Je vous vois venir. Non, le Deathcore moderne ne consiste pas seulement en des noms rivalisant d'imagination dans la
débilité, des visuels
criards à vous en arracher les rétines ou des
photos promotionnelles "Classe de première, série L". Beaucoup de formations valent très clairement le coup : du mélomane se perdant avec plaisir dans les compositions sinueuses à souhait d'un Veil Of Maya, passant par les têtes brûlées avides de sensations fortes soufflées par les attentats sonores de Thy Art Is Murder, chaque curieux peut y trouver son compte. Et dans la catégorie "poids lourds", Oceano n'a pas à rougir face aux ténors du genre. Si vous pensiez que le Deathcore ne pouvait qu'être
"violent, mais jamais brutal",
"Revelation" saura vous donner tort.
La formation de l'Illinois avait frappé un grand coup, décrochant, pour son tout premier album
"Depths" (2009) une signature chez le prestigieux label Earache, ayant certainement vu Oceano comme un groupe au potentiel "cassage de bouches" quasi-illimité. Et ce premier disque, malgré un son un peu trop clinique, méritait le détour tant pour ses parties "classiques" (le fantastique "District of Misery") que pour son groove ("Depths") et ses incursions dans des contrées plus abstraites (la descente aux enfers qu'est "Abysm"). Ont suivi, toujours sous la même bannière du
Mal d'oreille, les plutôt moyens
"Contagion" (2010) et
"Incisions" (2013), loin d'être intégralement mauvais mais beaucoup trop longs. Oceano faisait dans l'auto-caricature, peinant à renouveler la surprise de leurs débuts.
"Ascendants", sorti en 2015, écourtait le propos (à peine une demie-heure au compteur), et incorporait aux classiques compositions bulldozers quelques parties et touches "atmosphériques" empruntées aux films catastrophes... Qui n'étaient pas forcément bien intégrées à l'ensemble.
"Revelation", sortant chez Sumerian Records (la Mecque du Deathcore), se positionne comme une synthèse du meilleur à prendre chez Oceano. En conjuguant la brutalité monstrueuse de leurs titres les plus compacts et les compositions lorgnant vers d'autres genres, les Américains balancent à la face du monde apeuré un disque qui, s'il n'est pas exempt de tout défaut, s'impose comme le sommet de leur discographie et comme un disque à écouter, même par curiosité, pour le simple plaisir de se prendre une branlée. A l'image de la pochette dudit album, superbe pièce de
Dusty Peterson : la déflagration n'est pas encore visible que le souffle de l'explosion vous balaye déjà.
Pourtant,
"Revelation" ne démarrait pas forcément de la meilleure manière : "Dark Prophecy", en forme d'ouverture presque symphonique, recouvrant un breakdown sous-échantillonné et faisant vraiment tâche avec le côté impeccable des arrangements atmosphériques, laissait présager du pire. C'était sans compter sur Adam Warren,
renoi le plus solide de la scène, qui interrompt toute digression supplémentaire avec l'un de ses growls caverneux, du genre à vous coucher par terre en quelques secondes. Le bougre n'a pas faibli depuis
"Ascendants", bien au contraire, l'organe est toujours aussi impressionnant, et la performance laisse littéralement bouche bée : des
breakdowns tranchés net de "Lucid Reality" jusqu'au pédalage intensif d'un "The Great Tribulation", c'est sa voix, oscillant entre le
squeal profond, le chuchotement inquiétant (la partie centrale de "Majestic 12") et les hurlements plus hystériques qui donnent à
"Revelation" une bonne partie de son poids. Malgré un son toujours aussi propre (quand j'aurais apprécié une batterie un peu plus baveuse que ces peaux
triggées sans réelle résonance), Oceano donnera dans le gras, le sale, et ce tout au long de la demie-heure que dure l'opus. Jonglant entre le frontal et les passages purement ambiants (la fermeture de l'excellent "Illusions Unravel", court instant de répit), évitant le piège des fameux
bass drops trop importants dans le mixage (même si un titre comme "Majestic 12" fera vibrer vos enceintes), le groupe n'en est pas à son coup d'essai et n'a retenu que les expériences réussies de son
curriculum, n'hésitant pas à piocher chez ses prestigieux confrères pour relever un peu sa sauce : "Final Form", son clavier presque
X-Files (témoin de la fixette extraterrestre entretenue par le groupe) aplati par les contretemps massifs d'un batteur qui semble mettre tout son poids dans chacun de ses coups, ou encore l'accélération avant le final en fanfare de "The Event" rappelleraient presque Veil Of Maya, période
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"Eclipse".
Les arrangements atmosphériques donnent moins l'impression d'un gros patchwork que sur l'album précédent. Ils ne sont plus superflus, ni même utilisés en guise de décoration pour tenter de sortir de la masse, ils rendent ce "Revelation" encore plus prenant, faisant sans cesse passer l'auditeur de la pulsion violente augmentée par les compositions assassines à la peur la plus primale face à ces claviers en fond sonore, tantôt spatiaux, tantôt sentencieux, mais toujours annonceurs d'une menace imminente. Malheureusement, certains de ces arrangements prêtent parfois à sourire tant ils dénaturent des ambiances jusque là très réussies : le carillon presque joyeux de la fin de "Human Harvest" vient mettre par terre tout ce que les deux premières minutes du titre avaient réussi à planter. Il en va de même pour certains ponts maladroits ("The Great Tribulation" en tête), comme pour cette fâcheuse tendance à la tartine qui vient faire faiblir un disque, jusque là extrêmement prenant, sur les dernières minutes.
Malgré ces quelques petits défauts, Oceano réussit à accoucher d'un
"Revelation" qui reprend les choses là où les avaient laissé
"Ascendants". Laissant libre cours à leurs envies de donner plus de matière à leur Deathcore somme toute classique, le quatuor y infuse toujours plus d'orchestrations, à mi-chemin entre le synthétique et l'organique. Ces dernières alourdissent des titres plus courts, compacts et frappants, dans la plus pure tradition d'Oceano, rendant ainsi
"Revelation" diablement efficace... Et attachant, pour peu que, comme moi, vous ayez suivi le groupe depuis ses débuts. Car on sent réellement le chemin parcouru depuis
"Depths".
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