"Tectonics" possède, pour moi, un goût particulier. Aigre-doux, presque. D'une part, parce que c'est probablement la continuité / décalque (gardez ce qui vous arrange) la plus parfaite d'Hate Forest, légende absolue et indiscutable de la scène Ukrainienne... De l'autre, car ce même Hate Forest était probablement l'un des groupes favoris de Geisterber - qui leur aura tressé des lauriers, fort mérités, dans ces colonnes. Geisterber, à qui je dois probablement la moitié de ma culture Black Metal, lui qui fut mystagogue passionné, et passionnant, m'introduisant dans les recoins les plus obscurs des scènes d'Europe de l'Est. Serrant le poing en l'air à l'écoute de
"Purity" et s'amusant, à l'époque, de ma moue dubitative.
"C'est comme le bon pinard, qu'il disait,
le goût vient en en buvant." Qu'il avait raison !
L'ancien camarade et ami est parti vers de plus vertes contrées, mais Hate Forest, lui, semble bel et bien être de retour, sous un nom d'emprunt, presque
incognito. Il faut croire que la reformation, le temps d'un concert (le
Metal East), semble avoir titillé Roman Saenko. Bien décidé à ranimer Precambrian, qui n'avait plus donné signe de vie depuis 2016, et de s'en servir comme prétexte pour se remettre derrière de brûlants fourneaux.
"On prend les mêmes, et on recommence ?" Pas loin, pas loin. Precambrian comblera ceux qui pleurent encore la fin de l'un des Grands de la scène Ukrainienne, tout en rassasiant les péquins qui suivent, avec attention, les pérégrinations (et errements plus discutables) de notre ogre slave préféré, en dehors de Drudkh.
Cet album est tout à fait en phase avec son propos : les plaques tectoniques se foutent de tes états d'âme et de tes sentiments. Peu importe que tu apprécies ou non ce Black Metal volontairement régressif, répétitif à la limite de l'abrutissant; Que tu tiques, ou non, sur ces fins de compositions abruptes (à l'image de
"Sorrow"); Precambrian poursuivra quoiqu'il advienne son avancée, tout comme la Terre continue, et continuera de tourner, de bouger, avant, pendant, et après que tu en aies foulé la croûte. Inexorable, massif, d'une puissance à même de faire remuer des millions de tonnes de roche. Résumer des milliards d'année d'activité géologique, séismes et autres éruptions en à peine trente minutes, logique que le résultat soit aussi brut, aussi prenant... Et épuisant.
Aucune pause, ni temps mort, les quelques aérations brèves n'étant que des prétextes pour des lignes de double-pédale en forme de
carpet bombing ou de grandes envolées d'organe d'un Roman Saenko plus terrifiant que jamais.
"Tectonics", c'est Hate Forest, mais avec une batterie acoustique. On se doit d'ailleurs de saluer la performance de Vladislav Petrov, impressionnant de régularité et d'endurance, capable de maintenir un
blast-beat constant sur plusieurs minutes comme faire varier son jeu, en accentuations sur le dôme de la
ride ou avec ses
splashs qu'il torture ("Fossilization"). Une caisse claire profonde, dont on martyrise aussi bien la peau tendue que son cerclage, mais qui semble bien perdue au milieu de ces avalanches de cordes, cette guitare qui soulève trois kilos de poussière à chaque descente de manche, la basse sur les épaules - qui ne sert qu'à ça, d'ailleurs, ajouter encore plus de poids à un monolithe déjà gargantuesque. Le tout mis au service de titres qui sont de vraies étendues de sel, mers asséchées que l'on subit, résignés - les dernières minutes de "Cryogenian" en sont l'exemple parfait. Oh, quelques riffs plus sentencieux poussent à poursuivre le périple, à l'image de "Volcanic Winter", qui sonnerait presque tragique, mais ces rares éclaircies ne changent rien à la dimension éprouvante du périple. Un vrai chemin de croix. Et le pire, c'est qu'on en redemande.
"Tectonics" réveille en moi ce plaisir, que j'ai peine à retrouver ailleurs que chez Hate Forest : celui de prendre une branlée, bête, et méchante, de me sentir infiniment petit face à une entité qui me dépasse, par sa taille, son austérité absolue, et les proportions de sa violence.
Alors non, rien de neuf sous le soleil (de plomb). Il en reste que Precambrian livre, avec ce disque, un beau tour de piste à Roman Saenko, en souvenir du bon vieux temps. Un rappel aux plus belles heures de la forêt de haine, piochant tant chez
"Purity" que
"Sorrow", sans cracher sur de petits emprunts à ses camarades, certaines tournures rappelant presque la fin de carrière des regrettés Astrofaes, caisse-claire-boîte-de-conserve en moins.
"Tectonics" déplace des montagnes - pire, c'est la montagne qui se déplace ! À vous de voir si vous êtes dans le sens de la marche, ou sur son passage.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo