Kvist - For Kunsten Maa Vi Evig Vike
Chronique
Kvist For Kunsten Maa Vi Evig Vike (Rééd.)
Il est toujours bon d'exhumer, entre deux nouveautés, quelques vieilleries entreposées dans vos archives. Que ce soit sous le coup du hasard, par nostalgie ou encore au gré de votre humeur, le plaisir reste toujours intact ˗ entre deux crises de tétanie engendrées par la vue de disques effroyablement mauvais que vous avez la flemme de revendre. De qualité variable, allant du passable au très bon, certaines d'entre elles vont nettement se démarquer, revêtant une aura particulière voire sacrée. Et For Kunsten Maa Vi Evig Vike ˗ l'unique album de Kvist ˗ fait indéniablement partie de ces disques cultes dont vous ne vous lassez jamais, tournant en boucle.
Certes l'opus n'a pas révolutionné la scène metal ou même un style particulier. Cependant la brève carrière du groupe, le côté trésor caché avec un opus qui touche la perfection, concentrant et synthétisant le meilleur du black metal norvégien de l'époque dans 37 petites minutes, force au respect et à la génuflexion. Formée en 1993 ˗ et comptant alors dans ses rangs feu-Trondr Nefas (ex-Urgehal, ex-Angst Skvadron entre autres) ˗ la formation sortira une demo dans la foulée avant la parution de leur premier long format ˗ composé de six titres dont quatre venant de leur première réalisation ˗ via le label italien Avantgarde Music en 1996.
Les Norvégiens ne vont pas faire dans le détail, vous happant dès les premières notes de « Ars Manifestia », avec une basse des plus vrombissantes. Un sentiment d'immédiateté et de spontanéité émane de leur musique, dont le rythme élevé est parfaitement mené par le véloce Endre Bjotveit. Martyrisant ses fûts ce dernier lèvera toutefois le pied, gardant tout de même une cadence soutenue, lors des passages plus mélo et ambiancés. Un aspect qui est aussi mis en relief par des guitares nerveuses et grésillantes ainsi qu'une production naturelle mais légèrement rugueuse. Kvist vous enveloppe dans une ambiance à l'image de l'artwork, à la fois grandiose et fabuleuse mais avec un côté froid, mordant et dark qui vient contrebalancer l'ensemble. La voix écorchée et très prenante de Tom Hagen ne fait d'ailleurs que surligner le propos, renvoyant à des formations telles Burzum mais aussi Isvind. Cependant cette noirceur reste plutôt soft vous plongeant dans une douce mélancolie. Les émotions affluent sans cesse vous touchant tantôt par une nostalgie poignante, une luminosité aveuglante ou encore une intensité des plus jouissives.
Car le groupe vient alléger cette atmosphère sombre et inquiétante, la magnifiant par des mélodies tant percutantes et somptueuses dont est constellé For Kunsten Maa Vi Evig Vike. L'auditorat est comme ensorcelé, voire transcendé, ployant sous une succession de riffs ne baissant jamais en qualité. Tous les titres recèlent de petites perles à vous donner la chaire de poule que ce soit les lignes de basse ˗ riches et très lisibles ˗ de Tom Hagen sur « Forbannet være jorden jeg går på » mais aussi le jeu de guitare de Hallvard Wennersberg Hagen sur l'excellent « Min lekam er meg blott en byrde » ˗ morceau le plus long de l'opus. Des mélodies qui prendront toujours plus de résonance et d'ampleur grâce à des touches de synthé, notamment sur le dernier titre cité, faisant irrémédiablement penser à Emperor. Toutefois son utilisation reste ici limité, ne chargeant pas les compositions de façon inutile et ne cassant pas l'ambiance retranscrite par le groupe. Ses nappes symphoniques ne font que rehausser et sublimer l'ensemble en renforçant le côté épique et hors du temps.
Une œuvre intemporelle traversant les âges sans sourciller, conservant une force et une accroche singulières. Enregistrée en 1995, la magie opère toujours 20 ans plus tard, survolant avec délice les majestueux paysages glacés de la Norvège. Malgré des similitudes évidentes avec les premiers Satyricon ˗ que ce soit dans le chant, les envolées homériques ou bien les mélodies ˗ et puisant ici et là ses influences, Kvist a su se réapproprier les codes afin de créer sa propre signature sonore. Le trio arrive à toucher par le mélange brutalité/finesse avec des harmonies racées ainsi qu'une sensation de fragilité sous-jacente. Passée la production assez faible, restée intacte pour cette réédition, ne rendant pas forcément grâce à For Kunsten Maa Vi Evig Vike mais lui conférant un grain spécifique, vous ne pouvez que succomber à cette musique sur le fil nimbée d'une lumière noire et mystérieuse.
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