Ahret Dev - Hellish
Chronique
Ahret Dev Hellish
On le sait, la Pologne a toujours été un vivier extrêmement bien fourni en matière de Death Metal. De Vader à Decapitated en passant par Yattering, Trauma, Ghost ou Azarath, il y a toujours eu pour l’amateur curieux de quoi étancher sa soif de musique extrême. Mais malgré toute la meilleure volonté du monde, il arrive parfois que l’on puisse passer complètement à côté de certaines formations pourtant dignes d’intérêt. En ce qui me concerne ce fût le cas avec Ahret Dev que j’ai découvert il y a quelques semaines seulement.
Originaire de Radom, le groupe se forme en 1992 sous le nom de Wenetis. Deux ans plus tard, les Polonais décident de changer de patronyme, optant alors pour celui d’Ahret Dev. Le groupe sort dans la foulée deux démos, une en 1994 (Rehearsal '94) et une en 1995 (Demo 95) avant de passer à l’écriture de son premier album intitulé Hellish. Sorti en 1997 sur Vox Mortis Records (Behemoth, Trauma, Damnation, Hate...), celui-ci fût longtemps disponible au seul format cassette. Un détail qui peut probablement expliquer l’extrême confidentialité de cette sortie passée pour le moins inaperçue. Il faudra attendre 2002 pour une première version CD puis 2019 pour une réédition généreuse embarquant en plus des titres de l’album les morceaux des deux démos évoquées un peu plus haut ainsi que quelques inédits dont certains issus de l’époque où le groupe s’appelait encore Wenetis.
Sur le premier CD de cette réédition proposée par le label polonais Godz Ov War Productions, on va trouver les huit titres de Hellish. Exécutés en moins de trente minutes, ces derniers s’inscrivent dans le registre d’un Death Metal particulièrement intense rappelant notamment les premiers albums de Deicide auxquels ont aurait insufflé un poil plus de technique ainsi qu’une légère dose de brutalité supplémentaire. Vraisemblablement remasterisés (aucune note sur le sujet dans le livret mais le son paraît identique à la version de 2002 qui à l’époque avait bénéficié d’un petit coup de frais), ces morceaux jouissent d’une production encore aujourd’hui particulièrement solide même si le son de batterie un peu sec suggère tout de même que cet enregistrement ne date pas d’hier.
En attendant, Ahret Dev délivre la bonne parole à coups de brûlots menés la bave aux lèvres et le couteau entre les dents. Une intensité redoutable et quasi-interrompue puisqu’à l’exception de quelques entames moins tendues ("Izis Ode", "Lords Of Illusion", "Nebirius") et autres breaks/ralentissements bien sentis ("Eardh Kha Aamon Reeh" à 1:18, "Archnemezis" à 2:43, "Nebirius" à 2:32), les Polonais mènent l’assaut le plus clair du temps. Il faut dire aussi que la durée peu excessive de chaque morceau (seul "Nebirius" s’autorise à dépasser les quatre minutes et encore c’est parce que le groupe y a collé en guise de conclusion un sample de plusieurs secondes) n’invite pas spécialement à la contemplation et au recueillement. Cette sensation d’urgence est également largement renforcée par le caractère épileptique et schizophrène de ces riffs multiformes ou ces quelques solos un brin chaotiques tricotés à toute berzingue par une paire de guitaristes loin d’être manchots ainsi que par ces enchevêtrements de séquences hétéroclites rendant chaque moment unique en dépit d’une formule pourtant assez identique. Bref, n’importe quel amateur de Death Metal frénétique un poil brutal et technique se devrait de jeter une oreille attentive sur ce disque injustement méconnu et qui pourtant possède toutes les qualités pour batailler aux premiers rangs en compagnie des chefs de file.
Sur le second disque on va retrouver l’ensemble des titres proposés en guise de bonus. Tout d’abord ceux de la démo de 1995 qui jouissent d’une production encore correcte aujourd’hui bien qu’elle porte néanmoins tous les stigmates de son âge et de son format. Par contre, à ma grande surprise, on ne retrouve aucun morceau de Hellish sur cet enregistrement constitué donc de six inédits. Malgré une approche et des structures sensiblement moins développées, il est clair qu’Ahret Dev semblait d’ores et déjà avoir trouvé sa voie. En effet, à quelques exceptions près (notamment le chant moins profond mais plus diabolique), on note finalement assez peu de différences dans l’interprétation de ce Death Metal toujours aussi furieusement intense. Il n’y a que "The Chasm", titre mid-tempo assumé, qui vient jouer les troubles-fêtes avant un "Shall They Burn" qui finira de (re)mettre les points sur les "i".
Godz Ov War Productions propose ensuite une version "rough mix" du titre "Izis Ode" qui ouvre Hellsih. Dépouillée de son introduction (exit les samples), le titre n’a dans son interprétation rien de différent par rapport à la version proposée sur album si ce n’est cette production qui bizarrement semble avoir bien moins subi les affres du temps. En effet, à l’écoute de ce morceau on en vient presque à se dire qu’il aurait été préférable que l’album bénéficie du même traitement. Bon, la nuance est mince et se situe surtout au niveau de la batterie et notamment de cette caisse claire qui claque quand même un peu moins que sur Hellish mais quand même. Enfin quoi qu’il en soit, la punition infligée demeure la même et c’est bien là l’essentiel.
Viennent ensuite les six titres de la démo de 1994 sur laquelle on retrouve en fait cinq des six morceaux figurant sur celle de 1995. Malheureusement à ce stade les choses se gâtent quelque peu, notamment à cause d’une production bien moins gratifiante (ce son de guitare rachitique et assez pénible à la longue), d’une inspiration forcément un poil moins affûtée et d’une interprétation certes déjà volontaire mais néanmoins beaucoup plus rudimentaire. "War", seul morceau qui ne soit pas repris sur la démo de 1995, s’inscrit dans le même registre et ne réussira pas à sauver cette démo de l’anonymat dans lequel elle est plongée depuis pas loin de vingt-six ans maintenant.
Ce deuxième disque rempli de bonus se termine par un enregistrement "rehearsal" (et la production qui va avec) de Wenetis (pre-Ahret Dev) datant de 1992. Loin du Death Metal brutal et frénétique largement inspiré par Deicide, le groupe polonais proposait à l’époque une sorte de Death/Thrash primitif sympathique pour son caractère historique mais tout de même assez peu inspiré. Certes, le groupe ne manquait déjà pas de passion et l’enregistrement possède en soit un côté évidemment attachant, notamment pour tout ce qu’il peut représenter concernant l’émergence d’une scène polonaise portée essentiellement par les patrons de Vader mais en ce qui me concerne je suis certain de ne pas y reposer mes oreilles de si tôt.
Si cette réédition plus que bienvenue nous propose un programme chargé à la qualité plus ou moins variable (en tout cas sur le deuxième disque), on retiendra surtout ce premier CD sur lequel figure les huit titres particulièrement redoutables de Hellish, un premier et malheureusement unique album qui au-delà de la simple curiosité d’époque pour historiens consciencieux et autres archéologues de la scène, constitue tout de même un disque extrêmement bien ficelé, à la fois sauvage et intense mais également brutal et précis. Bref, vous l’aurez compris, il s’agit bien là d’une véritable petite pépite oubliée en provenance directe des années 90 qui ne devrait pas manquer d’intéresser puis de ravir tous les amateurs des scènes US et polonaise n’ayant pas peur des mots "intense", "brutal" et "technique". Un album chaudement recommandé.
| AxGxB 10 Mai 2020 - 890 lectures |
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