Aviator - Head In The Clouds, Hands In The Dirt
Chronique
Aviator Head In The Clouds, Hands In The Dirt
No Sleep Records n'est définitivement pas avare en productions de qualité. Responsables, entre autres, des sorties de La Dispute, State Faults, Touché Amoré ou encore Balance And Composure, les Californiens ont décidément le fin nez pour ce qui est de dénicher les petits groupes avant qu'ils ne deviennent grand. Et force est de constater que ce ne sont pas les Américains d'Aviator qui vont contrecarrer les plans de No Sleep, tant on ne peut que rester admiratif du travail présent sur ce « Head In The Clouds, Hands In The Dirt ». Sous des airs sobres, voire parfois un peu plat au premier abord, le premier album de la formation de Boston est de ces « growers » qui font leur chemin au fur et à mesure que les compositions trouvent le chemin régulier de nos tympans.
Dans la plus pure veine du Screamo Américain next-gen, revendiquant haut et fort l'héritage – pourtant récent - de Touché Amoré, La Dispute et autres Defeater (on ne sera pas étonnés de retrouver l'éternel Jay Maas au mastering), ce premier full-lenght rivalise pourtant avec les gros poissons de la petite marre Screamo. Que ce soit en terme de créativité, de choix judicieux ou d'enchaînements entre les morceaux qui semblent tous aussi fluides qu'intuitifs, Aviator persiste et signe son art avec talent. On ne peut que constater le feeling musical du combo, rempli de fulgurances purement Punk-Hardcore (le passage le plus énervé de « Forms »), de dérives clairement Emo (« Pipe Dreams » et son refrain tristounet), de réminiscences de Post-Rock (« Fever Dreams », morceau clôturant l'album) voire de quelques soubresauts Indie.
L'amateur de Screamo agressif aura pourtant de quoi être déboussolé aux premières écoutes de cet album. Aviator ne se défait pas d'un aspect lisse et ne revendique quasiment aucune aspérité (tout juste un petit Blast au début de « I Hold Myself In Contempt » et semble couler comme l'eau pure dégouline de la montagne et qué sapellorio Quézac. Sans aucun doute, ce manque de bastonnade et de déviances rocailleuses pourra en rebuter certains d'entre-vous. Il est pourtant tout à fait explicable, notamment grâce au timbre relativement doux de TJ, vocaliste de la formation, pouvant éventuellement rappeler les chanteurs les moins virulents du genre (le fait d'avoir vu Aviator en live récemment me confirme une lointaine parenté avec le style vocal d'Amanda Woodward). Cette douceur étant en plus accentuée par une production léchée, qui fait la part-belle au distorsions fondantes et à quelques sonorités ferrailleuses qui feraient presque penser à du Garage Rock.
Le risque avec ce genre de parti pris, c'est de faire passer Aviator pour une sorte de coquille vide, belle en apparence mais manquant pour le coup d'un fond surpassant sa forme. Si c'est ce que je pensais à mes premiers contacts avec les Américains, il n'en est finalement rien et j'illustrerais mon propos avec une comparaison vidéo-ludique parmi les plus actuelles. « Head In The Clouds, Hands In The Dirt » me fait franchement penser à une version Screamo du « Unravel » d'Ubi Soft. Exactement de la même manière que ce jeu de plate-forme, ce premier-né d'Aviator dispose d'un double niveau de lecture. Une première grille de lecture, sobre, extrêmement fluide et objectivement très belle est juste présente pour aguicher l’œil (ou plutôt, l'oreille dans le cas qui nous concerne). Mais derrière ce postulat purement esthétique, se trouve un propos plus sombre (sans jamais être totalement triste, comme sur « Weathervane » ou « There Was A Light (It Went Out) » et leurs riffs mi-festifs, mi-plombants) subtilement planqué dans un flou artistique disposé au second plan de l'action principale. C'est ce propos-là qui fait en réalité de l’œuvre quelque chose de plus qu'un simple constat stylistique, qui en fait finalement une pièce profonde, touchant à l'intime.
Et à n'en point douter, malgré une forme relativement simpliste et proprette qui pourra faire fuir l'amateur peu enclin à s'investir dans la musique, Aviator a sorti un disque qui a le mérite de pousser plus loin que la moyenne et de proposer un propos plus fin, plus camouflé que la majorité des disques du genre. Très loin de la tristesse explosive, immédiate et premier degré de certaines formations, Aviator propose un album d'une beauté simple mais derrière laquelle se cache toujours une nostalgie palpable, dont on a peine à saisir profondément le sens caché mais qui arrive tout de même à nous emporter loin. Et ça, croyez-moi, c'est une expérience que l'on aimerait avoir plus souvent.
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