Rings Of Saturn - Lugal Ki En
Chronique
Rings Of Saturn Lugal Ki En
"Lugal Ki En", une recette proposée par Rings of Saturn et Unique Leader Records
Ingrédients nécessaires :
- Quatre jeunes musiciens
- Un bouillon de Deathcore
- Une production clinique
- Quelques louches de culture geek
- Une machine à sous
- Une borne d'arcade
- Des solis à rallonge
- Une demi-douzaine de triggers
Difficulté : Expert
Budget : Libre
Réalisation
- Commencez par faire se réunir quatre jeunes musiciens, faites leur subir un entraînement quasi-militaire de façon à ce qu'ils atteignent un niveau technique absolument indécent sur leurs instruments respectifs - notre recette ne prend pas en considération les réglementations sur le travail relatives à la Convention des Droits de l'Enfance. Veillez, durant l'entraînement, à les nourrir de Brain Drill, Necrophagist, et autres formations de Death Metal technique passés en lecture rapide.
- Une fois que les guitaristes sont capables d'enchaîner des solis véloces de plusieurs minutes tout en actionnant les différentes pédales d'effets que vous leur avez fournies, que le batteur enchaîne des gravity-blast à 240 à la noire sans perdre une seule goutte de sueur, faites les infuser dans un bouillon de Deathcore. Note importante pour le bon déroulement de la suite de notre recette : ce bouillon se doit d'être rance et indigeste, goût amer dû à la fermentation de breakdowns interminables, de vocaux porcins et de copie-conforme de 90% de ce qui s'entend dans cette scène actuellement. Laissez reposer.
- Afin que "Lugal Ki En" surpasse les précédentes réalisations de Rings of Saturn, suivant plus ou moins la même recette depuis 2010, le tempo se doit d'être toujours plus soutenu, le niveau technique toujours à la hausse. Pour ce faire, congédiez les maillons faibles du line-up sans ménagement, alimentez la polémique via les réseaux sociaux et consolidez votre base de fans de façon à préparer l'accueil de votre futur disque. Engagez de nouveaux musiciens et répétez la première opération. Vous êtes maintenant prêt pour l'étape suivante.
- Faites entrer votre groupe de musiciens en studio d'enregistrement. N'hésitez pas à répéter à l'ingénieur son que vous voulez la meilleure et la plus grosse production possible, quitte à perdre tout côté organique ou toute âme. Sonner comme la moitié des groupes du genre n'est pas un écueil mais bel et bien un point nécessaire au bon déroulement de la suite des opérations. Vérifiez que la batterie étouffe le reste des instruments, que l'on retrouve le classique duet "vocaux graves/cris hystériques" inhérent au genre et que les guitares se répandent en notes à mi-chemin entre le cosmonaute sous acide et la borne d'arcade de fond de bar. Supervisez l'enregistrement.
- Lors de ce dernier, "Lugal Ki En" doit prendre forme comme la copie quasi-conforme de "Embryonic Anomaly" et "Dingir", ce qui suppose de sonner comme une machine à sous de casino qu'on aurait cadencée avec une boîte à rythme suralimentée ("Natural Selection") ou un jeu vidéo futuriste qui irait trop vite pour qu'on comprenne quelque chose à ce qui se passe à l'écran ("Beckon"). Afin de ne pas perdre de parts de marché, le disque doit comporter quelques passages extrêmement génériques afin de ne pas dérouter les amateurs de Deathcore classique : composez entre breakdowns interminables ("Desolate Paradise") et parties plus véloces, sans oublier de noyer l'ensemble sous des envolées guitaristiques incompréhensibles ("Eviscerate"). Le rythme ne doit jamais ralentir, devenant insoutenable pour un humain normalement compréhensible - n'hésitez pas à trigger votre équipement pour un résultat toujours plus massif et sans âme ("Senseless Massacre'). Vous pouvez également, si l'envie vous prend, faire varier un peu les choses en incorporant des introductions aux différents morceaux, qu'elles soient surréalistes ("Lalassu Xul") ou tirées du "Best-of 2014 des musiques d'ascenseur" ("Unsympathetic Intellect"). Clôturez l'album par un morceau instrumental qui viendra sauver un peu les meubles, même si l'overdose technique aura fini de dégoûter les consommateurs du produit fini. Enfin, à supposer qu'un de vos amis musiciens ait tragiquement disparu au cours de l'enregistrement, n'hésitez pas à incorporer une reprise de son groupe, que vous prendrez soin de ne pas trop dénaturer.
- En parallèle au pressage du disque, entretenez une promotion boulimique de ce dernier, évitez les vulgaires pirates qui n'attendraient que de pouvoir le ripper pour vous voler le produit fini et faites quelques clichés promotionnels. Dotez "Lugal Ki En" d'un artwork superbe, fourmillant de détails - ce dernier devra d'ailleurs être tout aussi foutraque que le produit fini. Mélangez le tout, proposez l'album à la vente, et attendez le retour sur investissement.
- Admirez le fruit de vos efforts : "Lugal Ki En", si vous avez bien suivi notre recette, doit jouir d'un niveau technique objectivement impressionnant : le test de "l'auditeur musicien" vous sera d'une grande aide. Si à l'écoute de l'album, un musicien lambda devient livide ou s'évanouit, nous avons répondu à toutes les attentes de notre cahier des charges. L'album ainsi réalisé devra également être dénaturé par des compositions répétitives au possible et lassantes par leur étalage de solis, de rapidité, bref, répondre à la stratégie du "toujours plus" que l'on applique lorsqu'on est trop frileux pour l'originalité - ou trop paresseux pour tenter d'insuffler une âme à sa musique. Les quelques bonnes idées qui pointeraient le bout de leur nez doivent, si vous avez correctement suivi les différentes étapes de réalisation, être étouffées par l'obsession du niveau d'exécution. Vous lasserez beaucoup d'auditeurs, mais consoliderez votre base de fans en leur donnant exactement ce qu'ils attendent.
- Vous pouvez enfin déguster (dans tous les sens du terme) ou faire déguster le "Lugal Ki En" ainsi préparé pour ce qu'il est : un disque impressionnant, mais sans âme, qui s’essoufflera dès la deuxième écoute. Cette recette s'adresse bien entendu plus à un public de musiciens que de véritables mélomanes, le résultat s'en ressent donc : l'album que nous avons concocté sonne plus comme une bête de concours de vitesse que comme un disque réellement consistant et élaboré.
| Sagamore 28 Janvier 2015 - 2184 lectures |
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