Viva Belgrado - Flores, Carne
Chronique
Viva Belgrado Flores, Carne
« Ola ! Qué tal ? Me gusta la revolucion y Xavi Alonso ! » Voilà, ça, c'était l'entendue des mes connaissances en espagnol, auxquelles on peut éventuellement ajouter l'effectif complet du FC Barcelone, la Sagrada Familia et Blanche de Castille. Et je dois dire que j'ai rarement eu l'occasion de parler de l'Espagne sur Thrashocore, étant donné que les bougres ne sont pas forcément les plus représentés dans les sphères musicales dont je me pré-occupe. Et bien, il faut croire que la donne est en train de changer puisque Viva Belgrado, groupe de Screamo originaire de Cordoue (Cordoba, pour les Hispanophiles) a frappé très fort avec son dernier album directement sorti chez Tokyo Jupiter (Amenra, Totem Skin, The Black Heart Rebellion), ce qui reste tout de même un sacré indicateur de qualité !
Les fleurs et la viande (si ma traduction n'est pas trop mauvaise) sont donc les deux thématiques du quartet pour ces dix morceaux. Des thèmes finalement particulièrement représentatifs de la dualité qui hérisse cet album, où l'on est constamment balancés entre accalmies Post-Rock et revival Screamo rempli de rage. Pas de doute à avoir, Viva Belgrado est définitivement à classer dans la veine sudiste du genre, proche de l'aspect chaleureux des Italiens et parfois immédiatement relié aux groupes Français les plus progressifs (Sed Non Satiata, Le Pré Où Je Suis Mort,...). Ce qui est tellement efficace dans « Florès, Carne » est le résultat d'une addition extrêmement simple : prenez le meilleur du chant hurlé dans tout ce qu'il peut apporter en tension, en violence et en émotions (les premières phrases de « Höstsonaten » ou le final de « Cancèr, Capricorno » sont une très bonne illustration de mon propos) et couplez-le avec des riffs Post-Rock céleste, du genre à vous tirer la larmichette. Voilà, vous avez compris l'essentiel de la recette.
Seulement, l'amateur de musique le sait bien, ce n'est pas la recette qui fait la qualité. Et ça, nos Cordouans l'ont bien compris et ont décidés de prendre le taureau par les cornes (mais quel humour...) en proposant dans leurs compositions une émotion toujours plus grande. Si vous cherchez un groupe à fleur de peau, de ceux qui ne reculent devant aucune grandiloquence, qui prennent le parti de pousser toujours plus loin dans la beauté absolue, alors foncez sans hésitations sur ce « Flores, Carne ». « Osario » par exemple est de ces morceaux capables de poser des paysages, des étendues vides où le temps et les rares habitants semblent figés. On peut penser à « L'échine du Diable » en écoutant ce groupe, tout comme on peut également être frappés par des constructions millénaires (l'Alhambra de Grenade ?) ou par de longues plaines remplies d'orangers, par des montagnes enneigées ou de grands paysages désertiques desséchés par le manque de pluie. Non, Viva Belgrado n'est pas espagnol pour rien et synthétise dans son art un désespoir, une culture fière mais meurtrie par les épreuves et – de temps en temps -, une simple humilité face au(x) monde(s) qui l'entoure.
« Bàltica » qui ouvre l'album saura d'ailleurs séduire les imprudents s'aventurant sur le Bandcamp de la formation (où la discographie est en téléchargement gratuit...) avec ses riffs Post-Rock en Trémolo d'une beauté à couper le souffle et sa voix arrachée, jetant des montagnes de sensations à l'auditeur, abasourdi par un tel démarrage. Et que dire de « De Carne Y Flor », emboîtant parfaitement le pas à cette gigantesque ouverture, avec un groove et un sens du riffing qui fait immédiatement mouche. Il est d'ailleurs bon de noter que la langue de Cervantès apporte une saveur tout particulière à ce disque et je me prends à yaourter comme un idiot sur certaines pistes, hurlant des mots inventés. C'est la grande puissance de cet opus, réussir à compiler des émotions et à les transmettre à l'auditeur, à lui proposer un voyage nostalgique et à lui rappeler ses sentiments enfouis, de ceux que l'on vivait en faisant un feu de bois en forêt où en fumant une cigarette au bord d'une cascade.
« Florès, Carne » est donc un disque à recommander sans problème à ceux qui apprécient la beauté dans sa forme la plus pure, à ceux qui préfèrent écouter la musique comme si elle était un voyage plutôt que comme un défouloir ou une énigme. En ce sens, les dix titres de nos Espagnols sont à inscrire au panthéon des musiques oniriques, rêveuses, sensibles et ayant du mal à camoufler leurs rages et leurs blessures.
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