Nawaharjan - Lokabrenna
Chronique
Nawaharjan Lokabrenna
Hermétique. C’est définitivement le meilleur qualificatif à coller sur ce disque. Du nom du groupe, que l’on croirait sorti de la carte des entrées d’un restaurant Indien, passant par la pochette, sublime dans son dépouillement, jusqu’à ce que la galette nous conte, tout, sur "Lokabrenna" , ramène au mystère, à l’interdit, tout ce qui nous échappe. On aurait presque l’impression que ce qui se joue sur cet album n’est pas fait pour nous. Nous dépasse.
Ainsi, le concept de l’album serait, apparemment, très fouillé, fort détaillé, autour de la déesse Germanique Sinmara, une histoire de neuf verrous brisés, représentés par les neuf titres de l’album, nécessaires à l’atteinte de je-ne-sais-quelle sorte d’illumination… Fouillis ? Apparemment pas. Même si, pour être tout à fait honnête, ce "Dark Germanic Heathenism" n’a, pour moi, jamais été autre chose qu’une excuse pour tartiner ses visuels de salades de runes et de swastikas, il n’en reste pas moins que ce jusqu’au-boutisme revendiqué participe grandement à la cohérence des ambiances développées sur les pistes.
Point de langue de bois non plus concernant le contenu purement musical de "Lokabrenna". Disons les choses simplement : c’est un sacré bon disque. Nul besoin d’avoir pris mythologie germanique en option obligatoire pour apprécier l’étendue du talent des Teutons, des compositions jusqu’à leur exécution. Leur puissance évocatrice, ainsi que le chemin parcouru par le groupe, cueillent immanquablement l’auditeur. «‘de Dieu, mais qu’est-ce que c’est que ça ?»
Parce que Nawaharjan s’est fait attendre : Silence radio depuis 2011, et la sortie d’un unique EP, couronné d’un beau succès d’estime. Huit ans de gestation pour un beau et gros bébé, qui sort ce mois-ci chez Amor Fati. Pour faire simple, "Lokabrenna" sonne comme l’Arckanum que j’espérais trouver, après la sortie de "Antikosmos" : un Black Metal qui sait développer des ambiances brumeuses, de boue humide et d’encens mêlés, au travers de riff qui provoquent immanquablement un serrage de poings chez l’auditeur – la marque de la qualité, diront certains.
Prenez un titre comme « Sunjo (Realization) », écoutez-le, et osez me dire que vous n’êtes pas cueillis par la qualité de ce motif ! D’autant que la production de l’ensemble ne gâche rien. Vu le contenu de la promotion faite autour de cet opus, je m’attendais à un énième disque dissimulant son manque d’idées derrière une production infâme. Que nenni ! Le son est ici d’une puissance absolument redoutable. Les graves sont graves, la batterie, imposante à souhait, finit de donner du relief aux riffs, tantôt en blocs (dès l’ouverture, «Warassuz (Awareness) », qui sonne justement comme un Arckanum sous stéroïdes), tantôt papier de verre (la déchirante clôture de « Skuwwe (Reflection) », solo en tapping sur lit de grésillements, soutenu par une cymbale ride perçante) décrivant par le menu une mythologie cryptique à souhait. Le sens du tempo est également indéniable. Nawaharjan galope quand il le faut, pour renforcer le torrent des guitares, comme sur la seconde moitié de « Maino (Intention) », foudroyante d’intensité, mais sait varier son jeu en ponctuant ses saillies d’instants plus posés («le mid-tempo de « Thwernhanassuz (Opposition) », prétextes au chanteur pour démonter toute la puissance de son organe. Vociférant, grondant, scandant, difficile à comprendre (à l’image du disque, finalement), certes, mais sa ferveur de mystagogue autoproclamé ne peut que saisir.
Sans faute ? Pas loin. Pour celui qui aime chercher la rune tracée dans le mauvais sens, quelques petites longueurs éparses sont à noter, écueil difficile à éviter sur un disque de près d’une heure. Oui, « Skuwwe (Reflection) » souffre d’un petit passage à vide en milieu de titre (mais rattrapé par son final), oui, le blast-beat un poil plan-plan de « Umbibrautiniz (Transformation) » casse un peu la dynamique du titre… Mais ce ne sont que des gouttes d’eau dans un océan d’indéniables qualités. "Lokabrenna" surprend, par sa cohérence, sa conviction. Nawaharjan transforme l’essai en proposant un premier full-length pensé et exécuté pour ceux qui aiment leur Black Metal quand il est sophistiqué dans les thématiques abordées, et redoutable dans l’exécution.
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