Continuer à rester pertinent quand on joue un style comme le screamo me paraît compliqué. Cela est une vérité générale quel que soit le genre pratiqué mais le concernant cela me semble encore plus difficile, celui-ci faisant sien une certaine fraîcheur, une urgence, la transmission d’une énergie tirant sa force d’idées comme le renouvellement et l’émotion brute, au point que la répétition paraît un écueil à éviter. Les exemples de groupes s’assagissant avec le temps au point de décevoir ne manquent pas : Touché Amore cette année, poursuivant ses ponts vers d’autres domaines au point d’ennuyer ; Circles Takes the Square et son retour loin des hauteurs de son premier album… Le screamo profite d’une certaine brièveté, les formations les plus marquantes ayant été celles qui ont su s’arrêter à temps (Orchid ; Tristan Tzara ; Mihai Edrisch…).
Ainsi, on pouvait craindre que le retour de State Faults tombe dans la même tragédie qui en a touché tant. Quelques signes pouvaient en effet le laisser penser : la gentrification Deathwish – label qui s’est bien embourgeoisé avec le temps –, la durée conséquente de cet album, un aspect conceptuel avec samples et plages atmosphériques risquant de casser un rythme que l’on sait devoir être toujours nerveux et à fleur de peau… Il y avait de quoi imaginer le premier faux-pas de cette formation qui n’a cessé d’évoluer tout en gardant une certaine radicalité en son centre, même lors du come-back
Clairvoyant, plus complexe qu’auparavant mais contenant toujours cette rage si prenante quand elle est bien exécutée.
On ne va pas jouer le suspense plus longtemps. Oui, State Faults a vu les choses en grand avec
Children of the Moon mais son regard reste celui jeune, avide et hypersensible qu’on lui connait. Plus qu’un retour nostalgique – même si je pense fortement à l’abrasivité de
Resonate/Desperate sur un premier tiers qui explose régulièrement –, la bande de Santa Rosa mélange ses différentes expérimentations dans une œuvre totale, sorte de création définitive où retrouver toutes les qualités présentes dès
Desolate Peaks. Treize ans de carrière résumés sur soixante-deux minutes, de colère expulsée (« Leviathan » ; « Nazar » fricotant avec le black metal), de motifs mélodiques emportés (« Distant Omen » ; « Palm Reader »), d’instants de contemplation gazeux, respiration avant une nouvelle foulée du cœur (« Looming »). Guidés par la voix de Johnny Andrew, toujours aussi criarde et forte d’une assurance plus grande dans les parties claires (le final « Bodega Head », plein de soul juvénile, mais aussi « Palo Santo » par exemple) ainsi qu’une base rythmique variée et altière (le batteur Jared Wallace fait des miracles, aidant à tenir la cadence par des parties entraînantes), les titres s’enchaînent avec un naturel qui épate.
En effet, aucun ennui à l’horizon sur
Children of the Moon, seulement des points d’orgue entourés d’exercices de masterclass. Certes, on pourra trouver ici que les choses sont uniquement bien faites – gens de peu de sensibilité ! –, pointant du doigt le classicisme de morceaux comme « Blood Moon » ou « Heat Death » ; il y a de quoi rétorquer, à commencer par cette démonstration qu’est « No Gospel », un titre ironique tant on tient là un exemple de la beauté pleine d’âme dont est capable le projet.
« The only holy book is the one inside your heart / And on every page your love has made a work of art » y répète Johnny Andrew : c’est bien la ligne que s’est donné ici State Faults, semblant avoir réfléchi à se surpasser à chaque instant dans l’écriture de cet album.
Je ne vois pas quoi regretter ici. Bien sûr, je note quelques essoufflements, notamment passé cet incroyable titre qu’est « No Gospel ». Mais l’ensemble est si constant en qualité que j’en viens à me dire que le fautif est plus mon manque d’endurance que les compositions en elles-mêmes. Il y a après tout encore de nombreux coups d’éclats – « Transfiguration » ; la lourdeur de « Divination » ; la conclusion à couper le souffle de « Palm Reader » –, ainsi qu’un final qui joue la carte de la douceur et de la montée en puissance avec brio. De plus, State Faults continue de garder cette ligne poétique et spirituelle le mettant à part des autres groupes de screamo, avec ses paroles davantage symboliques où l’on devine une envie de vivre intensément chaque chose plutôt que de s’appesantir sur le négatif. Jusqu’au bout,
Children of the Moon montre une formation où l’ambition – énorme – n’est qu’indirecte : il s’agit plutôt de profiter le plus possible, sans regarder en arrière. Franchement, après une année particulièrement sombre et des albums y répondant sur le même ton, voilà qui fait un bien fou.
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