Phobia - Means Of Existence
Chronique
Phobia Means Of Existence
Parce que nos journées ne font malheureusement que vingt-quatre heures, j’avoue avoir pas mal délaissé la discographie de Phobia ces dernières années à tel point que la plus récente chronique des Californiens sur Thrashocore remonte maintenant à plus de dix ans... Sagamore aurait très bien pu rattraper le coup, lui qui généralement nous régale des sorties les plus recommandables en la matière, sauf qu’a priori le groupe californien ne figure pas spécialement sur sa liste des formations méritants d’apparaître dans nos colonnes. Pas de souci, on ne peut pas tous avoir les mêmes goûts. En attendant, et même si j’aurai pu m’attarder sur une de leurs parutions les plus récentes, j’ai choisi de me pencher aujourd’hui sur le cas de Means Of Existence, premier album du groupe de Los Angeles a avoir trouvé le chemin de mes oreilles il y a maintenant une vingtaine d’années.
Paru en 1998 sur Slap A Ham Records, label de l’indéboulonnable Chris Dodge (No Use For A Name, Spazz, Depise You, Infest, East West Blast Test, Trappist...), Means Of Existence est également le premier album de Phobia et fait suite à toute une série de démos, EPs et autre split ayant depuis 1990 permis de mettre les amateurs éclairés de Grindcore sur le chemin de ce groupe animé par tout un tas de contestations, qu’elles soient sociales, politiques ou environnementales. Fidèle depuis le début de sa carrière à cette idéologie Punk sur laquelle repose l’essence même du Grindcore, Phobia n’a jamais cherché à révolutionner les fondements de cette musique dont les codes s’avèrent comme souvent relativement immuables mais simplement à apporter sa pierre à l’édifice en faisant preuve de l’essentiel : une efficacité sans faille et une force de frappe implacable.
Avec dix-sept titres au compteur et la barre de la demi-heure dépassée en grande partie grâce à ce dernier morceau de plus de sept minutes ("Ruined"), Means Of Existence reprend d’emblée les standards de n’importe quel album de Grindcore digne de ce nom avec effectivement ce tracklisting interminable et pour la plus grande majorité d’entre eux des titres ultra courts. À cela vient également s’y ajouter cet artwork sans équivoque qui au passage n’est pas sans laisser paraître les influences Crust de la formation californienne. Bref, il suffira d’un coup d’oeil à n’importe quelle personne un minimum avisée pour savoir exactement de quoi il retourne ici.
Auréolé d’une production idéalement taillée pour le job (basse ultra-saturée, guitares abrasives, batterie naturelle et sans artifice...), Means Of Existence va rapidement mettre les pieds dans le plat. Mené en effet le couteau entre les dents et la rage au ventre, ce premier album déroule bien évidemment tout ce que l’on peut attendre d’une sortie estampillée de l'attribut "Grindcore". De cette batterie survoltée qui blast à n’en plus finir lors de ces séquences les plus intenses en passant par ces riffs Punk / Crust / Metal jamais très compliqués mais extrêmement efficaces et nerveux (difficile de ne pas s'enthousiasmer (ou plus exactement de péter un boulard) à l'écoute de "Rape Theft Murder", "Taxes At Work", "Morally Content", "Piece Of Mind", "State And Enemy", "Systematically Imprisoned" ou "Infant Suffering") en passant par cette alternance vocale entre growl profond mais compréhensible et éructations arrachées et douloureuses, on retrouve dans les grands lignes tout ce qui fait le charme de ce genre de sortie depuis les débuts de Napalm Death dans les années 80 et ce jusqu’à aujourd’hui. Pour autant, les Californiens ne sont pas que de gros bourrins dénués de finesse puisque s’il y a bien une chose qui permet à Phobia de faire ici la différence ce sont justement ces nombreux instants plus "posés" lors desquels le groupe va soit calmer le jeu sans pour autant sacrifier à l’atmosphère résolument pessimiste de l’ensemble (les deux premiers tiers de "Blood Sport", "Snail" et ce fameux sample tiré du film Apocalypse Now, "Scars", "Cheap Life" à 0:34, "Ruined" et son ambiance poisseuse...) soit en offrant des séquences au groove particulièrement redoutable d’efficacité ("Rape Theft Murder" à 1:11, "Stink Head" à 1:15, "Piece Of Mind", "Infant Suffering" à 0:53...). Eh oui, il y a effectivement pas mal de nuances et de reliefs dans le Grindcore des Californiens. Suffisamment en tout cas pour pouvoir s’enfiler ces trente-cinq minutes sans paraître un seul instant blasé par une formule trop redondante.
Grindcore contestataire oblige, les samples sont également légion et renforcent à juste titre l’esprit anti-capitaliste, anti-establishment, anti-religieux et anti-spéciste qui anime Phobia, sa musique et bien entendu ses paroles acides qui pointent du doigt toutes ces choses qui ne vont pas dans nos sociétés visants le profit à tout prix. De "Rape Theft Murder" à "Taxes At Work" en passant par "Blood Sport", "Means Of Existence", "Snail", "Scars", "Systematically Imprisoned", "Suffer For Arrogance" ou "Cheap Life", l’ambiance qui se dégage de ces quelques samples n’est clairement pas des plus réjouissantes et participent à l’atmosphère particulièrement critique et vindicative de ce premier album.
S’il est difficile de tirer son épingle du jeu dans un genre aussi balisé que le Grindcore, j’ai toujours trouvé que Phobia réussissait à s’élever de la masse grâce à des sorties extrêmement solides et convaincantes. En effet, grâce à un riffing toujours très efficace ainsi qu’une énergie, un groove et une attitude Punk résolument intactes après toutes ces années (trente-deux ans de service tout de même), le groupe continue d’exceller encore aujourd’hui dans son domaine. Certes, tout cela n’est d’aucune originalité, que ce soit à l’époque et encore moins de nos jours mais dans la catégorie album de Grindcore absolument imparable, Means Of Existence se situe clairement dans le haut du panier en ce qui me concerne. Bref, le genre de rouste que l'on est content de se prendre en pleine poire et que l'on demande à recevoir de bon coeur, encore et encore.
| AxGxB 12 Octobre 2022 - 907 lectures |
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