Du Rings of Saturn sur Thrashocore ? Oui.
Avec la moyenne ? Oui, aussi.
Tout fout le camp, ma bonne dame, tout fout le camp... J'aurais d'ailleurs bien du mal à expliquer ce qui m'a poussé à redonner une chance a groupe, en posant une oreille sur sa dernière fournée :
"Ultu Ulla", sortie chez Nuclear Blast il y a quelques jours. La signature, finalement assez surprenante, sur le célèbre label teuton ? La pochette en forme de mauvais trip à l'acide du fantastique Mark Cooper
* ? L'envie de rire un bon coup face une débauche de technique sans aucune âme ni émotion perceptibles ? Probablement un mélange des trois. Dieu sait que je me pensais vacciné de la recette pratiquée par le combo... Et pourtant.
Soyons honnêtes, de
"Embryonic Anomaly" jusqu'à
"Lugal Ki En" (que j'avais massacré à juste titre en ces mêmes terres), Rings of Saturn n'a été que purge pour nos chastes oreilles. Trois albums en forme de Kleenex, destinés avant tout à recueillir le fruit des performances masturbatoires de la bande à Lucas Mann. Aucune envie communicative, aucun effort de proposer quelque chose de prenant, un simple étalage de sa technique, de ses performances exceptionnelles, à la manière d'un Patrick Bateman passant plus de temps à taper la pose et s'admirer qu'à se préoccuper de ses conquêtes. Bref, des compositions garnissant des albums à leur stricte image, impressionnants pendant cinq minutes, exaspérants les trente suivantes. Enfin, entre deux polémiques sur leurs vidéos
playthrough et leur batteur triggé jusqu'aux gencives, nos génies de la communication et du marketing ont quand même pris la peine de donner un successeur à
"Lugal Ki En". Ce nouvel effort se positionne dans la droite lignée des précédents, au moins sur un plan thématique : pot-pourri de Sumérien de cuisine ("Ultu Ulla" n'étant pas un rappel à l'époque bénie du Minitel Rose mais signifiant "Temps immémorial"), de documentaires tordus d'History Channel, d'allusions à la marijuana et de textes à situer entre les attaques d'OVNIS et la prise de drogues dures.
Pour autant,
"Ultu Ulla", qui n'aurait pu être qu'un énième disque de
fan service forgé par un groupe qui a bâti son succès et sa renommée sur les prouesses techniques, les
memes et le merch invraisemblable
*, se révèle bien plus intéressant que ce que je craignais. Pire encore, il y a de bonnes choses disséminées tout au long des quarante minutes de la galette... Pour peu qu'on veuille bien prendre le temps de chercher les pépites au milieu d'un océan de platitudes typiques du Deathcore.
Première chose appréciable : le son, s'il est loin d'être exceptionnel, a gagné en grain et en textures, là ou la production des aînés de
"Ultu Ulla" semblait être tout droit sortie d'un compresseur. Si la batterie est toujours aussi volontairement outrancière, que les cordes des guitares grattées à vide sont invariablement chargées en basses, quelques petites nouveautés font leur apparition, et restent appréciables : la voix insupportable de Ian Bearer est relativement couverte par les instruments, et les tympans de ceux qui n'en peuvent plus de ces alternances clichés de
squeal et d'hurlements hystériques sauront se montrer reconnaissants. Les claviers, samplés un coup à partir des manèges de la Foire du Trône, un autre sur les bande originales des pires films de SF encombrant les rayons du Cash Converters du coin, apportent, de façon surprenante, un regain d'atmosphère à un disque (et un groupe) qui en avaient bien besoin. Mais ce qui reste le plus surprenant, c'est que Lucas Mann semble avoir fait dégonfler son melon - Après tout, tout ce qui devait être prouvé, l'a été sur les trois précédents albums. Pourquoi ne pas se laisser aller à ralentir pour profiter du paysage, et, par la même, éviter de saouler l'auditeur lambda, possédant un minimum de bon goût ?
