VƆID - Jettatura
Chronique
VƆID Jettatura
Si la scène nantaise n’est pas la plus connue de l’hexagone elle renferme malgré tout des formations de qualité qui depuis quelques années possèdent une petite réputation dans l’underground, à l’instar des très bons WAR INSIDE et DEFENESTRATION dont les sorties ont bénéficié de retours favorables. Parmi ce bouillonnement local VƆID (prononcer VOID) commence doucement à faire parler de lui, et nul doute que ce premier album va lui permettre de gagner en notoriété, tant il s’avère agréable et s’écoute facilement. Il faut dire que les gars ont pris le temps de le peaufiner, car depuis leurs débuts en 2011 - et la sortie l’année suivante d’une démo et d’un Split, ils se sont faits relativement discrets prenant bien leur temps pour peaufiner ce long-format qui aura donc mis sept ans à voir le jour, mais dont le résultat est à la hauteur des attentes.
Sous ce titre mystérieux se cache la signification du mauvais œil en Italie du sud qui est en raccord avec le thème global du disque qui traite de phénomènes occultes et de divinités maléfiques (il suffit de voir la pochette pour s’en rendre compte). Baignant dans une atmosphère occulte à souhait et Dark-Rock légèrement rétro le quintet est un peu un cas à part en France où son style Black N’Roll est très peu représenté par les combos locaux, vu qu’il lorgne particulièrement du côté de SATYRICON période « Volcano » et « Now, Diabolical ». D’ailleurs il n’y a qu’à écouter les premières notes du morceau-titre pour retrouver l’univers glacé des norvégiens et son côté dansant et entrainant, vu qu’ici on se retrouve en plein mid-tempo qui fait taper du pied et remuer la nuque dont certains riffs semblent être inspirés de « Fuel For Hatred ». Conservant son rythme global tout en proposant quelques petites variations cette ouverture se fait de la meilleure des manières et donne le ton pour la suite, à savoir une musique simple, épurée et directe où l’entrain et l’accroche sont constamment présents. Cependant sous leurs airs basiques et redondantes les compositions font preuve d’une étonnante finesse et d’une variété constante sans jamais en faire trop, afin de conserver la ligne directrice de ses créateurs comme cela est confirmé le pimpant et très bon « Theory Of Hail ». Proposant plus de diversification l’ensemble toujours aussi fluide s’écoute vite et bien grâce quelques parties plus énervées et un break glacial au possible, qui permet à l’ensemble de souffler avant de donner encore envie de bouger son corps tant on a du mal à le retenir.
Plus on va avancer et plus le niveau de plaisir va augmenter, c’est le cas avec le dense et redoutable « Woven Woods » qui voit l’apparition de blasts bien calés sur des guitares gelées et coupantes, tout en jouant les montagnes russes au niveau du tempo qui ralentit et repart à plusieurs reprises, le tout en contenant une pression qui se fait de plus en plus présente. Toujours à la limite de l’explosion le froid se fait plus agressif et un côté Progressif se fait même légèrement sentir afin de surprendre encore une fois l’auditeur, qui n’a pas fini d’en prendre plein les oreilles et va prendre son pied encore plus fort sur la seconde partie de cette galette qui arrive. Si la première a d’ores et déjà montré de belles choses la suivante va continuer sur le même niveau, avec d’abord l’épique « We Come We Breed We Live » où la vitesse va être absente afin de mieux mettre en valeur la préparation au combat imminent. Aussi motivant et entrainant que ce qui a été entendu jusque-là on ressent tous les préparatifs de la bataille viking qui s’annonce, tant la sensation de l’hiver et de la neige sont mises en avant par un sens du riff de la paire de guitaristes, qui réalisent d’ailleurs une prestation impeccable de bout en bout. Une fois les combattants prêts à partir c’est au tour de « O M E N » d’apparaître et de commencer directement par de la vitesse et des cassures à outrance, comme pour signifier que le combat est plus rude que prévu. N’hésitant pas à baisser l’allure pour mieux enchaîner derrière, on retrouve ici les parties typiques de la bande à Frost qui ont fière allure et sont jouées là avec entrain et brio pour proposer le morceau le plus ouvert et le plus varié de cet album, qui décidemment ne possède aucune faute de goût. Histoire de terminer dignement voilà que « Red Cardinals » pointe le bout de son nez et va proposer un mélange de tout ce qui a été entendu jusque-là tout en se faisant plus spontané et direct.
Avec une moyenne de six minutes par morceau on serait tenté de penser que l’ensemble finit par se ressembler et être linéaire, mais heureusement il n’en est rien car bien que les gars reprennent certains plans en boucle ceux-ci sont tellement addictifs et efficaces qu’on oublie ce détail. C’est d’ailleurs une des forces de ce disque qui sans être d’une grande agressivité évite les écueils de la facilité en proposant du son brut de décoffrage et sans fioritures, où la technique est laissée de côté afin d’y gagner en feeling, le tout avec une batterie qui ne monte en puissance qu’en de rares occasions. Tout ceci étant mis en exergue par une production impeccable, dépouillée et au rendu live et naturel, qui se fait équilibré et propre dont le résultat se révèle parfaitement adapté à l’ensemble. Il faut donc saluer le boulot effectué par les nantais qui réalisent une entrée en matière tonitruante dont la patience a été récompensée, et confirment avec de nombreux autres que notre pays continue de rivaliser sans peine avec les meilleures scènes de l’étranger, quelque soit le style.
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