusion expéditive mais je dois aller immédiatement déposer une main courante à la gendarmerie. On n'est jamais trop prudent.
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