Une attente longue pour des espoirs immenses.
Sept ans passés depuis le missile
"Abuse to Suffer", premier disque de
Rotten Sound estampillé Season of Mist - ça filoche ! L'onde de choc du septième long-jeu des Finlandais aura laissé des traces, tant à cause de sa production complètement débile (signée du batteur Sami Latva) que de ses compositions, qui déchaînaient littéralement le Feu Sacré. Est-ce "l'après" que l'on devine sur la superbe pochette de cet
"Apocalypse", œuvre de Xavi Forné
* ? Peut-être. En tout cas, c'est à peu près l'état dans lequel je me suis retrouvé après la première écoute du disque : torchon, chiffon, carpette - lessivé. Pouvait-il en être autrement, vu le pedigree de ses géniteurs ? Non, évidemment. Même si…
J'avoue que
"Suffer to Abuse", sorti en 2018, m'avait laissé un peu tiède. Pas déçu, hein. Mais timoré. Déjà qu'en temps normal, je trouve l'intérêt des EPs assez limité, là, ces sept petits titres m'apparaissaient plutôt comme des chutes de studio que le groupe n'avait pas réussi à caler ailleurs, faute de place, ou peut-être faute d'être entièrement convaincu par leur force de frappe. L'hésitation, ça ne pardonne pas - surtout pour
Rotten Sound, qui nous a habitué, au cours de sa riche carrière, à de sacrés coups d'éclat.
"Murderworks" (2002) et l'inénarrable doublette
"Exit" (2005), puis
"Cycles" (2008), trois disques exceptionnels, ardents défenseurs d'un Grindcore compact, écrasant, toujours dopé par ces guitares sous perfusion d’hormones de croissance. Puis il y eut le détour chez Relapse, avec
"Cursed" en 2011 - pas le plus mauvais, mais pas non plus le meilleur de la bande. Et enfin, la signature chez notre Season of Mist national, avec
"Abuse to Suffer", donc, et
"Apocalypse", sorti la semaine dernière.
Notons quelques changements, détaillons ce petit mercato avant de chevaucher la bête - ou de passer sous les sabots. Si
Rotten Sound s'articule toujours autour de Mika Aalto et de Keijo Niinimaa, garni de l'explosif Sami Latva derrière les fûts depuis 2006, Kristian Toivainen laisse la quatre cordes à Matti Raappana, qui se paie également quelques
backs au micro tout au long des dix-huit titres de ce nouvel opus. L’équipe derrière les machines change également, puisque
Rotten Sound s’attache cette fois-ci les services de Jesse Gander (Rain City Studios) pour le
mix, et de Brad Boatright (encore lui !) pour le
mastering. En résulte une production qui, je le concède, fait parfois un peu pâle figure face au mastodonte qui aura précédé
« Apocalypse ». Enfin, pâle figure… Disons simplement que le quatuor est revenu à quelque chose de plus « raisonnable » :
exit la batterie aux amphétamines, les guitares obèses et le chant plus caverneux que jamais de Keijo. J’étais circonspect, mais cette production beaucoup plus sobre, aux cymbales acérées et frappes implacables, sied à merveille aux dix-huit nouvelles compositions du combo. Terne, livide, à l’image de l’époque qu’il dépeint. Pas de doute, on est en terrain connu : l’heure est à la tripe, au
pit qui surchauffe, au propos tant vindicatif que revendicatif.
Ces vingt petites minutes glissent comme papa dans maman. Du nectar, du concentré épais pour les gourmets qui attendaient, lascifs et tremblants, un huitième round sans préliminaires.
« Apocalypse » te plonge direct dans le bain d’acide, sans fioritures, avec « Pacify », son fougueux blast-beat, ses D-beats croûteux, et un Keijo qui se fait saigner les cordes vocales. « Equality » et « Sharing » continuent à tracer à toute vitesse sur l’autoroute de l’excès, tout en ménageant leurs effets – ce ralentissement pachydermique en fin de troisième titre, qui administre le coup de botte derrière la tête, ta mâchoire collée sur le bord du trottoir. La sulfateuse Latva matraque son kit avec une sauvagerie qui colle indéniablement un sourire de mange-merde en travers du visage, fait tinter sa ride comme autant de dents crachées dans une timbale en ferraille, suivant le rythme des riffs au pétrole d’un Mika Aalto qui, même après trente ans de carrière, trouve encore matière à écrire des lignes percutantes, tant en forme de raz-de-marée (les branlées que sont « Renewables », «Empowered" et ses grandes embardées) que de lames de fond (le duo « Newsflash » / « Digital Bliss », pensé pour transformer la fosse en sauna). Une tronçonneuse que l’on démarre, ni plus, ni moins.
Rotten Sound prouve une fois encore qu'il ne fait pas qu'exceller dans le pédalage intensif. Les parties plus lentes, disséminées au fil du disque, sont toutes redoutables : citons par exemple l'ouverture de "Denialist", qui convoque indéniablement la
stank face, ou les secondes moitiés de "Fight Back" ou de "Ownership", pour faire de grands moulinets avec les bras dans ton salon.
Rotten Sound n'a perdu ni de sa fougue, ni de sa verve, et convoque les plus belles heures d'une discographie qui, si elle comporte des sommets mais également de rares plateaux un peu plus mornes, reste exemplaire.
"Apocalypse" réconcilie la fougue des débuts (j'y ai entendu quelques rappels à
"Drain", leur opus de 1999) et l'atmosphère plus pesante de leur seconde moitié de carrière - On ne retrouve certes pas de bails à la "Yellow Eyes", mais les Finlandais ne sont pas venus pour amuser la galerie. Simplement pour montrer que même après avoir passé plus de la moitié de leur vies au service du Grindcore, l'envie, et la passion, restent immuables.
Balayer trente bougies avec le souffle d’une tête nucléaire : je ne vois pas meilleure manière de fêter son anniversaire.
"Apocalypse", le bien-nommé, couronne une discographie exemplaire et offre à
Rotten Sound un retour bien mérité sur le trône du Grindcore. Sérieux prétendant au podium pour la fin de l’année, en tout cas !
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