« Do not expect an Onyx part II but something completely differant, deeper , hypnoitical, stripped down to the true essence. »
En annonçant fin 2014, sur les réseaux sociaux, la sortie de leur nouvel album, le groupe en profite pour mettre fin aux espoirs ainsi qu'aux éventuelles spéculations, par une simple phrase ˗ écrite par une personne sous l'emprise de l'alcool et/ou de stupéfiants, à moins que l'anglais ne soit pas son fort. Nocternity continue sa mue, dans la droite ligne des EPs
Harps of the Ancient Temples et
Nocternity. D'ailleurs les clins d’œil sont évidents que ce soit dans le titre de leur nouvelle réalisation,
Harps of the Ancient Temples, mais encore l'artwork identique à celui de l'EP éponyme. Comment ?! Vous dites ? Ils ne se sont pas foulés ? Oui, bon.
En tout cas le retour de la formation ˗ via Iron Bonehead et sa subdivision Necroshrine Records ˗ 12 ans après
Onyx, ayant marqué la scène Black Metal et les esprits, est attendu au tournant par les fans, les uns craignant d'être une nouvelle fois déçus et semés définitivement et les autres espérant un nouveaux coup de maître. Mais qu'en est-il véritablement ?
Inutile de mentir ou de sortir la fameuse formule « Oui, mais ». Si vous n'avez pas apprécié le petit changement de cap pris par Nocternity sur ses deux derniers courts formats ˗ dont trois titres remaniés se retrouvent ici ˗ il en sera de même pour cet album. Le groupe, mené par K.D. (Khal Drogo), souhaite toucher l'auditorat d'une manière plus subtile, le transcender sans avoir à sortir tout l’attirail ˗ clavier, samples ou encore envolées poignantes ˗, baissant également le tempo d'un cran. Et c'est cela qui risque de faire grincer des dents car l'ensemble est beaucoup plus frontal et moins varié. Il vous faudra du temps avant de rentrer pleinement dans les compositions qui, sous leur couvert basique et répétitif, recèlent de véritable joyaux. La formation effectue un retour en arrière en délivrant un black old school puisant dans la scène des années fin 80 et 90 (Burzum, Darkthrone ou encore Rotting Christ) et où de nombreuses influences se font nettement sentir, exigeant de l'auditorat une attention accrue. Cependant le côté low tempo qui est omniprésent ˗ particulièrement ˗ dès « River of Woe » en surprendra plus d'un, faisant aussi fuir moult amateurs/rices de black metal pur et dur, de violence ou autres joyeusetés.
D'ailleurs la première approche ne s'est pas faite sans mal de mon côté, faisant inconsciemment le parallèle avec le précédent album. Le constat est sans appel : moins complexe, peu de changement de rythme, baisse d'agressivité, la liste est longue. Mais un petit temps de maturation laissé à
Harps of the Ancient Temples ainsi qu'un recul pris ˗ ne plus penser à Onyx, entre autres, et ne pas rester sur la défensive ˗ auront suffi pour me convaincre et ce dès le second essai. Vous sentez au fil des écoutes que K.D. est parvenu à se détacher de son black metal épique ˗ qui faisait pourtant son succès ˗ tout en gardant son essence, laissant aussi de côté les histoires mélancoliques et « Game of Thrones ». Il a su remanier et centrer son propos, après les huit années d’expérimentations assorties de deux EPs, délivrant une œuvre plus mature et travaillée. En même temps, les changements incessants de line-up ainsi que les appels constants à des musiciens de session n'aident pas vraiment à la création. Une problématique qui a certainement été posée et prise en compte dès 2007, au vu de la composition de la formation pour ce retour effectué cette année. Khal Drogo et W. (Whyrhd, ex-Lunar Aurora) sont désormais accompagnés de N.S. (V.V. de Dead Congregation) derrière les fûts, en tant que membres permanents du groupe.
Un trio de luxe, revêtant un voile opaque et terne, qui déroule son art tout en finesse durant 48 minutes d'une musique minimaliste mais dense. Un sentiment de menace plane sur ces huit titres, porté par un son massif et lourd, une batterie aussi carrée qu'étouffante, un chant très varié et charismatique ainsi que des ambiances feutrées hypnotiques. Celles-ci édifiées par des riffs tant prenants qu'éthérés appuyés par des nappes sonores mystiques et tournoyantes ˗ cf. « The Black Gates » ou bien « Harps of the Ancient Temples » ˗ s'infiltrent sournoisement dans vos crânes. Un effet accentué par les susurrements à la fois doux et inquiétants de W., vous ensorcelant dès les premiers titres. Les paroles arrivent tantôt parlées d'une voix cérémonielle, chuchotées de façon gracile, tantôt vomies d'une voix tant profonde qu'éraillée ou échappée de chœurs graves et solennels. Des hurlements se font entendre ça et là dans le lointain sur le morceau le plus rapide de l'album, « Titans », semblant être un mélange entre Darkthrone et Bathory ˗ impossible de ne pas penser à
Under the Sign of the Black Mark à l'écoute de certaines mélodies. La production raw, mais lisible, renforce cette sensation de malaise avec des guitares grésillantes couplées à une basse plombante répétant ses riffs à l'infini.
Si le côté fabuleux reste fortement présent sur
Harps of the Ancient Temples, il évolue ici vers quelque chose de plus sombre et glaçant (cf. « River of Woe »). Une atmosphère collant à merveille avec les paroles mêlant religion et mythologie grecque, où s'invitent grandiloquence et tragique. Car vous suivez un fil d'or, passant aisément d'une histoire à l'autre, toutes empreintes de mélancolie, que ce soit sur la martiale « Titans », la très intrigante « B.O.D.D. » aux sonorités tribales mais encore l'enivrante et headbangante « Opaline Eye of Death ». Vous ne pouvez vous défaire de l'emprise de cette œuvre tant profonde que grisante, dont l'accoutumance ne fera que croître avec le temps. Tout a été minutieusement calculé et préparé afin de troubler les esprits, à commencer par les riffs heavy ponctuant l'album, comme sur le titre éponyme par exemple. Des petites touches plus électrisantes et terriblement accrocheuses ˗ restant néanmoins ancrées dans le passé ˗ qui sortent de nulle part et viennent vous cueillir telle une proie facile. Nocternity tisse sa toile avec des titres de plus en plus austères et épurés où l'angoisse monte crescendo. Car la fatalité qui guette dès « The Black Gates » prend de l'ampleur au fil des minutes, davantage pesante et menaçante (« Opaline Eye of Death » et « Andromeda »). Un second longue-durée intense, finissant en apothéose sur le dernier morceau, d'une brutalité sourde mais parfaitement maîtrisée et en slow motion.
Toutefois, l'émotion ressentie à l'écoute de cet album ne sera pas aussi vive que celle procurée par
Onyx. Pas de spontanéité, de fraîcheur ni même de légers frissons ici. D'où cette révélation qui demande du temps pour prendre corps :
Harps of the Ancient Temples ne cherche pas forcément à s'attirer les faveurs des fans de black metal mais avant tout celles des amoureux de metal à l'ancienne, délivrant des sonorités à la fois influencées par la scène norvégienne et grecque ˗ le mélange entre riffs percutants et ambiances irréelles ˗ pays d'origine de K.D.. Une musique faite par des passionnés, pour des passionné(e)s.
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