Netherbird - Into The Vast Uncharted
Chronique
Netherbird Into The Vast Uncharted
Toujours mené par les inamovibles Bizmark et Nephente cela fait quinze ans cette année que le combo a vu le jour à Jönköping, et qu’il soit encore aujourd’hui en activité est une vraie performance au vu des mouvements réguliers de personnel et d’un éternel rôle de second couteau dont il a du mal à se dépêtrer. Car malgré une discographie pléthorique sous divers formats le Black Mélodique proposé par celui-ci n’a jamais réussi à captiver plus loin qu’une poignée d’initiés (malgré ses pochettes magnifiques qui attirent l’œil instantanément) plus ou moins fidèles avec le temps. La faute à des disques pas mauvais en soi mais qui ont la fâcheuse tendance à s’essouffler beaucoup trop rapidement, tout en étant bien trop génériques pour se démarquer du flot ininterrompu de nouveautés. Autant dire que l’on n’attendait rien de particulier de cet album qui sort une fois encore sur un label différent, confirmant que le binôme a vraiment du mal à conserver une base stable, que ce soit pour cela comme avec les autres membres qui restent plus ou moins longtemps avec lui. Si les grands noms se sont en effet succédés autour de lui ils ont toujours eu du mal à s’exprimer correctement, celui-ci contrôlant tout ou presque de A à Z et ne laissant que des miettes et bribes d’expression à ces camarades de jeu. Ayant désormais pour batteur l’ancien AMON AMARTH Fredrik Andersson, son arrivée va paradoxalement amener à ce cru 2019 plus de fluidité que sur les précédentes livraisons grâce à son jeu plus simple et direct que ceux à qui il a succédé. Cela était-il voulu ou non à l’origine ? Nul ne le sait mais ce qui est certain c’est que l’apport du frappeur va se faire sentir durant une grande partie de cet opus qui bien qu’ayant des coups de mou se révèle être le plus intéressant et inspiré jamais sorti par ses créateurs.
Dès les premières notes du redoutable « Saturnine Ancestry » on se demande si on a réellement affaire à NETHERBIRD, car outre une brutalité rarement entendue sous ce nom le clavier a lui été mis franchement de côté, ce qui sera d’ailleurs une constante par la suite. En effet ici la majeure partie du temps ça joue très vite et les parties entraînantes à la double pédale succèdent alternativement à des longues plages de blasts énervés, donnant de fait un côté épique et guerrier insoupçonné chez l’entité. Voyant en plus l’apparition de quelques passages mid-tempo tout en cassures et de rares instants au ralenti, ce premier titre est accrocheur de bout en bout et ne souffre d’aucune faiblesse, semant de fait le trouble chez l’auditeur qui outre une radicalité rarement entendue chez les suédois se voit surpris d’être happé si tôt sur un de ses long-format. L’effet d’étonnement va d’ailleurs continuer sur le très court « Harvest The Stars » qui est au niveau de l’intensité tout le contraire de ce qu’on vient d’entendre, vu qu’ici on reste sur une rythmique lente qui ne varie aucunement sur la durée, et où la tristesse et la mélancolie sont de rigueur. Si l’ensemble est d’une grande beauté (porté principalement par les guitares harmonieuses et plaintives) il est en revanche bizarre qu’il ait été placé si tôt dans la setlist car il fait un peu retomber l’entrain entendu juste avant, même si ça ne fait pas tâche du fait que les mecs évitent le kitch et les effets disgracieux. Et comme pour continuer à dérouter leur auditoire ils enchaînent dans la foulée avec la composition la plus longue de cette galette, car avec quasiment neuf minutes au compteur « Mercury Skies » a de quoi faire peur puisqu’on peut se dire qu’ils vont s’éparpiller comme ils en ont l’habitude. Mais aussi curieux que cela puisse paraître aucune faute de goût ne vient estomper l’effet positif car l’ensemble est particulièrement inspiré et équilibré, montrant toute la palette de jeu des gars qui y est représentée avec une grande sobriété. Mélangeant habilement la mélodie (encore une fois les leads y sont exécutés avec soin) et la brutalité, où se voit greffée des passages entraînants et épiques (complétés par un peu d’acoustique) on ne voit pas le temps passer même si quelques légères répétitions sont présentes. Cependant celles-ci ne nuisent absolument pas à ce chapitre marquant qui clôt un démarrage impeccable, et dont on croit à juste titre que la suite sera également tout aussi intéressante.