Même si
"Ultu Ulla" ne s'affranchit pas complètement de ce qui faisait de Rings of Saturn un groupe absolument inintéressant (à savoir, aucune sensation, que de la démonstration), les nouveaux morceaux proposés par la formation sont mieux construits, plus entraînants, arrivant parfois presque à nous faire oublier qui les ont composés. Et plus qu'une barre de technique sans cesse fixée encore plus haut, c'est ce petit revirement vers des titres plus accessibles et bien plus variés que le cliché du
"breakdown - guitares qui ne veulent rien dire - gravity blast - breakdown" qui m'a poussé à aborder ce petit dernier. Et même à l'écouter plusieurs fois, c'est dire !
Rings of Saturn sait jouer, mais ne savait pas proposer de riff intéressant, et encore moins de performance mémorable. Rassurons les détracteurs,
"Ultu Ulla" ne hissera pas le combo dans le haut du panier (à peine la moitié des 42 minutes de cette dernière livraison est réellement valable), mais dispense quelques titres franchement bien sentis. Le très entraînant et efficace "Harvest" et son motif halluciné, cadencé par un batteur qui a
enfin compris qu'en mettre partout n'est pas gage de qualité, provoque immanquablement le hochement de tête même chez les plus incrédules (du moins, ceux qui auront su faire abstraction de l'intro "fête foraine"). L'éternel titre purement instrumental du groupe est, encore une fois, de grande qualité, avec bien plus de nuances que par le passé. Même si Aaron Stechauner possède, derrière ses fûts, la finesse d'un char Leclerc (les rimshots aussi amplifiés en deviennent ridicules), "The Macrocosm" est une très bonne composition, servie par un tapping nébuleux, des
soli qui communiquent enfin un semblant d'émotion au lieu d'être de simples jeux de la biscotte, presque
prog dans l'âme. Rien de transcendant, mais que de chemin parcouru depuis
"Lugal Ki En" ! Et ce, même si le naturel revient au galop... Les bonnes choses sont rapidement effacées par des transitions très mal gérées (dès le premier titre, "Servant of this Sentience", et son breakdown qui débarque comme un cheveu sur la soupe), des titres handicapés par des remplissages éhontés ("Parallel Shift", pénible), et le retour des constructions
"chateau de cartes" invraisemblablement casse-gueule (et autres choses) - "Immemorial Essence", pour ne citer que lui. La mixture est toujours aussi épaisse et grasse, bien vite digérée, le tour de l'album est finalement rapidement effectué. Mais les quelques cuillères à café de bonnes choses qui y ont été saupoudrées, et qui peinent à percer le déferlement pénible auquel le groupe nous a toujours habitué, relèvent un peu la sauce. Et tiendraient presque de la prouesse pour Rings of Saturn qui, jusqu'à présent, s'était enfermé dans sa niche sans pointer le nez dehors.
Je ne m'attendais à rien, je ne pouvais qu'être agréablement surpris par
"Ultu Ulla". Malgré tous ses défauts, sa propension à retomber dans la technique gratuite et le défouloir insensé, on ne peut pas faire abstraction des morceaux de quasi-bravoure qui sont disséminés sur sa durée - au risque de tomber dans la mauvaise foi. Surtout pour un groupe qui, jusqu'à présent, était resté admirablement constant dans la médiocrité. A l'écoute de la lichette de
feeling que l'on peut sentir derrière toutes ces couches de basses et de notes stridentes, la signature chez Nuclear Blast m'apparaît moins comme une surprise que comme un pari sur l'avenir : gageons que le quatuor, motivé par son écurie, continue dans cette direction pour sortir, au moins une fois dans sa discographie, un
bon disque. En attendant,
"Ultu Ulla", s'il est très loin d'être le plus brillant de sa classe, mérite la moyenne, en guise d'encouragement.
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