Disincarnate - Dreams Of The Carrion Kind
Chronique
Disincarnate Dreams Of The Carrion Kind
Des mercenaires prêts à monnayer leurs services pour quelques leads ou solos au profit d’un groupe dont ils ne font même pas partis, la scène Metal en est rempli. Parmi eux, James Murphy est probablement l’un des plus célèbres. Né en 1967, le jeune homme commence à faire parler de lui aux débuts des années 90 en participant le temps d’un album (en tant que membre à part entière ou en tant que musicien de session) à quelques disques majeurs tels que Spiritual Healing de Death, Cause Of Death d’Obituary ou Death Shall Rise de Cancer. Sa technique incroyable et son feeling inimitable vont très vite lui attirer tout un tas d’autres opportunités au sein de formations confirmées telles que Testament, Solstice, Nevermore ou Malevolent Creation.
Pourtant, malgré ce succès d’estime, James Murphy sentira le besoin de monter un groupe à lui. Ce souhait se verra concrétiser en 1992 avec la formation de Disincarnate. Entouré d’illustres inconnus, Murphy donne rapidement naissance à une première démo intitulée Soul Erosion. Celle-ci sera suivie en 1993 par un premier album qui, pour je ne sais quelle raison et en dépit de ses qualités évidentes, n’a jamais été chroniqué sur Thrashocore. L’heure est donc enfin venue de réparer cet affront.
Sorti dans un premier temps sur Roadrunner Records, Dreams Of The Carrion Kind sera par la suite plusieurs fois réédités. A compter de 2004, ces rééditions auront la bonne idée d’y inclure les titres de Soul Erosion. Certes, l’intérêt se veut tout de même des plus limités puisque l’on retrouve déjà ces trois morceaux sur l’album mais au moins cela vous permettra d’avoir une vision relativement complète sur la discographie de Disincarnate qui, s’il n’a rien sorti depuis 1993 et Dreams Of The Carrion Kind, semble néanmoins avoir repris du service depuis maintenant près de trois ans. James Murphy aurait en effet confirmé avoir relancé la machine en compagnie de tous les membres d’origine. Un nouvel album serait en préparation...
En attendant de l’avoir entre les mains et surtout les oreilles, revenons sur ce disque qui n’a pas vraiment eu le succès ni l’exposition qu’il mérite. Sorti en 1993, celui-ci s’est probablement perdu dans les méandres de la scène Death Metal, noyé par des sorties de groupes déjà largement établis (Death et Individual Thought Patterns, Malevolent Creation et Stillborn, Entombed et Wolverine Blues, Pestilence et Spheres, Atheist et Elements, Sinister et Diabolical Summoning, Morbid Angel et Covenant, Carcass et Heartwork...). Pourtant, Dreams Of The Carrion Kind n’a pas à rougir de quoi que ce soit et cela malgré un line-up pouvant paraître quelque peu inexpérimenté (qui sont donc ces musiciens qui accompagnent James Murphy ?).
Produit par Colin Richardson et remasterisé dans le cadre de ces rééditions par James Murphy, l’album ne semble pas avoir subi les affres du temps. Grâce à cette légère et subtile remise à niveau, Dreams Of The Carrion Kind bénéficie en effet d’une production toujours aussi pertinente malgré les années qui passent et un son quelque peu coloré par les 90’s (assez proche dans l’esprit de celle de Sublime Dementia de Loudblast). Puissante et moderne sans pour autant en faire des caisses, elle offre tout l’espace nécessaire aux musiciens afin de s’exprimer librement (quel plaisir d’entendre distinctement cette basse pleine de rondeurs et d’attaque) dans un cadre à la fois brutal, technique et mélodique.
Un travail d’équilibre et de nuances que l’on retrouve naturellement tout au long de ces quarante-huit minutes construites autour d’un Death Metal situé à la croisée des chemins. Influencé par le travail de Chuck Schuldiner, la musique de James Murphy s’en va naturellement piocher du côté de Death (principalement en ce qui concerne l’aspect mélodique de l’album) mais pas seulement. On retrouve ainsi beaucoup d’éléments, notamment dans le riffing et la structure relativement complexe des morceaux, pouvant rappeler tour à tour Immolation ou Morbid Angel. Bref, un Death Metal 100% Yankee qui, s’il manque peut-être un peu de personnalité, se laisse cependant savourer avec beaucoup de plaisir. Rarement mis en défaut durant toutes ces années, le talent de composition et d’exécution de James Murphy est donc une fois encore en grande partie responsable de la qualité de cet album qui, en toute honnêteté, ne souffre d’aucun défaut particulier. Une constance dans l’excellence qui se traduit ici par une succession de riffs froids et sinistres toujours extrêmement très bien sentis, de séquences mid-tempo écrasantes mais non dénuées de groove (merci le riffing acéré et rythmiquement très marqué de Murphy) exacerbées par une production pesante et un growl d’une belle profondeur, de passages old school beaucoup plus soutenus qui viennent aérer l’ensemble et offrir de vrais moments de violence particulièrement bienvenues et enfin d’un travail mélodique qui fait ici toute la différence.
Ce dernier est assurément l’un des points forts de Dreams Of The Carrion Kind. En effet, là où les riffs ou la batterie apportent une espèce d’ambiance mécanique et métallique (le bruit des cordes qui vrombissent sous les coups du médiator, le triggue un poil synthétique de la batterie…), les soli délivrés par James Murphy, d’une précision et d’une justesse incroyable, permettent quant à eux à d’accentuer cette atmosphère tourmentée et cynique que l’on trouve évidemment déjà dans la musique mais également dans les paroles ("Stench Of Paradise Burning" à 3:12, "Beyond The Flesh" à 3:21, "In Sufferance" à 3:33, "Monarch Of The Sleeping Marches" à 3:21, "Soul Erosion" à 2:27...). Un travail mélodique qui, à l’instar des Floridiens de Death, va tout de suite amener l’auditeur à pénétrer (à l’image de ce patchwork en guise d’artwork) l’univers sombre et torturé de Disincarnate.
Loin de chambouler la face du Death Metal, Dreams Of The Carrion Kind a même subi de plein fouet cette forte période de créativité passant ainsi presque complètement inaperçu au moment de sa sortie. A l’écoute de ce disque, on a bien du mal à comprendre pourquoi tant tout semble réuni pour en faire un album majeur du genre. Mais Disincarnate n’est pas un cas isolé et l’histoire de la musique est pleine de ce genre de cas. Quoi qu’il en soit, si vous êtes amateurs de Death Metal et plus particulièrement de ce qui s’est fait aux Etats-Unis au début/milieu des années 90, je vois mal comment vous pourriez ne pas vous y retrouver dans ce Dreams Of The Carrion Kind parfait d’un bout à l’autre. Vous aurez probablement remarqué que je ne me suis pas attardé sur les trois titres bonus. Pas de fainéantise ici c’est juste qu’il s’agit de version quasi identique qui, en comparaison des versions de l’album, n’apporte pas grande chose au schimi, schimili, schlimili... Raaaa !
| AxGxB 6 Juillet 2016 - 2487 lectures |
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