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Mithras - On Strange Loops

Chronique

Mithras On Strange Loops
Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez il y a dix ans ? Moi oui, je lisais VS webzine, je m'inquiétais du fait que Ségolène Royal puisse avoir un avenir présidentiel, et je guettais le Myspace de Mithras du coin de l’œil en espérant des nouvelles du dernier album, qui devait sortir quelques mois après. Je n'aurais sans doute pas parié dessus, mais dix ans plus tard, tout ce qui reste de ce pas si lointain passé, c'est le groupe anglais, qui s'est pourtant fait discret au cours de cette morne décennie. Il s'en est passé du temps, entre un Behind The Shadows Lie Madness désormais si lointain et ce – seulement – quatrième album de Mithras, On Strange Loops dont vous savez déjà, puisque vous faites partie de ces salopiots qui lisez la note avant la chronique, qu'il a réussi à plus que combler mes espérances. Je l'ai attendu pendant neuf ans et demi, 114 mois, 496 semaines, 3477 jours, 83 448 heures, 5 millions de minutes, ou 300 millions de secondes et quelques, selon l'échelle que vous préférez. C'était putain de long. Tellement long, que depuis lors j'ai eu le temps d'avoir mon bac, commencer mes études supérieures, les finir, trouver un travail, le perdre, rejoindre la rédaction de Thrasho, me moquer de mes confrères chroniqueurs cent-trente-huit fois, quitter Thrasho et envahir la Pologne pour leur apprendre à ne pas avoir fait plus d'un ou deux albums de death metal corrects entre-temps. Ah non, merde, ça c'est la prochaine étape.

Dix ans, c'est aussi ce qu'il aura fallu à un Leon Macey vieillissant – il n'est pas encore dans la quarantaine, mais il fait plus vieux – pour jongler entre d'incessants problèmes de line-up et l'absence totale de motivation de Rayner Coss, bassiste et vocaliste historique du groupe. Après avoir tiré sa révérence en 2008 et laissé sa place à Sam Bean, il était revenu fin 2010, juste à temps pour l'enregistrement de Time Never Lasts, un EP dont on retrouve les deux titres (réarrangés et modifiés) sur ce nouvel album, avant de se faire virer de nouveau il y a quelques mois pour avoir refusé d'assurer la tournée de promotion de On Strange Loops. Ce sera donc le dernier enregistrement de Mithras où il figurera, Leon Macey ayant décidé de se passer à l'avenir d'un membre qui ralentirait autant un processus de création déjà fort lent et complexe. Voilà en effet cinq ans que ce nouvel album doit sortir dans l'année qui vient, et ce n'est qu'après des années d'enregistrement et de travail sur le son, entièrement réalisé seul, que Leon s'est enfin décidé à sortir l'album, non sans avoir songé à reprendre entièrement les vocaux de lui-même suite au départ de Rayner – ce qu'il n'aura au final pas fait pour éviter d'y laisser sa santé mentale, ou que les fans de Mithras ne meurent de vieillesse. On comprend un peu mieux pourquoi il aura fallu attendre cette nouvelle offrande aussi longtemps quand on sait que c'est encore une fois lui qui a tout composé du début à la fin, et qu'il a passé des mois à enregistrer chaque instrument, allant jusqu'à faire plus de deux-cent prises – pour chaque titre ! – de diverses parties de batterie afin d'obtenir le rendu idéal. Un travail de titan qui confinerait presque à l'absurde si le rendu final n'était pas aussi éblouissant, pour ce qui sera au final l'écrin parfait d'une œuvre quasi-parfaite.

On aurait pu croire qu'avec la quiétude d'une vingtaine d'années d'expérience, Mithras s'assagisse comme beaucoup d'autres groupes avant lui. Difficile de faire plus ambitieux que ce nouvel album pourtant, qui demeure ancré dans sa propre tradition, celle d'un style de composition qui a toujours cherché à flirter avec ses limites pour créer des atmosphères originales aussi bien que des riffs les plus efficaces possibles. Par bonheur, les Anglais ne s'écartent toujours pas de leur ligne de conduite, directement issue d'une philosophie propre au death metal d'il y a quinze ou vingt ans, quand toute la scène essayait de renouveler le son d'un style décidé à ne pas laisser l'apanage de la brutalité au black metal de l'époque. Comme tous les albums de Mithras avant lui, On Strange Loops ressemble à du Morbid Angel plus expérimental et original, beaucoup plus furieux (et nuancé à la fois) dans son propos que l'intégralité de ce qui s'est fait dernièrement dans un genre dont l'ambition est désormais le dernier des soucis. Mais peut-être encore plus qu'avant, il troque la spontanéité de sa jeunesse pour un calcul et une planification presque froids, évoquant comme les sons qui l'ouvrent et le clôturent la précision mécanique de l'horlogerie, où absolument rien n'est laissé au hasard. Rien hormis, les solos, toujours improvisés, mais pour une fois retravaillés, à l'image de celui de "When The Stars Align" où la seconde guitare complète la mélodie dans un jeu de miroirs parfaitement orchestré. Une maniaquerie du détail qui se retrouve sur ces 56 minutes de blasts ultra rapides – certes pas autant qu'à l'époque de Forever Advancing... Legions, mais ce sera toujours trop pour certains chroniqueurs prétendument spécialisés dans le death metal* –, de riffs ultra accrocheurs, de leads d'autant plus jouissifs qu'ils sont incroyablement inspirés, mais aussi de passages purement atmosphériques, sans trace d'une quelconque brutalité. Point d'interrogation majeur dans la carrière de Mithras, la (presque) disparition des plages purement ambient du génial Worlds Beyond The Veil sur le très frontal Behind The Shadows Lie Madness, qui délaissait volontiers le côté atmosphérique au profit d'une agressivité presque constante, est ici révolue. Que tous ceux qui, comme moi, pensent que le deuxième album des Anglais reste un des rares chefs d’œuvre du death metal de ce siècle se rassurent, On Strange Loops revient très nettement dans ses traces, avec de nombreux interludes aux propos variés, ainsi que de nombreux moments d’accalmie pure au sein de titres toujours aussi agressifs. Entre un « Why Do We Live » très calme et un « Last Redoubt » aux mélodies souveraines caractéristiques du style de Leon Macey, il y a une myriade de moments qui ne recherchent que la beauté, en particulier au sein des très longs « Odyssey's End » et « On Strange Loops », qui clôture l'album en jouant du souvenir impérissable de « Search The Endless Planes ». Sans aller jusqu'à insérer dix minutes d'ambient au milieu de l'album ni chercher à retrouver l'ambiance si particulière de Worlds Beyond The Veil, qui avait d'ailleurs beaucoup à voir avec la texture particulière de sa production, Mithras a cette fois su retoucher à cette majesté en trouvant un équilibre propre à ce nouvel album, où tout est fait de nuances et d'alternances entre le vindicatif et l'atmosphérique, à l'image d'un « Psyrens » qui avait su marquer en son temps.

Mais l'essence de Mithras reste ce death metal classieux et véloce, à la fois très simple d'accès car jamais démonstratif et pourtant techniquement incroyable, Leon Macey enchaînant encore les rafales de grosse caisse à plus de 260 BPM et des leads d'une maîtrise ahurissante comme si de rien n'était. On Strange Loops met sans doute encore plus l'accent sur l'intensité et la fulgurance de ses accélérations que Behind The Shadows Lie Madness, notamment avec la fin de « Howling Of The Distant Spaces » ou le début de « Inside The Godmind » qui explorent des sonorités apocalyptiques encore inédites pour Mithras. Et si la vitesse n'est que l'élément qui permet d'apporter l'intensité aux compositions, les titres les plus rapides, que sont le très old-school « Part The Ways » avec son intro en gamme majeure et « Between Scylla And Charybdis », ne sont pas ceux qui misent le plus sur l'impact et l'agression. À l'image des deux titres de Time Never Lasts, ce nouvel album est fait de diversité et d'alternance entre la vitesse et une lourdeur bien plus lyrique que les ralentissements dénués de tout intérêt propres au brutal death commun. Sauf, encore une fois, sur la deuxième partie de « Inside The Godmind » qui, comme il y a cinq ans, reste trop épurée pour vraiment convaincre l'espace de presque deux minutes, le temps de se transformer progressivement en un final distordu et presque noisy, qui trouve enfin un sens grâce à « The Outer Dark », un interlude très sombre où la batterie prend tout l'espace, rappelant encore une fois l'influence de Pete Sandoval sur le jeu de Leon Macey. Tout comme Worlds Beyond The Veil, On Strange Loops n'a véritablement de sens que dans l'enchaînement naturel de chaque titre, dont les thèmes et les transitions se rejoignent pour former un ensemble extrêmement cohérent. Comme d'autres, j'ai pu penser que « The Statue On The Island » n'était qu'un titre classique de Mithras, mais il prend parfaitement le contre-pied du sublime « When The Stars Align », dont l'ambiance est aussi cosmique que le nom. Comme toutes les œuvres musicales les plus recommandables, cet album est un voyage plus qu'une succession de morceaux, qui sont certes tous très bons pris individuellement, mais dont l'agencement a été pensé avec soin.

