Paradise Lost - In Requiem
Chronique
Paradise Lost In Requiem
Alors que bons nombres de formations voient leur inspiration se tarir au grès des années et du temps qui passe, sombrant le plus souvent dans une navrante ou accablante décadence, je pense tout autant à d’autres références dans ce registre musical, à leurs anciens collègues de labels, qu’à certaines gloires passées devenues des marques déposées périclitant depuis de trop nombreuses années, il est plaisant de voir que près de deux décennies d’activité n'avaient aucunement affecté Paradise Lost en cette année deux mille sept. Si l’album éponyme des anglais était de très bonne qualité, l’on pouvait se demander si ces derniers allaient être en mesure de rééditer la chose deux ans plus tard, avec son premier disque chez Century Media. Le moins que l’on puisse dire à l’écoute de cet In Requiem, onzième album du groupe, c’est qu’il n’y aucune crainte à avoir quant à la qualité, excellente, de son contenu. Surtout, et c’est sans doute le fait marquant de ce In Requiem, il marquait le retour plein et entier des Anglais dans les girons métalliques après une décennie d’expérimentations, et pour ainsi dire, de manière définitive.
Sur cet opus, Paradise Lost continuait de nous proposer un metal gothique très classieux, bien loin de l’affligeante médiocrité qui nous est proposée dans ce registre métallique. En effet, le quintet ne sombre jamais dans la mièvrerie et le larmoyant, le mauvais goût n’est donc aucunement présent ici, même si l’émotion est toujours présente, dans cette mélancolie à fleur de peau et dans ces moments plus aérés où tout cela vient se mettre en avant. Le groupe poursuivait la voie tracée depuis les deux précédents albums, mais avec toutefois ici un infléchissement clair et net pour quelque chose de bien plus incisif. C’est même très significatif lorsque l’on compare avec les albums précédents: c’est avec ce In Requiem que l’on retrouve bien mises en avant les guitares qui ont même retrouvé leur verve et, surtout, leur pesanteur d’antan. C’est d’ailleurs dans cette direction que les hommes de la perfide Albion se sont clairement engagés, ce disque étant, à l’époque, le plus heavy depuis Draconian Times. En effet, - et la surprise est d’autant plus agréable -, de multiples passages de cet In Requiem nous renvoient directement aux glorieux temps de Icon et de Draconian Times, avec à la clef de très nombreux et excellents riffs bien pesants, comme sur Never For The Damned, Prelude To Descent ou bien encore Requiem, ou bien plus rentre dedans, comme sur Ash & Debris ou Beneath Black Skies.
Une fois encore, l’on ne peut que saluer le binôme de guitaristes composé de Gregor Mackintosh et de Aaron Aedy, qui proposa un excellent travail sur cet opus. Le talent de compositeur du premier n’est sans doute plus à démontrer, tant ce qu’il a jusqu’alors accomplit est excellent. Toutefois, je reste bluffé par ce qu’il a fait sur cet album, où il nous propose des riffs tous aussi bons les uns que les autres, avec surtout des guitares qui ont retrouvé une réelle épaisseur qui fait plaisir à entendre et qui va bien au-delà de ce qui était proposé sur l’album éponyme. Pourtant certains riffs sont vraiment simples, mais ils respirent tellement l’inspiration que l’on ne peut que saluer le talent de ce fabuleux compositeur. Cela dit, ses harmonisations et ses soli ne sont guère en reste, et, comme toujours d’ailleurs, l’on touche au génie, comme c’est pas exemple le cas sur Your Own Reality, d’autant que ce guitariste possède un feeling et un toucher inégalés jusqu’alors. Tout cela confère à la musique de Paradise Lost cette touche mélancolique unique, toujours aussi émouvante, d’autant qu’il y a souvent une certaine retenue chez les britanniques, une certaine austérité qui fait que l’on souffre, certes, mais avec dignité.
