Portrait fait partie de ses nombreux jeunes loups suédois talentueux rendant hommage au vieux heavy metal. Enfin, jeunes, de moins en moins. Les Scandinaves se sont formés en 2005 et ce
Burn The World est leur quatrième album, le troisième pour Metal Blade. Autant dire que les gars se sont depuis fait un nom et commencent à avoir de la bouteille. Un groupe sérieux sur lequel il faut compter. Mais ça, on le savait déjà après deux très bons disques, notamment
Crimen Laesae Majestatis Divinae. Le suivant,
Crossroads, confirmait le statut de valeur sûre de la formation malgré un album moins fouillé et une inspiration un poil en deçà. Ce coup de moins bien, même très léger, me faisait toutefois un peu douter de ce nouvel opus. Surtout que la formation est passée d'un quintette à un simple trio, perdant au passage un bassiste (la basse a ici été enregistrée par le guitariste Christian Lindell) et un guitariste, remplacé par un musicien studio, toutefois pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de Seif Teitan (Aborym, Dissection), Italien désormais résidant en Suède et habitué aux guests et sessions (Watain, Unanimated, Nifelheim, Anaal Nathrakh, Degial, Arckanum...). Portrait allait-il pouvoir se surpasser ou plutôt commencer à tourner en rond?
La réponse a mis un peu temps à venir mais s'est finalement imposée au fil des écoutes. Si
Crossroads gagnait en efficacité ce qu'il perdait en richesse,
Burn The World combine les deux avec une grande justesse. Ce nouvel opus, magnifiquement illustré par Adam Burke (Vektor, Artificial Brain, Perdition Temple, Hooded Menace, Eternal Champion, Occultation, Tchornobog...), dévoile un Portrait à la fois rafraîchi et plus vigoureux que jamais. Ce qui saute aux oreilles dès la première confrontation, c'est la vitesse de jeu. Quasiment tous les morceaux, hormis "Martyrs" plus versé dans le mid-tempo tout en arrivant à s'imposer comme l'un des meilleurs titres, le bel interlude acoustique triste et sombre "Further She Rode" et bien sûr l'intro gothico-lyrique "Saturn Return", se font bien speed. "Burn The World", morceau-titre qui ouvre l'opus de la meilleure des façons, se permet même de titiller la blastouille juste avant la première minute sur une grosse accélération! Les rythmiques rapides sont ainsi à l'honneur de la part d'un groupe que l'on n'avait pas connu aussi pressé. En découle une efficacité de tous les instants. Cette orientation power/speed me convient bien sûr tout à fait, d'autant qu'elle s'accompagne d'un rendu de plus en plus personnel. Portrait ne l'a jamais caché, les Suédois sont fans de Mercyful Fate et King Diamond. Pas autant que Attic mais leur heavy metal satanique à vocalises aiguës a toujours dû beaucoup aux Danois. Bien moins désormais même si certains passages y font encore penser, en particulier les lignes de chant à partir de 3'29 sur "Mine To Reap".
Portrait évolue et se détache de ses influences, se démarquant encore davantage parmi cette vague heavy revival. Il arrive même à surprendre comme sur ce solo d'orgue Hammond à 3'20 sur "Likfassna", très prog rock 70s sur une rythmique speed. Étonnant mais très cool! Tout est cool ici de toute façon. Même le batteur Anders Persson virevoltant et assez technique qui apporte beaucoup, chose rare dans un genre où le tam-tam n'est d'habitude pas mis en valeur plus que ça. Lui m'a spécialement convaincu. Tout comme les guitaristes dont les riffs multiples sans en faire trop s'avèrent riches, fouillés, travaillés et particulièrement affûtés quand tant d'autres se contentent du minimum en recyclant de l'archi-classique. Ce qui peut s'avérer suffisant aussi mais là, c'est un autre niveau. Ça joue grave en rythmique et aussi en lead grâce à un feeling mélodique fort appréciable. Les solos répondent présent bien sûr, tantôt bien fluides tantôt un peu plus chaotiques. Pas de doute, les mecs touchent. Le travail de composition laisse rêveur sur des morceaux assez longs de plus de six minutes en moyenne, un retour au format de
Crimen Laesae Majestatis Divinae a contrario du plus épuré
Crossroads. Le tout sur une durée assez conséquente de plus de trois quarts d'heure. Pas d'ennui à prévoir toutefois vu la diversité de jeu, l'intelligence d'écriture, la personnalité de plus en plus marquée, l'ambiance instaurée et les émotions véhiculées. Et à ce petit jeu, le chanteur Per Lengstedt reste sans doute le meilleur atout de Portrait. Le frontman signe ici une nouvelle prestation de haute volée. Pas vraiment de refrains catchy aux mots simples comme souvent dans le heavy mais de superbes lignes de chant contant des paroles de plus en plus intéressantes et profondes tout au long de l'œuvre, dans différents registres plus ou moins aigus, tantôt véhément et conquérant sur les séquences rapides, tantôt plus doux et poignant quand le rythme se pose. C'est d'ailleurs sur le morceau de clôture, le magnifique "Pure Of Heart", que le chanteur donne le plus la chair de poule. Ce break acoustique à 5'23, enchaîné en plus par un solo magistral, c'est juste divin!
Quel dommage que je n'ai pas eu le temps de chroniquer
Burn The World plus tôt. Ce nouvel album nous offre un Portrait couillu qui a sensiblement accéléré la cadence, se montrant d'une efficacité redoutable. Cet aspect speed plus prononcé n'est qu'une des nombreuses qualités d'un opus racé des plus plaisants, entre les riffs affûtés, les solos classes, le batteur impérial, la personnalité plus affirmée et le chant sublime.
Burn The World aurait ainsi eu tout à fait sa place au bilan, dans le top 3 des albums heavy metal 2017 derrière le Attic encore plus marquant et le Trial encore plus envoûtant. Si l'opus n'atteint donc pas la perfection de ses deux confrères au sommet de leur art, il a malgré tout marqué l'année dernière. J'hésite encore avec
Crimen Laesae Majestatis Divinae pour choisir le meilleur album de Portrait, mais
Burn The World se place sans nul doute comme le plus efficace et personnel des Suédois. Bien joué!
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