Que cet album est triste. Triste comme du black metal ukrainien. Triste comme du hardcore terne, malgré les mélodies constamment dynamiques. Triste comme du Circle Takes The Square qui n’aurait plus la volonté d’emberlificoter ce qu’il ressent, là, maintenant. Triste comme quand on est triste, sans réfléchir à la chose, à chercher à y trouver une forme de bonheur mélancolique. Uniquement, constamment, intensément triste.
Ils sont rares, les disques de screamo à me faire cet effet. Généralement trop portés sur la poésie, trop majestueux dans leurs climats éplorés, maniérés avec leurs titres en français et leurs accalmies contemplatives. State Faults, lui, ne cherche rien de cela sur
Resonate/Desperate, premier album pour le label No Sleep Records. Il plonge les deux pieds dans les flaques de larmes, jouant trente-sept minutes durant un screamo construisant des viaducs entre post hardcore actuel et nineties, bâtissant ses structures sur une violence malheureusement souvent édulcorée de nos jours.
Impossible d’y échapper, une fois
Resonate/Desperate lancé. Si on retrouve directement l’accroche, la simplicité charmante, que la bande a pu développer sur
Desolate Peaks, les quelques maladresses ont laissé la place à une orfèvrerie de chaque instant guidée par la férocité de Johnny Andrew, ses cris qui déraillent et ne paraissent jamais chercher à se contrôler. State Faults devient ici pleinement ce groupe d’amateurs de screamo le pliant à ses exercices de style, copieur doué pour la synthèse sans pour autant intellectualiser la chose. Au point de ne pas donner envie de citer les noms défaitistes, lunaires, pianistes et dentaires, auxquels il peut faire penser, tant cette musique paraît sienne.
Le bleu grisé qui colore ses compositions, State Faults le transmet avec une fluidité constante, obligeant à écouter à chaque fois
Resonate/Desperate d’un trait. Commençant directement de façon abrasive avec « Meteor », il s’écoule et coule progressivement, appuyant de plus en plus sa détresse jusqu’à s’épancher dans des élans mélodiques qui arrivent sans crier gare, là un solo solitaire cherchant de l’air dans des hauteurs irrespirables (« Stalagmites »), ici une noyade évoquant The Cure (« Spectral ») se prolongeant dans des spasmes hardcore névrosés frôlant le crust le plus épique et désespéré par des backing vocals grognards (« Incantations »). Onze titres paraissant raconter une seule et même histoire que, pour des raisons évidentes de dignité, je garderai personnelle.
Car chacun pourra s’inventer ici sa petite mise en mots honteuse des émotions passionnées traversant
Resonate/Desperate. Se terminant par l’explosif « Old Wounds », sorte de préfiguration de la joie particulière que développera le groupe sur
Clairvoyant, ce deuxième album, sans pour autant innover, s’approprie avec talent ce qui traverse le meilleur de la scène, avec une telle sincérité dans les sentiments convoqués qu’il donne l’impression de les redécouvrir. Un disque définitivement triste, au point de me faire penser que le screamo est du doom qui n’a plus le temps d’attendre.
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