Rammstein - Rammstein : Paris
Chronique
Rammstein Rammstein : Paris (DVD)
Les fans de RAMMSTEIN en conviendront, ça commence à faire un bail que le prochain album du sextet berlinois se fait désirer. Au palmarès des disques les plus attendus, je le mettrais à égalité avec le prochain TOOL. Mais les années passent, les rumeurs succèdent aux rumeurs et rien ne vient, sinon des side projects et des DVD. Le gang semble compenser son passage à vide créatif par un déferlement d'images de concerts, comme pour souligner la place si particulière qu'occupe la scène dans la carrière de RAMMSTEIN. Comme le soulignait Richard Kruspe (guitare) en 2001, “RAMMSTEIN est un groupe dont les prestations scéniques marquent les gens”.
Depuis les batailles au tube néon et le lance flamme des premières années au show son et lumière qu’est devenue la machine RAMMSTEIN, la renommée du groupe n’a cessé de croître grâce à ses prestations scéniques. A tel point qu’on pourrait légitimement se demander si une partie du public ne vient pas uniquement pour la mise en scène. Pressentant cette dérive, le même Richard avait prophétisé en 1998 : “Nous n’avons pas l’intention de laisser tomber les effets pyrotechniques, mais si nous remarquons que les gens ne viennent plus que pour le cirque, nous saurons que nous avons pris un mauvais chemin”. Presque vingt ans plus tard, le groupe n’a rien publié de neuf depuis une quasi décennie, mis à part l’anecdotique single “Mein Land” sur la compil Made In Germany / 1995 - 2011), continue de tourner à un rythme de sénateur en proposant des spectacles toujours aussi spectaculaires mais bien moins surprenants à présent que l’effet de surprise est passé et publie des DVD de ces shows pour entretenir la flamme (sic).
RAMMSTEIN : PARIS est le quatrième DVD live publié par RAMMSTEIN. Il fait suite à Live aus Berlin (1999), Völkerball (2006) et Rammstein in Amerika (2015). Le film, réalisé par Jonas Akelund restitue l’intégralité des shows donnés à Paris Bercy les 6 et 7 mars 2012. Comme pour Live aus Berlin et Völkerball, le coffret complet propose le concert en version DVD et CD. Les deux formats sont également vendus séparément. La particularité du film de Jonas Akelund c’est qu’il a été monté en deux versions. Une première de 90 minutes pour le cinéma (le film a été présenté dans une poignée de salles européennes le 23 mars dernier) et une version intégrale de deux heures pour le DVD. Outre l’aspect visuel indéniablement spectaculaire, vous noterez que les allemands ne volent pas sur la marchandise. Les groupes capables de tenir des shows aussi longs se font hélas de plus en plus rares ces temps-ci.
Niveau contenu, ce n’est pas une grosse surprise, la setlist de ces concerts de 2012 est assez voisine de la setlist utilisée par le gang depuis le Made In Germany Tour. Les quatre premiers albums sont mis à l’honneur, Rosenrot est quasi absent et seulement deux titres sont empruntés à Liebe ist für alle da (“Pussy” et “Frühlig in Paris”). A la différence du Live au Madison Square Garden capté en 2010 pendant la tournée promotionnel de Liebe ist für alles da publié dans Rammstein In Amerika, ce concert parisien est peu ou prou similaire à l’exceptionnel Völkerball capté en juillet 2005 dans les arènes de Nîmes. Il est donc d’autant plus tentant de comparer les deux films.
Sur le fonds, je l’ai dit, on est en terrain connu, RAMMSTEIN n’étant pas réputé pour oser des impros et variations stylistiques sur ses compos en live, les chansons sont interprétées de la même manière sur les deux dates (et grosso modo de la même manière que sur les disques studio). C’est surtout sur la forme que la différence est énorme car le film réalisé par Jonas Akelund n’est pas juste un live filmé. Le réalisateur suédois avait déjà travaillé sur plusieurs clips avec le groupe allemand et à l’issue du tournage de la vidéo de “Ich Tu Dir Weh” il leur propose son projet de film autour d’un live. Son ambition est de donner au spectateur l’impression de vivre le concert depuis la fosse. Pour le mener à bien, le réalisateur a positionné 25 caméras dans la salle de Bercy en changeant la disposition et les angles sur chacune des deux dates. A ces cinquante angles de vues s’ajoutent une dizaine de plans serré tirés d’une session privée interprétée la veille du premier concert dans un Bercy sans public. Le montage de tout ce matériel a demandé presque cinq ans au suédois et le résultat est plus proche d’un vidéo clip longue durée que d’un classique live filmé. Ce parti pris peut rebuter et il est vrai que les changements de plans épileptiques, les filtres à gogo et quelques effets spéciaux nazes (Till avec une langue de serpent, l’image d’un couteau qu’on aiguise insérée sur l’intro de “Mein Teil”) sont plutôt déroutants. En revanche, le travail sur la lumière ainsi que les ralentis sur les effets pyrotechniques sont particulièrement bluffants. Cependant, le film ne doit pas se résumer à ses éléments constitutifs. C’est justement parce que RAMMSTEIN a déjà sorti plusieurs live captés traditionnels que ce RAMMSTEIN : PARIS plus conceptuel ne jure pas. En outre, le concert de Bercy présente une mise en scène originale que le film met particulièrement en valeur. Il y a bien sûr cette longue, très longue intro sur laquelle le combo arrive dans la salle par les gradins et traverse la fosse sur une passerelle métallique. Il y a surtout cet intermède presque intimiste où le groupe, rassemblé au milieu du pit, sur une plateforme d’une dizaine de mètres carré, interprète un “Bück Dich” particulièrement NSFW suivi de “Mann Gegen Mann” et “Ohne Dich” dans un format sans fard ni effets spéciaux (à l’instar du “Los” de Völkerball) qui laisse présager de ce que pourrait être un set de RAMMSTEIN dénué de mise en scène pyrotechnique. Enfin, il y a la musique de RAMMSTEIN, car malgré toutes les “pitreries”, les musiciens interprètent leurs chansons. avec ou sans accessoires et vu les réactions du public, les spectateurs ne se sont pas uniquement déplacés pour le cirque. Des spectateurs qui sont généreusement filmés, mais essentiellement en plans large, une grosse différence par rapport à Völkerball dont la profusion de plans serrés sur les premiers rangs du pit est un peu fatigante.
Musicalement parlant, RAMMSTEIN : PARIS n’apporte pas grand chose au fan de Tanzmetal, le CD live ressemblant comme un frère jumeau à celui de Völkerball, du moins pour les classiques du sextet. Niveau image, chacun se fera son opinion, mais les Allemands ne se foutent pas de la gueule du monde et même si l’on peut trouver ce gros clip un poil prétentieux, il faut leur reconnaître une certaine audace. On aimerait bien sûr qu’ils emploient cette audace à la conception d'un nouvel opus mais ce que révèle ce DVD en filigrane c’est justement l’extrême complexité du travail créatif chez RAMMSTEIN où il faut composer avec six personnalités matures et affirmées dont les aspirations ont évolué depuis leurs débuts mais également penser les compos en fonction du spectacle live associé. Vu le casse-tête, on comprend mieux que l’exercice prenne tant de temps, bien que, pour ma part, c’est finalement en disque, le casque vissé sur les oreilles que je préfère RAMMSTEIN.
| rivax 5 Juin 2017 - 2050 lectures |
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