Shizune - Le Voyageur Imprudent
Chronique
Shizune Le Voyageur Imprudent
On ne va pas se mentir, ça fait un petit bout de temps que je gardais à l’œil les Italiens de Shizune. Après un 7' EP de qualité sorti en 2012 (et mentionné par un sacré paquet de blogs / zines comme étant dans le haut du panier), le groupe nous est revenu l'année dernière avec un album édité en vinyle par Dog Knights Productions et disponible en téléchargement gratuit et légal sur le Bandcamp de la formation. Avec sa pochette jaune que l'on croirait esquissée à l'encre de chine, « Le Voyageur Imprudent » présente franchement bien et a eu le mérite de m'attirer irrémédiablement dans ses filets étant donné que je suis particulièrement sensible à ce genre de visuels. Et puis, il faut bien avouer que l'intitulé mystérieux et poétique n'est pas étranger non plus à mon approche de ce dernier-né.
Là où le Screamo moderne – notamment américain – affirme une certaine tendance d'orientation vers des morceaux plus longs, remplis d'influences annexes (Post-Rock, Emo,...), Shizune s'inscrit dans la démarche opposée en faisant le choix de rester dans un style très old-school, dominé par des compositions majoritairement très courtes pour un résultat final dépassant de peu la vingtaine de minutes. On fera bien évidemment la filiation avec les autres formations italiennes comme Raein, La Quiete ou Violent Breakfast pratiquant elles aussi ce Screamo explosif et toujours gorgé en émotions. Quoi de plus logique donc que de retrouver ce style compact et franc du collier ainsi que ce riffing typique oscillant entre arpèges en clean nostalgiques et trémolos déstructurés. En extrapolant, on peut même y voir un peu d'Envy (période dorée), voire du Touché Amoré façon « To The Beat of A Dead Horse ».
S'il est soucieux de rester fidèle à ses principes D.I.Y., le groupe italien n'est tout de même pas réfractaire au progrès puisqu'il se paye le luxe d'envoyer ses morceaux chez Jack Shirley (Deafheaven, Wildernessking, Bosse-de-Nage,...) afin que ce dernier prenne en charge le mastering de l'album. Un résultat comme d'habitude exemplaire puisque le bonhomme a déjà prouvé son talent pour trouver le juste équilibre entre saveur à l'ancienne volontairement approximative et puissance sonore permettant de sublimer les titres à leur juste valeur. « Le Voyageur Imprudent » est donc rétro mais pas faiblard, ce qui est toujours un point positif quand on parle de rendu sonore.
Et ce qu'on peut dire, c'est que le groupe attaque fort avec un « Aestheticism » de haute volée, tout droit sorti des meilleures heures de La Quiete, blast-beats épileptiques, riffs touchants et larsens des familles inclus. De quoi débuter avec la banane des grands jours et être directement plongé dans le bain d'eau froide, notamment avec ce petit ralentissement bien tristounet qui fait office de final au titre. Efficace sur les titres les plus directs (« Notes of Decay », féroce et gorgé de sincérité) comme sur les quelques morceaux passant les trois minutes (« Vesper » offre un lot d'ambiances galvanisantes de par leur manière de peindre des paysages musicaux désespérés), Shizune accroche l'auditeur dès la première seconde pour ne plus le lâcher. Si on peut sortir des premières écoutes dans un flou musical qui laisse l'impression d'avoir dégusté un fourre-tout peu identifiable, « Le Voyageur Imprudent » donne irrésistiblement l'envie de l'écouter une seconde fois d'affilée.
On se retrouve donc devant un disque hautement addictif, grâce à ses quelques riffs bien sentis et toujours disposés au moment opportun. « Un telefono che non squilla », « Immortel et impérissable » ou encore « Instructions For Inertia » regorgent de ces moments suspendus dans le temps où les mélodies marchent sur l'eau avec une beauté non-feinte. Si l'ensemble de l'album est fluide et se digère sans peine, ce sont bien ces quelques envolées émotives qui nous donnent ce furieux goût de « reviens-y ». Heureusement et pour notre plus grand plaisir, l'album en propose une grosse quantité et mélange subtilement son savoir-faire dans ses morceaux. Force est de constater que le vortex Shizune nous happe une fois de plus. Si le disque n'est pas « exceptionnel » au sens le plus absolu du terme, il offre un lot de qualités non-négligeables et sait sans problème se faire une place dans le cœur des amateurs. Fort d'un potentiel replay considérable et de nombreux instants où le groupe semble touché par la grâce, « Le Voyageur Imprudent » mérite votre attention, spécialement si vous êtes du genre « nostalgique de la bonne vieille époque européenne du Screamo ». Un savoureux retour en arrière, en quelque sorte...
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