Originaire du Sud Ouest de la France, ce duo a su faire son trou à la sueur de son front et au fil des sorties. En effet, après un premier album paru en 2009 Brame enchaîne et enfonce le clou avec notamment
La nuit, les charrues... (2013) – dont il est question ici – mais aussi le dernier-né
Basses terres (2015) grâce auquel j'ai pu le découvrir sur le tard. Et ma première rencontre avec cette entité atypique ne s'est pas faite non sans mal, délivrant une musique de fin du monde à la fois aride, brute et lancinante : une plongée douloureuse dans une ruralité terne, rongée par l'exode et l'urbanisation galopante. Les musiciens semblent façonner leur univers dans la douleur et de leurs propres mains, à l'image également des beaux livrets CD en papier cartonné faits maison ainsi que des artworks très sobres de Serge, renforçant l'aspect artisanal de l'ensemble et cette impression d'Art Total. Suivant le sillon tracé par
Tenaille, et réalisé une nouvelle fois en autoproduction, ce second long format offre une vision toujours aussi grisâtre mais dans une version enrichie et plus rustique.
Une production davantage puissante et lisible qui met en relief les divers arrangements, un « The levee » (ou « When the levee break... ») – tiré du premier album – remanié ici pour le meilleur avec une introduction et une outro gagnant en profondeur mais aussi ce morceau d'ouverture sonnant le début de la transhumance : Brame monte le niveau d'un cran sans forcer. Le groupe peint son décor à grand coup de pinceau, étalant ses couleurs fauves et vous plongeant dans la campagne profonde grâce à de nombreux samples et bruitages idéalement placés, comme ces cloches sur « Monségur », ou encore par ces titres évocateurs tels que celui cité précédemment ainsi que « Malebête » et « Araire ». La musique vient compléter le tableau grâce à des touches blues redneck à la française nettement plus présentes (« Malebête » en est un bel exemple) – me renvoyant à Alexandre Hogue – mais aussi de petits éclats blafards s'échappant de ces nappes sonores minimalistes et acrimonieuses. La mélancolie vient vous cueillir durant la première partie avec notamment ces riffs rêches et simplistes qui, couplés aux ambiances brumeuses, collent petit à petit le bourdon. Alternant spoken word blasé et chant hurlé au mégaphone, les vocaux de Serge plombent et électrisent un peu plus l'atmosphère. Placés au second plan, ces derniers confèrent un côté lointain comme si l'humain n'était finalement que secondaire, un ornement passager.
La nuit, les charrues... montre une facette plus variée et organisée de ce duo capable de vous transcender avec des sonorités de bric et de broc portées à bout de bras. L'histoire contée par Brame défile sans accrocs, corsant son jeu au gré des minutes par des sonorités plus hermétiques et glacées : guitares grésillantes dévorant l'espace (« Araire ») ; boucles répétitives (« The levee »). L'ambiance s'assombrit au gré des minutes, à mesure que le côté tellurique prend le pas sur le reste. La tristesse fait place au désespoir puis au malaise comme vous pouviez déjà l'entendre sur
Tenaille. Cependant le duo accentue le trait sur ce second album grâce aux nombreuses touches noise et arrive ainsi à vous tenir en haleine de bout en bout malgré la rudesse des sonorités. Le mélange drone/noise/blues minimaliste de campagne française avait de quoi interloquer et faire sourire sur papier pourtant tout s'éclaire une fois le disque lancée avec notamment le long titre fleuve « Démolition » clôturant parfaitement l’œuvre. Cette seconde partie aux allures post-apocalyptiques vous rappelle d'ailleurs aux bons souvenirs des vieux films S-F de l'Hexagone. Une bande-son idéale qui aurait très bien pu servir de toile de fond à l'ovni Malevil.
Si Brame s'est forgé un univers unique et singulier sur son premier album – piochant ses influences dans la scène américaine pour les réinterpréter à sa sauce –, ce dernier le sublime avec
La nuit, les charrues.... Plus rigoureux, abouti et par la même plus accessible : les superlatifs s'enchaînent pour qualifier ce second album. D'ailleurs les amateurs/rices du genre ne s'y sont pas trompé(e)s, la formation cumulant les succès d'estime depuis quelque temps. Un succès certes plutôt confidentiel à la vue du style pratiqué et qui j'espère grandira encore d'ici là. Un groupe fortement recommandé pour les fans de musiques lentes, ternes, contemplatives et racées !
Artwork de la nouvelle édition
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo