Bien des évènements se sont passés chez Mithras ces trois dernières années : l'arrivée de Ben White aux fûts pour assurer les derniers concerts avant que le vocaliste/bassiste historique du groupe, Rayner Coss, ne quitte le navire en 2008, remplacé au pied levé par un Sam Bean tout droit venu de The Berzerker et auteur de l'excellent groupe The Senseless, dont on espère vivement que le second album en boîte depuis un moment sortira sous peu. Mais quelques déboires avec l'extravagant et légèrement benêt Ben White il y un an marquèrent l'arrivée de Sean Broster et Tom Hyde, respectivement ex-batteur et guitariste de Sarpanitum, qui firent quelques concerts fort réussis. En mai dernier coup de théâtre : Leon annonce que Rayner Coss revient dans le groupe à la place de Sam Bean et que le futur album de Mithras sera comme ses prédécesseurs enregistrés sous la formule du two-men band. C'est cool, on dirait un épisode de Dallas, et au final strictement rien n'a changé, au point que dans quelques années et devant l'absence d'enregistrements autres que de lives, tout le monde ou presque aura oublié cette parenthèse, tout comme tout le monde a oublié comment JR a noyé Sue Helen dans une piscine d'alcool. Ou un truc dans ce goût là.
Le lecteur traînant un peu sur notre forum ou nous lisant depuis quelques temps n'aura pas manqué de remarquer que je fais un prosélytisme acharné envers ce que je considère être le meilleur groupe de death metal (et donc a fortiori de brutal death) encore en activité. Certes la concurrence n'est pas très rude en ces temps désolés mais Mithras, bien loin du simple ersatz de Morbid Angel que quelques distraits se plaisaient à décrire, arrive à sublimer l'essence même du brutal death comme pratiquement aucun autre groupe n'arrive à le faire. Depuis le merveilleux
Worlds Beyond The Veil c'est une avalanche de blasts massifs et de mélodies aussi riches que profondes qui viennent balayer les doutes de ceux qui, craintifs, appréhendaient d'écouter un groupe venu de la perfide Albion. Heureusement les Anglais sont bien meilleurs musiciens qu'ils sont rugbymen, et c'est donc sans surprise que
Time Never Lasts reste dans la droite lignée de la discographie de Mithras, surtout en ce qui concerne le titre éponyme, dont la version démo postée il y a un an sur youtube était quasiment identique à la version définitive, à la voix de Rayner Coss près. Et encore, Leon Macey a un timbre extrêmement proche de son acolyte. Même ça il sait le faire, cet horripilant touche à tout de génie. La progression de ce titre d'ouverture est admirable, et bien que les schémas de composition du groupe soient désormais bien connus, la brutalité de l'ensemble fait toujours autant mouche que ces transitions en tapping noyées sous une couche de delay qui imprègnent l'ensemble de cette ambiance planante et onirique si caractéristique de Mithras. Voilà un titre qui à n'en pas douter restera un classique du groupe.
Le second titre, « Inside Te Godmind » est plus surprenant : après une intro en tapping habituelle pour les Anglais, c'est un riff dissonant sentant à plein nez le triton, particulièrement sombre et furieux (quelque part entre Centurian/Nox et Incantation) qui prend le relais et montre une nouvelle facette de Mithras, un peu moins propre et autrement plus bestiale. J'aurais approuvé sans réserve ce morceau qui partait à la vitesse d'un Origin sous speed si la suite avait été aussi bonne, car malheureusement à partir de 2:15 il ne se passe plus rien : c'est un bête riff lourd à cinq accords répétés ad nauseam qui prend le relais et enfonce un titre pourtant prometteur dans les méandres de l'ennui et de la platitude. Voilà une attitude très étonnant de la part de Mithras qui avec des morceaux comme « Awaken Man And Stone » ou « Wrath Of God » jouait pourtant jusque là habilement de la lourdeur. Même l'ajout de tapping et de blasts sur les dernières répétitions de ce riff soporifique n'arrivent pas à me sortir de mon sommeil, et c'est donc une outro noisy de trente secondes à la manière de « Beyond The Eyes Of Man » qui clôt la partie inédite de
Time Never Lasts, dont on ne retiendra au final qu'un morceau et demi.
La seconde partie de cet EP est composée de morceaux interprétés lors du dernier concert (à ce jour) de Mithras avec Rayner Coss, enregistré fin 2008 à Londres. Si vous êtes un fidèle de la chaîne youtube des Anglais vous connaissez sans doute déjà la vidéo de « Tombs Of Kings », titre issu de
Forever Advancing... Legions. Ce sont toutefois (seulement) deux titres inédits dans leur version live qui complètent cette toute petite demie heure de musique, à savoir un autre titre de leur premier album avec « Wrath Of God » et celui qui complète le génial
Worlds Beyond The Veil avec « Beyond The Eye Of Man » amputé de son interminable outro. Sans surprise, la performance du groupe sur scène est remarquable, particulièrement celle de Leon Macey qui reproduit ses incroyables solos avec une perfection qui semble narguer le commun des guitaristes. On regrettera pourtant l'absence de titres de
Behind The Shadows Lie Madness et cette avarice en performances live, mais l'une comme l'autre s'expliquent par le line-up de l'époque : sans un second guitariste les titres du dernier album auraient sonné bien différemment, et Ben White, dont on entend déjà les erreurs sur les parties les plus rapides des compositions (et chez Mithras elles sont nombreuses !) aurait été complètement largué sur les plus récentes. On reste certes un peu sur sa faim, mais c'est surtout l'absence de vidéos de ce concert, pourtant promises depuis
Sands Of Time, qui laissera quelques regrets.
Pour 5£ seulement,
Time Never Lasts est sans aucun doute possible un achat de choix pour tout amateur de brutal death en tant soit peu évolué. Si par hasard vous ne connaissiez pas Mithras (mais qu'est-ce que vous faisiez ces dernières années bordel ?) je vous encourage vivement à écouter les extraits disponibles en gardant à l'esprit que le style du groupe n'a guère évolué depuis son second album. Le titre éponyme vaut à lui seul l'achat de cet EP, même si un second morceau perfectible et le manque de diversité dans ces excellents lives pourront mécontenter les plus exigeants. Il n'y a plus désormais qu'à attendre 2012 avec fébrilité en espérant que le génial duo derrière Mithras livre un nouveau petit bijou de brutal death – avec une touche que l'on ne peut mieux qualifier que « cosmique » – dont il a le secret, ce dont on ne saurait douter à l'écoute de
Time Never Lasts. S'il y a une chose que l'on peut envier à nos voisins les Anglais, c'est bel et bien Mithras. Bon, après tout, la France a bien le rugby...
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