Downfall of Nur - Umbras de Barbagia

Encore une formation récente officiant dans le black metal atmosphérique mâtiné de folk, venant des contrées argentines et dont la tête pensante est A. ˗ jeune homme qui aura tout juste 19 ans en mai prochain. Après avoir sorti une réalisation auto-produite par an, avec la demo Jhanas-Nur en 2013 suivie de l'EP Umbras e Forestas en 2014 (édité quelques mois plus tard en format CD via Ksenza Records), Dowfall of Nur a su prendre son temps afin de peaufiner son premier opus. Pour se faire, Antonio a mis toutes les chances de son côté avec notamment une signature chez les Italiens d'Avantgarde Music (Abigor, Darkspace, Earth and Pillars, etc.). En outre, quelques remaniements ont été effectués sur Umbras de Barbagia à commencer par la boîte à rythmes qui remplace ici la batterie ainsi que les parties vocales tenues cette fois-ci par D. (In Element), nouveau membre de session ˗ également coproducteur aux côtés de A. ˗ parmi les nombreux ayant déjà gravité autour du projet.


Des choix extrêmement judicieux qui couplés à d'avantage de moyens vont permettre à Downfall of Nur de confirmer l’étendu de son potentiel et mettre toujours plus en lumière son univers singulier. Si les progrès étaient déjà conséquents entre la demo (très faible) et l'EP, A. a su durant ces deux années d'absence gagner tant en maîtrise qu'en maturation se traduisant par des textes plus approfondis et des compositions plus travaillées. Le formation effectue petit à petit sa mue tout en gardant ses bases à savoir un mélange entre black metal ˗ à la fois rugueux mais empreint de modernité ˗ et pagan, ainsi que de longs titres fleuves très immersifs. En effet, mis à part l'introduction folk instrumentale, les morceaux ne descendent pas en-dessous les 9 minutes. La formation souhaite avant tout développer des ambiances prenantes et personnelles afin de faire voyager l'auditorat à travers les âges, survolant les somptueux paysages Sardes. Un périple initiatique des plus prenants qui est teinté de mystères renvoyant à d'anciens rites païens depuis longtemps oubliés. Un aspect retranscrit en musique par des ambiances aussi entêtantes que tribales portées par des instruments acoustiques ˗ l'utilisation de la Launeddas apportant assurément un plus ˗ en particulier sur le merveilleux « Golden Age », faisant immédiatement penser à la scène des Cascades, Agalloch en tête.


Car tout y est ici que ce soit le doux chant clair de D. (« Golden Age », encore lui !), les passages folk lumineux de la sublime « Intro » ˗ entre autres ˗ ou bien les mélodies berçantes et accrocheuses, notamment sur le titre éponyme clôturant Umbras de Barbagia de la plus belle des manières. Cependant Downfall of Nur arrive à se démarquer de la masse en conjuguant savamment ses origines, le projet et l’œuvre étant toutefois fortement imprégnés par la Sardaigne dont est natif Antonio. Et les signes ne manquent pas, à commencer par le nom de l'entité - « Nur » étant l'étymologie du mot « nuragique » - le titre de l'album ˗ Barbagia étant une région de Sardaigne ˗ de même que les paroles ayant trait à cette ancienne culture ainsi qu'à la nature sauvage et indomptée de ces contrées. Un tout donnant à l'ensemble des tonalités chaudes mais aussi archaïques qui se font principalement sentir sur les parties acoustiques ainsi que les parties black metal low et mid tempos. Ce mélange, mis en relief par des compositions des plus variées portées par des riffs harmonieux, vous dévoile une autre facette et influence de la formation. Ce côté très mélancolique, aérien, épique et primitif, dont le meilleur représentant est « Ashes », vous plonge un peu plus dans ce monde perdu ˗ et quelque peu oublié de tous ˗ où l'homme vivait en harmonie avec la nature. Des nappes sonores délicates jouant avec vos émotions, dégageant une puissante aura sur les phases instrumentales, et qui ne sont pas sans rappeler la scène black metal de l'Europe de l'Est, spécialement Drudkh (Blood in Our Wells ou Automn Aurora).


Néanmoins Downfall of Nur ne fait que se réapproprier les codes afin de délivrer son propre tissu musical. Un ressenti qui se confirme lors des accélérations, où le groupe dévoile une nouvelle facette de sa personnalité, résolument plus moderne, sombre et agressive. Le chant d'écorché vif de D. ˗ vidé toute humanité par les ajouts d'effets ˗ placé en retrait dans le mix, renforce ce côté nihiliste et étouffant (« Downfall of Nur » est un bel exemple). Une voix particulière, rappelant celles de Helg ˗ sur The Call of Glacial Emptiness d'Ulvegr ˗ ou encore de Wintherr (Paysage D'Hiver), qui malgré son second rôle risque d'en refroidir certain(e)s. Ces nombreux passages nettement plus rugueux et black, mis en abyme par des guitares grésillantes, offrent un étonnant contraste avec les accalmies teintées de folk. Celles-ci, aussi atmosphériques qu'ensorcelantes, seront toutefois gâchées par une boîte à rythmes, pourtant bien programmée et au son très organique, mal mixée. En effet, placée trop avant cette dernière couvre le reste et vous avez du mal à saisir toutes les subtilités de la musique. Un constat qui est d'autant plus vrai lorsque la formation officie dans le black atmosphérique low et mid tempos où les instruments acoustiques passent inévitablement en arrière plan, gâchant l'ambiance de Umbras de Barbagia. Ce n'est d'ailleurs pas le seul point noir de l'opus car certains riffs sont usés jusqu'à la corde sur moult morceaux (les premières minutes de « Golden Age » et « Ashes » notamment) et alourdissent l'ensemble. Un manque de renouvellement qui vient quelque peu gêner l'écoute.


En dépit de ces défauts, le premier album du tout jeune combo a un petit quelque chose qui fait que vous vous y replongez volontiers. Est-ce ce mélange des genres excellemment retranscris ? Cette personnalité à part ? L'homogénéité de l’œuvre ? Le fil rouge que vous semblez suivre tout au long de l'écoute ? Peut-être un peu tout cela à la fois. Une jolie découverte et une affaire à suivre !

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