Thætas - Shrines To Absurdity
Chronique
Thætas Shrines To Absurdity
Formé à New-York en 2015, Thætas a passé les cinq premières années de sa carrière dans l’indifférence la plus totale avec pour seules offrandes une démo trois titres ainsi qu’un split en compagnie de leurs copains d’Haagenti. L’annonce de la signature des New-Yorkais sur Maggot Stomp Records, label actuellement très en vogue parmi les amateurs de Death Metal, a quelque peu changé la donne puisque comme moi, nombreux sont ceux a avoir été mis sur le chemin des Américains.
Mais au-delà cette simple signature qui effectivement a permis de braquer les projecteurs sur Thætas, c’est surtout la sortie de son premier album qui nous intéresse aujourd’hui. Intitulé Shrines To Absurdity, ce dernier est illustré par l’infatigable Paolo Girardi. Et oui, on ne dirait pas comme ça mais c’est bien l’Italien qui signe de ses pinceaux l’artwork des New-Yorkais à travers une oeuvre surprenante car bien loin des tourments diaboliques généralement évoqués par les travaux de l’homme en slip. Ceci étant dit, on reconnaît assez bien la patte de l’artiste une fois le nez plongé dans cette ville grouillante que l’on imagine aisément comme une version plus sale et inquiétante de New-York.
Mais la véritable bonne surprise, c’est surtout que Thætas se démarque quelque peu des productions auxquelles le label californien nous avait habitué jusque-là. En effet, on est ici bien loin du malaise provoqué par les samples de Fluids, des ambiances sournoises et rampantes d’un Ossuary ou du caractère particulièrement primitif d’un Rotted ou d’un Encoffinized. Thætas verse plutôt dans la pratique d’un Brutal Death Technique implacable dont l’une des caractéristiques et de ne s’embarrasser d’aucune fioriture. Du haut de ses neuf compositions (dont certaines ne datent pas d’hier comme l’atteste "Thlth" issu de la démo de 2016), Shrines To Absurdity dépasse de peu la demi-heure et cela seulement grâce aux huit minutes de "Greenhaven", dernier titre de l’album lui-même largement rallongé par les six dernières minutes faites pour l’essentiel de bidouillages électroniques et autres expérimentations à bases de riffs tordus et de batterie tribale (seule la dernière minute renoue avec le Brutal Death).
Avec un esprit de concision qui lui va donc plutôt bien (même si je suis convaincu que le groupe ne perdrait rien à prendre le temps de développer davantage ses compositions), Thætas va aller piocher l’essentiel de ses influences chez des groupes comme Defeated Sanity, Wormed, Suffocation et Gorguts pour un Brutal Death Technique largement inspiré par ce qui se faisait durant les années 90. En premier lieu on appréciera le soin apporté à la production afin, notamment, de s’affranchir des travers dans lesquels beaucoup trop de groupes récents ont malheureusement tendance à tomber. Pas de batterie synthétique ici ni de triggs trop voyants mais une production plutôt naturelle, percutante et bien équilibrée au service de compositions particulièrement explosives et épileptiques.
En effet, avec une moyenne de trois minutes par titre (et encore), Thætas n’est pas là pour faire semblant. Et s’il n’est pourtant pas le groupe le plus véloce que compte le genre, ces enchainements de riffs nerveux, ces dissonances technico-chaotiques et ces nombreux changements de rythmes (entre accélérations fulgurantes à base de blasts et ralentissements sauvages taillés pour briser des nuques) vont insuffler une véritable intensité à ces titres menés le couteau entre les dents. Comme souvent avec ce genre de Brutal Death Technique tout en nerfs, il faudra être en mesure de dompter ces riffs chaotiques et schizophrènes qui par nature demanderont tout de même quelques écoutes pour être un tant soit peu assimilés. Et si cela pourra sembler rédhibitoire à certain, je trouve au contraire que c’est l’un des petits plus de Thætas, être capable de donner à l’auditeur l’impression de découvrir systématiquement quelque chose de nouveau à l’écoute de Shrines To Absurdity, que ce soit un riff étrange et surprenant ou bien tout simplement une note, une mélodie ou un break inattendu (par exemple celui de "Shrines To Absurdity" à 2:14 avec ses consonances jazzy). Si le groupe n’invente rien, celui-ci fait pourtant preuve d’une certaine ingéniosité, notamment dans sa manière de construire ses morceaux et d’y apposer sa propre touche.
Moins véloce, moins brutal et également moins impressionnant que les grands noms qui ont marqué le genre, les New-Yorkais de Thætas tirent néanmoins d’emblée leur épingle du jeu grâce à une production soignée et un sens de la mesure leur permettant d’éviter tous les travers du Brutal Death moderne, un genre bien trop souvent plombé par des productions artificielles et un manque de retenue qui font tomber tous ces groupes dans la parodie et les clichés. Cependant, ce n’est pas le seul atout des Américains puisque ce premier album se montre particulièrement efficace et suffisamment bien ficelé pour avoir envie d’y revenir régulièrement. Si la durée contenue y est pour beaucoup, ce sont surtout ces compositions explosives et intenses faites de petites touches personnelles bienvenues qui finalement font ici toute la différence. Alors non, Shrines To Absurdity ne fera probablement pas date dans l’Histoire mais ça fait du bien de pouvoir s’enfiler en 2020 ce genre de disques dénué de tout artifice inutiles.
| AxGxB 13 Juillet 2020 - 763 lectures |
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