Évidemment, ceux qui n'ont jamais accroché à Mithras n'apprécieront pas plus On Strange Loops, qui reste loin au dessus des courants actuellement à la mode dans le death metal, surtout si vous en attendez tellement peu de renouvellement que vous pourriez chroniquer le même album en boucle jusqu'à prendre votre retraite (ce qui ne saurait tarder**). Si vous ne cherchez pas l'inventivité, que vous êtes rebuté par la vitesse et que les interludes atmosphériques ne sont pas votre tasse de thé, Mithras n'est pas plus fait pour vous aujourd'hui qu'il ne l'était hier. Par contre, si vous regrettiez simplement le manque de nuances de Behind The Shadows Lie Madness ou le manque de clarté de la production de Worlds Beyond The Veil, réjouissez-vous : ce nouvel album comblera toutes vos espérances ! Avec une production extrêmement léchée (il faudra encore une fois accepter la gravité de la grosse caisse, toujours omniprésente) et une grande variété dans les compositions, Mithras a réussi à combler intégralement les attentes du fan que je suis. Pourtant, j'ai eu peur l'espace d'une ou deux écoutes d'être un peu déçu par un album très dense mais peut-être trop évident, ne retrouvant pas le fourmillement sonore du deuxième opus du groupe. Mais la révélation est vite arrivée, surtout grâce aux formidables « When The Stars Align » et « On Strange Loops », qui déploient des trésors d'inventivité pour créer des ambiances sublimes, en particulier pour le titré éponyme qui multiplie également les clins d’œil à de vieux titres de Mithras. Oui, On Strange Loops regorge de détails que l'on prend plaisir à découvrir, innove sans cesse tout en restant du Mithras pur jus, avec toutes les immenses qualités qu'on lui connaît, notamment les vocaux profonds et intelligibles de Rayner, dont le placement vocal a étudié avec minutie. Si mon manque de talent littéraire ne me permettait d'écrire que chez la concurrence***, j'emploierais volontiers des termes comme « il met la concurrence en PLS » pour en évoquer la grandeur, mais je sais bien qu'en étant à ce point à contre-courant, Mithras sera loin d'avoir un accueil universellement dithyrambique. Si le groupe a su rassembler assez largement les amateurs de death metal à ses débuts en proposant un style suffisamment varié pour que même le metalleux le plus commun y trouve au moins une facette intéressante, son approche est désormais trop ancrée dans des temps révolus pour conquérir un public qui n'aurait pas posé ses oreilles sur Mithras ces dix dernières années, où les mœurs rétrogrades ont dilué l'intérêt du death metal dans un flot d’inepties tantôt modernisantes, tantôt old-school, mais toujours dans la recherche d'une popularité depuis longtemps perdue. Pour tous les autres, les nostalgiques du bouillonnement créatif de la fin des années 90 et du début des années 2000, ou plus simplement les amateurs de n'importe quelle période du groupe, On Strange Loops devrait faire partie à l'avenir de vos albums de chevet. Un monument musical qui reste de loin ce que j'ai écouté de mieux depuis Worlds Beyond The Veil.

Est-il aussi parfait que lui ? Peut-être. Malgré ses deux minutes de faiblesse, il renoue avec succès avec le côté expérimental de son glorieux aîné, tout en ayant ses propres attraits. « When The Stars Align » et « On Strange Loops » sont-ils parmi les meilleurs titres de Mithras ? Assurément, et ils sont aussi un témoignage de ce que le death metal peut faire de mieux quand il cherche à innover et à créer une ambiance qui transcende la simple accroche de compositions qui offrent encore une fois une variété d'émotions rarement atteinte dans le style. Il faudra passer outre ses premières écoutes peut-être un peu trop tièdes pour l'amateur éclairé du groupe, sans doute trop brouillonnes pour les autres, et il aura même fallu une bonne semaine d'écoutes intensives au mordu du groupe que je suis pour arriver à en entrevoir toute la majesté. On Strange Loops est pourtant tout ce que j'attendais de Mithras, réussissant à me faire revivre ce sentiment d'extase vécu en découvrant progressivement Worlds Beyond The Veil à mesure que j'en décelai toutes les subtilités. Cet album est parmi ce que j'ai pu entendre de plus musicalement jouissif dans ma vie, conjuguant à merveille deux extrêmes comme s'il avait toujours été évident de les unir, signe d'une somme de travail phénoménale qui s'efface pourtant devant la qualité des compositions de Leon Macey. Sans être aussi époustouflant d'audace, il rejoint sans problème son aîné sur le panthéon des rares albums de death metal vraiment irréprochables. D'ailleurs, pour l'anecdote, Leon Macey lui-même ne considère pas Mithras comme faisant du death metal, un style qui consiste selon lui en un ensemble de concepts et une imagerie faite de « gore et de films d'horreur », avec lesquels le groupe a peu en commun. Une conception du style que je croyais abandonnée depuis le début des années 90. Quand je vous disais qu'il était vieux...

* Cent-trente-neuf.
** Cent-quarante.
*** Cent-quarante-et-une.

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Mithras
Brutal Death Cosmique
2016 - Galactic Records
notes
Chroniqueur : 10/10
Lecteurs : (17)  8.85/10
Webzines : (12)  8.21/10

plus d'infos sur
Mithras
Mithras
Brutal Death Cosmique - 2000 - Royaume-Uni
  

tracklist
01.   Why Do We Live?
02.   When The Stars Align
03.   The Statue On The Island
04.   Part The Ways
05.   Odyssey's End
06.   Howling Of The Distant Spaces
07.   Between Scylla And Charybdis
08.   Time Never Lasts
09.   The Last Redoubt
10.   Inside The Godmind
11.   The Outer Dark
12.   On Strange Loops

Durée : 56:22

line up
parution
21 Octobre 2016

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2011 - Autoproduction
  

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