Envy - All The Footprints You've Ever Left And Fear Expecting Ahead
Chronique
Envy All The Footprints You've Ever Left And Fear Expecting Ahead
Il y a des choses difficiles à décrire. Et comment vous dire, « All The Footprints You've Ever Left And Fear Expecting Ahead » en est une. Tout du moins autant que de retenir par cœur son intitulé. Peut-être tenons nous là, la quintessence d'un genre. Une définition pure et brute de la beauté dans le plus simple appareil. Qui eu cru un jour que ce soit les Japonais qui remporteraient la palme du Screamo, style pourtant si américain, voire même pour d'autres, si européen. Envy a pourtant réussi l'exploit de sortir LE ou tout du moins l'un des disques les plus poussés, touchants et violents du genre. Un chroniqueur dans une review ne datant pas d'hier avait dit « Dans dix ans on en parlera encore » et il avait raison, la preuve ici même.
Envy ne paye pas de mine, avec ses membres à casquette et sa pochette rouge/grise des plus banales. Malgré cet aspect si convenu et quelconque, on ne regarde plus la jaquette de la même manière après l'écoute du disque. L'évidence saute aux yeux (comme avec l'album suivant du même groupe d'ailleurs) : le mot chef d’œuvre est dans son droit d'usage le plus noble et s'impose à l'esprit. Rien n'est de trop chez Envy : pas de surplus de niaiserie, pas d'agressivité bourrine et futile. Une certaine tranquillité se met en place à l'écoute, malgré la dominante violente de certains passages. En fait, on pourrait dire que ce disque est ce que le Japon nous a offert de mieux, avec Monster, The World Is Mine, Mushishi, Sigh, Samuraï Champloo et bon, encore pas mal d'autres trucs en vérité.
Dès ce « Zéro » pourtant pas forcément très engageant, le quintet appose directement un style, une ambiance faite d'un groove malsain et de notes suspendues dans les airs. Un début qui se verra ensuite complètement désintégré respectivement par « Farewell To Words » puis par « Lies And Release From Silence », deux montagnes de puissances et d'émotions à intégrer directement au panthéon des titres qui vous font regretter vos jeunes années, vos amours perdus, voire même la bonne cuisine de quand vous habitiez chez maman, si vous êtes vraiment du genre hyper-sensible. Une fois que vous avez chialé un bon coup, vous pouvez toujours vous concentrez un peu sur la violence pour changer. Et il y en a, comme sur ce tonitruant « Left Hand » et son démarrage chaotique pétaradant du hardcore par le pot d'échappement à chaque changement de rapport.
Bien évidemment, le chanteur d'Envy, le bien nommé Tetsu Fukagawa est toujours aussi incroyable, avec son timbre si écorché, si douloureux et si profond. S'il y a bien une palme que l'on peut leur remettre sans discuter, c'est celle du chanteur qui va mourir sur scène tellement il est habité par sa prestation. Il tire les larmes de l'auditeur à chaque syllabe malgré le fait qu'elles soient écrites en japonais et donc incompréhensibles par la plupart d'entre-nous. Si la formation est aujourd'hui un emblème du genre, je pense que cet opus en est l'incarnation la plus parfaite. Rien ne semble laissé au hasard et pourtant tout semble si inné, si facile avec un feeling si naturel qu'on à l'impression que le disque est issu d'un enregistrement en répétition lors d'un après-midi pluvieux où les membres s'ennuyaient.
Des hordes de nuages gris imposant avec force leur pluie sur des immeubles en ruines. Un déluge, c'est ça : « All The Footprints... » est un déluge si délirant, gigantesque et imprévisible qu'il semble ruiner les vies qu'il croise sur sa route, sans pour autant y prêter attention. Imaginez la grande parade de Paprika dans une version dopée aux antidépresseurs pour les passages les plus atmosphériques (« A Cage It Falls Into » ) et aux sels de bains acquis sous le manteau neigeux pour les passages les plus virulents. Non décidément, ce disque incarne le gris, l'argenté avec une puissance si incroyable que c'est difficile de se l'imaginer et même de la décrire autrement qu'en l'écoutant. Tout dans la production rappelle en même temps à la lourdeur et à la légèreté. La lourdeur de porter son âme tout au long de sa vie et la légèreté qui caractérise par définition l'esprit. C'est avec cette ambivalence si particulière qu'Envy se démarque de la concurrence, proposant un Screamo différent des autres formations du genre.
Des guitares granuleuses, une basse mixée légèrement en retrait mais décidément métallique et une batterie au feeling parfois groovy, parfois tout simplement déchaîné : il n'y a pas de recette plus simple et pourtant plus miraculeuse. Lorsque l'album se termine ou ne sait toujours pas si ce qu'on a entendu était la chose la plus belle ou la plus moche du monde. Toujours est-il que c'était le summum de quelque chose et ça, ça n'arrive pas souvent.
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