Pour autant, si les six cordes sont mises en avant et si l’on pense souvent au glorieux passé du groupe, cette réalisation n’est nullement passéiste, et est encore moins une tentative de capitalisation sur d’anciennes recettes ayant eu leur succès. Avec élégance et même raffinement, les anglais synthétisent de belle manière leurs diverses facettes entre le heavy gothique du milieu des années quatre vingt dix et les apports modernes des œuvres les plus récentes. Si la base demeure foncièrement métallique, les compositions reprennent tout de même fréquemment un schéma plus classique, basé sur l’enchaînement entre couplets et refrains. La formule est certes éculée, mais Paradise Lost la reprend avec classe, tout simplement. Le groupe a d’ailleurs cette qualité de ne pas commettre d’excès dans ses titres, préférant une certaine concision dans le propos plutôt qu’une certaine sophistication. Cela peut être frustrant d’un certain côté, notamment lorsque l’on a l’album Shades of God en tête, mais cela donne quelque chose qui émeut dans sa retenue. Il ne faut pas pour autant en déduire que le tout est minimaliste, loin s’en faut, car chaque composition se voit étoffée d’arrangements divers et variés. C’est ce qui fait que le propos du groupe est loin d’être stéréotypé. A ce sujet, et c’est l’une des caractéristiques de cet album, l’on trouve de nombreux et somptueux arrangements aux claviers, réalisés pas Mackintosh, et d’autres aux cordes. Prenant parfois les devants comme sur Your Own Reality, ils apportent une belle emphase aux compositions, avec une certaine majesté, comparable à certains égards avec ce qui avait été effectué sur Draconian Times.
Si le groupe est parfaitement en place, bénéficiant d’ailleurs d’une très bonne production, œuvre de Rhys Fulber et de Mike Fraser, assez massive mais sans les affres des productions modernes insipides, l’on peut également apprécier la prestation de Nick Holmes. L’on ne soulignera sans doute jamais assez la polyvalence et l’excellence de son chant. L’on retrouve ainsi des très belles lignes de chant, avec souvent cette très belle voix assez grave. Surtout, ce disque voit le retour de vocaux plus durs, avec du chant forcé comme à l’époque de Icon et de Draconian Times, et qui sont parfaitement adéquats avec le retour à un propos plus plombé. Dans tous les cas, l’alternance entre ces divers types de chant se fait toujours avec justesse. Il résulte de tous ces divers éléments un metal gothique à la fois riche, varié et touchant. Les onze compositions de cet album sont suffisamment hétérogènes, avec toutefois une ligne de mire commune, pour ne guère lasser l’auditeur. L’on passe ainsi de titres puissants et parfois même rageurs, comme sur Ash & Debris, à d’autres plus nuancés, comme sur Praise Lamented Shade.
Magnifique, belle, souvent froide comme une journée d’arrière-saison, la musique de Paradise Lost ne peut laisser indifférente. Il y a ainsi chez les Anglais une sincérité du propos qui émeut facilement, et l’on se laisse très facilement prendre dans les méandres de leur spleen si britannique. Il va sans dire que ce In Requiem est un très bon et très beau disque et ne déroge aucunement à cette règle. Je reste admiratif devant cette formation que j’affectionne particulièrement, et qui, finalement, ne m’aura jamais déçu. L’on pourra me reprocher mon manque d’objectivité, mais ce onzième album des anglais est une très belle réalisation, que l’on pourrait qualifier comme une sorte de retour aux affaires de la part de Paradise Lost, dans le sens où c’est sa facette plus métallique qui est définitivement mise en avant ici et qui ne cessera de se développer par la suite, mais qui se trouve toutefois enrichie par toutes les expériences faites par le groupe durant la dizaine d’années qui venaient de s’écouler. Encore une fois, Paradise Lost s’est suffisamment remis en question pour nous offrir un très bel opus qui est tout bonnement indispensable, que l’on soit fan du groupe ou non. Et le meilleur était encore à venir.
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