Mais alors que ce premier tiers est un sans-faute le suivant va au contraire montrer un gros coup de mou (que ce soit dans la puissance comme dans l’écriture), tout d’abord avec l’accessible « Lunar Pendulum » à la construction simple et prévisible mais qui malgré son tempo assez enlevé se répète trop rapidement, tout comme l’ennuyeux et pantouflard « Eventide Evangel ». En effet après une très (trop ?) longue introduction aux arpèges acoustiques où la voix se fait susurrée et douce, l’électricité apparait sans parvenir pourtant à atteindre la puissance nécessaire et faire décoller l’ensemble. La faute à une rythmique qui n’évolue pas et n’accélère également jamais, tout en ne proposant pas les variations nécessaires qui permettraient de faire regagner un minimum d’attention, car c’est trop redondant et mollasson pour captiver en profondeur. Au lieu de cela on a droit à quelquechose de lassant et sans intérêt à cause d’abus de trémolos inutiles, faisant du coup que l’équilibre présent précédemment a ici disparu, mais heureusement après ce passage à vide la doublette de clôture va redonner de l’attrait à cette sortie plus riche qu’on n’aurait pu le croire de prime abord. « The Obsidian White » confirme de suite ce sentiment en déboulant et balançant directement la purée sans se poser de questions, montrant une agressivité enfin de retour après une absence préjudiciable. Le crédo semble être ici de ne pas faire de survivants tant ça tabasse sec et joue à cent à l’heure de façon quasi-continue, et où seuls quelques courts ralentissements interviennent histoire de ralentir l’allure et maintenir un intérêt intact sans effets incongrus, vu que seule l’énergie et l’explosivité sont au rendez-vous. Bref après cette force de frappe revenue sur le devant de la scène c’est au tour de « Nexus Of Unlight » de débarquer et de reprendre à peu près les mêmes idées et éléments, tout en jouant néanmoins plus sur le grand-écart et en y intégrant un long break intéressant… qui par contre aurait gagné à être raccourci, à l’instar du reste de cette conclusion qui s’étire un peu trop et met du temps à se conclure.
Mais malgré ces petits défauts et cette faiblesse dans sa partie centrale les nordiques montrent enfin un renouveau artistique qui aura mis du temps à arriver et que l’on n’espérait plus, comme quoi tout reste possible et qu’il ne faut jamais désespérer. Si quelques imperfections se font entendre l’ensemble garde malgré cela une vraie cohérence entre recueillement nostalgique et l’envie d’aller au combat, portés justement par cette sobriété agréable que l’on espère voir conservée dans le futur. Sans être indispensable ni incontournable ce nouvel effort mérite quand même qu’on y prête une oreille attentive, bien qu’elle ne fasse pas monter ses géniteurs plus haut dans la hiérarchie. Car ceux-ci restent encore à l’heure actuelle juste une bonne première partie et rien de plus, ce qui n’est pas mal certes mais quand même frustrant après autant d’années et d’obstination, surtout vu le pedigree de chacun des musiciens présents. S’il est trop tôt pour dire ce qu’ils feront dans le futur il est certain en revanche qu’ils devront continuer dans cette relative sobriété qui leur sied mieux, et rend leur musique plus convaincante que dans un passé récent. C’est tout le défi qui se profile pour eux vu que le successeur de ce « Into The Vast Uncharted » sera plus attendu que celui-ci qui a failli passer inaperçu, ce qui aurait été au final assez regrettable.
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