N.K.V.D. - Hakmarrja
Chronique
N.K.V.D. Hakmarrja
"Harkmarrja", dont la traduction littérale signifie "vengeance", se réfère également à l'obligation morale d'assassiner celui qui aura osé bafouer son honneur. Des massacres de ce genre, il y en a eu à la pelle à l'effondrement du bloc soviétique, motivés par la haine de l'oppresseur communiste. Communisme, nazisme, et toute autre forme de totalitarisme, doctrines politiques que Loïc F., tête pensante et multi-instrumentiste de la formation, ne cesse d'explorer depuis les débuts du groupe en 2007. 2007, l'année qui aura vu naître "Diktatura", première réalisation de N.K.V.D., dont la pochette, reprenaitt quatre des plus grands meurtriers de l'histoire moderne (Hitler, Staline, Milosevic et Kadyrov). Quel meilleur visuel pour illustrer la violence implacable avec laquelle l'homme déployait ses instrumentations, Black Métal d'une puissance de feu impressionnante couplée à des instrumentations martiales et glaciales, entrecoupées de samples faisant la part belle à l'endoctrinement et à l'uniformisation des esprits ?
Pour couper court à toute polémique, et à tout déchaînement de commentaires dont nous commençons tous à nous lasser : Non, N.K.V.D. n'est ni chez les rouges, ni chez les bruns. La thématique totalitaire continue d'être exploitée et glorifiée par des groupes plus ou moins talentueux, mais à aucun moment, le duo n'en fait l'apologie. Mieux, Loïc F. et son acolyte brouillent les pistes, mélangeant les symboles, les codes couleurs, comme en témoigne la pochette de l'incroyable "Власть", sorti en 2011 chez Those Opposed Records, un passage au format long complètement réussi car angoissant, prenant, et surtout, écrasant, racontant les horreurs perpétrées par les "communistes" de l'époque sur des rythmiques épileptiques.
"Hakmarrja", est bien plus posé, bien moins véloce que son cadet, le duo cherchant plus à installer une ambiance par un côté Martial plus poussé qu'à l'accoutumée qu'à terrasser l'auditeur. L'ouverture, titre obscur que n'auraient pas renié des grands noms comme Thoroid ou Arditi, plante le décor de l'histoire que nous allons (re)vivre, par le biais de ce discours de Laval, cette machinerie inquiétante qui tourne en arrière-plan, bruissements d'un champ de bataille peu avant le début des combats : les chars se mettent en place, les mortiers sont chargés, la chair à canon, planquée dans les tranchées, attend le coup de sifflet. L'alarme retentit alors, cette note de guitare que l'on laisse sonner, la première détonation se fait entendre, les hommes commencent à courir sur la terre battue, entre cratères et débris d'obus, bruits de pas que l'on symbolise par cette boîte à rythme toujours aussi synthétique, "Hakmarrja" démarre réellement avec son titre éponyme, et c'est un spectacle aussi horrible que fascinant qui s'esquisse dans la tête de l'auditeur, au fur et à mesure que les compositions se déroulent.
Et il en faudra, du courage, pour chausser son casque, ses jambières, empoigner son nougat et partir à l'assaut de ce monstre qu'est "Hakmarrja". Pas de pitié, pas de concessions, l'ordre est donné d'achever tout ce qui pourrait encore bouger. La production, massive à souhait, est encore un cran au dessus de celle de "Власть", guitares et basse accordées dans les chaussures pour un résultat épais, poisseux, un brouillard de guerre sonore dans lequel l'auditeur se perd, cherchant vainement une silhouette reconnaissable, une aspérité à laquelle s'accrocher - ou, à défaut, un cratère d'obus dans lequel se planter. La machine va continuer son avancée durant les quarante minutes que dure l'opus, dont le tempo majoritairement lent va permettre aux atmosphères de se déployer pleinement. Le principal reproche que j'aurais pu adresser à "Власть", sa frénésie quasi-hystérique, a été corrigée et le résultat surpasse réellement toutes mes attentes. Le timbre de H.S. est encore plus profond et inquiétant, dux bellorum, centurion des temps modernes aboyant ses ordres, tantôt mis en avant, tantôt noyé par les déflagrations sonores et les détonations de caisse claire. "Harkmarrja" explore la Serbie tentant de repousser les forces de l'Axe au travers de "Za Krajla", véritable hymne rythmé par ce clocher fantomatique, mais aussi la France occupée via le bien-nommé "Travail Famille Patrie". Cette caisse claire militaire qui vient accélérer le rythme des précédents titres évite d'ailleurs à l'album de s'embourber dans une certaine redondance qui aurait pu devenir lassante, même pour les initiés. Ces derniers apprécieront le petit clin d'oeil au grand Douglas Pearce dans les paroles de "U.C.K.". Aucune complaisance envers les fanatiques de l'armée rouge puisque "Red Silence" vient rappeler à la mémoire de tous la famine organisée qui aura saigné l'Ukraine à blanc, affaiblissement inévitable d'un disque qui arrive également à son terme, exhalant son dernier souffle sur "Excipit" : le discours du Maréchal Pétain du 17 juin 1940, annonçant la capitulation de la France, épuisée par une guerre vorace. Et par la même, celle de l'auditeur, complètement soufflé par la puissance de son immersion dans ce maelstrom qu'est "Hakmarrja".
Il y a des disques très fouillés et aboutis thématiquement, mais très faibles dans la technique, la puissance et l'exécution. L'inverse se rencontre également. Le juste milieu est difficile à atteindre, mais N.K.V.D. l'a fait. "Hakmarrja" est un disque profond, très poussé, tant sur le fond que sur la forme : l'un va servir l'autre. Les thèmes abordés, graves, douloureux, se retrouvent transcendés par une musique pesante, monolithique. N.K.V.D. évite de tomber dans le piège de "l'exploitation du glauque pour le glauque", et ainsi de sombrer dans la gratuité, le ridicule, commun à beaucoup d'autres groupes. Une ogive qui nécessitera plusieurs écoutes pour être complètement assimilé, tant l'ensemble est compact, homogène et prenant. On ressort de l'écoute complètement lessivé, le défi étant de tenir débout après un tel déferlement. La barre, placée haute par son prédécesseur, est franchie sans aucun mal, et "Harkmarrja" se place, par la même occasion, dans les meilleures sorties de cette année - prouvant par la même l'indéniable qualité de notre scène nationale.
Nota : Mes notions historiques étant relativement limitées, j'ai vérifié la véracité de mes propos en recoupant différentes sources (Non, pas Wikipédia), et me ferais un devoir de corriger toute erreur éventuelle, en bon soldat de la plume au service de Thrashocore.
| Sagamore 16 Décembre 2014 - 1870 lectures |
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