Puisqu’en plein confinement vous n’avez probablement rien d’autre à faire de plus intéressant que lire toutes nos chroniques, j’imagine que vous êtes à jour en ce qui concerne Caustic Wound ? Si ce n’est pas le cas (honte à vous et à toute votre famille pour les cinq prochaines générations), laissez-moi quand même vous (re)mettre au parfum.
Originaire de Seattle, le groupe compte dans ses rangs des membres de Mortiferum, Cerebral Rot, Magrudergrind et Fetid. Un line-up particulièrement alléchant pour une formation qui jusqu’à il y a quelques jours encore ne comptait qu’une seule démo à son actif. Intitulée
Grinding Terror, celle-ci n’avait pas manqué de faire parler d’elle et laissait surtout espérer le meilleur pour la suite. D’ailleurs la suite, la voici. Sorti la semaine dernière sur Profound Lore Records,
Death Posture est le premier album de Caustic Wound et outre sa pochette qui donne déjà furieusement envie (pas de méprise sur mes intentions), celui-ci se pose d’ores et déjà comme l’une des meilleures sorties Death/Grind de l’année.
Il faut dire que sans changer quoi que ce soit à sa formule, le groupe américain a quelque peu élevé ses intentions, notamment en matière de production. En effet, si l’enregistrement et le mixage ont été confiés à un producteur relativement peu connu du nom de Detto Vincent Detto (non, il n’y a pas de mot en trop), le mastering a quant à lui été réalisé par Dan Lowndes dont le CV n’en finit pas de s’allonger (Absu, Ascended Dead, Cerebral Rot, Corpsessed, Imprecation, Lantern, Spectral Voice et tout un tas d’autres groupes encore). Aussi, là où la production de
Grinding Terror se faisait un peu sèche trahissant au passage son statut de démo (ce côté Grindcore primitif parfaitement assumé), celle de
Death Posture gagne en épaisseur, s’offrant ainsi davantage de muscle histoire de pouvoir cogner encore un peu plus fort. Pour autant, elle conserve le charme du travail effectué à l’époque grâce à ces guitares abrasives, cette basse ultra saturée héritée de la scène Punk/Crust des années 80 et cette batterie simple et naturelle permettant de révéler les délices de cette caisse claire sur laquelle Casey Moore de Magrudergrind enchaîne les blasts en toute décontraction. Ce choix de production n’a donc rien d’anodin puisque ce son âpre et dépouillé sert parfaitement le propos de Caustic Wound et l’urgence de ces compositions redoutables menées le couteau entre les dents.
Sans grande surprise, les Américains poursuivent ainsi leurs efforts à coup d’hymnes Death/Grind toujours aussi savoureux et virulents. Sur quatorze titres proposés ici (dont trois sont d’ailleurs issus de la démo
Grinding Terror), seuls quatre dépassent la barre des deux minutes (et encore c’est parce que les cinq gaillards prennent le temps d’instaurer un certain climat à l’aide de bruitages étranges et de riffs menaçants (la première partie de "Death Posture") et autres séquences plombées ("Cataclysmic Gigaton" à 1:51). Autant dire que Caustic Wound n’a donc aucunement l’intention de calmer le jeu, se contentant de reprendre les choses là où il les avait laissées deux ans auparavant. Personnellement, je n’en attendais pas davantage.
Placé sous la barre de la demi-heure,
Death Posture va s’imposer par la force, à coups de blasts et de brûlots tous plus impitoyables les uns que les autres où les quelques respirations écrasantes ("Terror Bomber" à 0:18, "Cataclysmic Gigaton" à 1:51) ou au groove chaloupé ("Death Posture" à 2:11, l’introduction et la conclusion de "Visions Of Torture" ou "Rituel Trappings", "Black Bag Asphyxiation" à 0:49, "Uranium Decay" à 1:21, "Cabal" à 1:24...) vont simplement permettre à l’auditeur alors sérieusement malmené de reprendre son souffle. Le reste du temps il vaudra mieux s’accrocher car Caustic Wound y va plutôt franco menant pendant près de trente minutes une véritable guerre éclair. Déjà il y a la frappe insolente et nerveuse d'un Casey Moore dont la réputation n’est plus à faire. Vraisemblablement né pour cravacher, le bonhomme ne va pas faire semblant de taper sur ses fûts, faisant ainsi de chaque séances de blasts un véritable régal. Et lorsque ce dernier n’a pas le poignet vissé dans l’angle, c’est qu’il est tout simplement occupé à balancer du semi-blasts ou du tchouka-tchouka dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Côté riff, les deux guitaristes de Mortiferum (Chase Slaker et Max Bowman) n’entendent pas se faire enrhumer par leur copain batteur. Si on va trouver tout au long de l’album quantité de riffs Punk à trois notes passés à la moulinette Grindcore, ce sont eux qui vont également insuffler cette espèce de lourdeur sous-jacente ainsi que cette atmosphère particulièrement sombre et menaçante héritées de la scène Death Metal dont ils sont issus (flagrant surtout lorsque le groupe ralenti le tempo au profit de passages plus lourds et sinistres ou lorsque le duo vient nous balancer quelques solos et autres leads particulièrement bien sentis ("Cemetery Planet" à 1:01, "Black Bag Asphyxiation" à 1:26, "Uranium Decay" à 1:41, "Acid Attack" à 1:08 ou "Cataclysmic Gigaton" à 1:32). Toujours coincé le cul entre deux chaises, quelque part entre Grindcore et Death Metal, Caustic Wound fait preuve ici d’une véritable démonstration de force. Qu’il enchaîne ainsi les bourre-pifs, les passages suffocants où ceux dont émane une espèce de groove putride et pataud, le groupe américain nous inflige une correction dans les règles de l’art à tel point que vous ne serez pas sans en redemander, encore et encore...
Dans la continuité de son excellente première démo, Caustic Wound fait preuve tout au long de ce
Death Posture d’une sauvagerie et d’une intensité débordante et surtout particulièrement jouissive. Un disque exigeant car sans aucune demi-mesure ni retenue et qui pourrait également en refroidir quelques uns pour son caractère un brin répétitif (le growl baveux et monocorde de Clyle Lindstrom n’est pas sans conforter cette impression même si on peut entendre ici ou là quelques cris). Pourtant les Américains savent insuffler ce qu’il faut de nuances et de variations à leurs compositions pour ne jamais donner l’impression de tourner en rond. Entre ces quelques passages plus lourds, ces breaks imparables sous formes de séquences au groove absolument irrésistible, ces séances de pilonnages quasi-incessantes et finalement le fait que
Death Posture s’étale sur moins d’une demi-heure il y a quand même de quoi prendre son pied sans venir nous casser les couilles avec des histoires de
"c’est tout de même un poil linéaire" et
"on faisait déjà ça, en mieux, dans les années 90". Mangez vos morts, j’y retourne moi !
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