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Entretien avec Mondkopf

Interview

Entretien avec Mondkopf Entretien avec Paul A.K.A. Mondkopf (2015)
1 : Salut Paul ! Pour commencer, pourrais-tu te présenter en quelques mots, pour nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore.

Paul, 28 ans. Je suis né à Toulouse, je vis à Paris. J’ai sorti quatre albums de musique électronique, pour faire court et je m’occupe d’un label qui s’appelle In Paradisum.

2 : Quand as-tu commencé à te mettre à faire de la musique ? Quel a été le déclencheur ?

C’est venu progressivement, j’ai essayé des logiciels pirates en essayant de reproduire la musique qui me plaisait. J’ai enregistré des CD-R que je donnais à mes amis, puis j’ai mis des morceaux en ligne et quand j’ai commencé à avoir des retours de personnes que je connaissais pas du tout, puis des opportunités de sorties, ça m’a motivé et je me suis mis à ne plus faire que ça.

3 : Avec le recul, il est évident que ton dernier album sous le nom de Mondkopf nommé « Hadès » a fait l'unanimité chez les critiques. Je suppose que cet accueil chaleureux t'as fait plaisir mais j'aimerais savoir si ça a changé quelque chose pour toi (plus de facilités à sortir tes disques, plus d'opportunités,...) ?

Ça m'a fait plaisir, mais ça ne représente pas une rupture. J’ai eu des propositions, mais ça reste plus simple de sortir mes disques comme je l’entends sur In Paradisum. Je suis surtout content d’avoir pu jouer live dans des belles salles, comme le Palais des Beaux-Arts à Bruxelles dernièrement.

4 : Comment engages-tu le processus de création d'un disque ? Est-ce une impulsion ? Une réflexion ?

Ça commence toujours sous la force d’une impulsion, et les choses se précisent peu à peu. Je compose différents morceaux, et ensuite je réfléchis à leurs relations et à la manière dont ils peuvent constituer un album.

5 : Quel genre d'artiste es-tu en studio ? Le genre « J'envoie-la-sauce-en-une-prise » ou plutôt du style tatillon et perfectionniste ?

Je suis plutôt tatillon et perfectionniste. Je me prends beaucoup la tête. Mais actuellement je revois ma manière de travailler. Jusqu’ici, j’ai toujours commencé sur une base un peu approximative, si bien que c’est au moment de finaliser les morceaux que je m’arrache les cheveux. Aujourd’hui, je veux pouvoir partir sur une bonne base pour que tout coule de source à la fin. Ça passerait par exemple par un set-up assez minimaliste et efficace, qui pourrait me permettre d’enregistrer en une seule prise.

6 : J'ai cru remarquer que tu aimais bien conceptualiser tes albums. Peut-être que je me trompe mais tu sembles plutôt faire gaffe au visuel, aux interludes qui servent de fil conducteur ? L'album en tant qu'histoire, ça t'intéresses j'imagine ?

Oui complément ! Même si je ne démarre jamais vraiment par un concept. Je laisse plutôt le concept se former de lui même. C’est important pour moi de garder quelque chose de l'ordre de l'inconscient et de me laisser surprendre . C’est quand je commence à avoir réuni suffisamment de morceaux que je cherche à construire une narration, à les relier pour construire quelque chose d’intime.

7 : Du coup, en poussant plus loin, est-ce que tu te verrais un jour pousser cet aspect en sortant de la musique au sens pur ? Par exemple, participer à un film, un roman, du théâtre....

J'ai déjà commencé à travailler sur des musiques de films. Ces expériences m'ont un peu calmé, elles m'ont fait prendre conscience de mes limites. C'est un travail au service d'une vision qui n'est pas la tienne. Tu travailles avec des personnes qui ont déjà leurs idées, et tu dois t'y intégrer. Je n'arrive pas a fonctionner comme ça. Je n'ai pas cette manière de contrôler ma musique pour l'emmener là où quelqu'un d'autre veut qu'elle aille.

8 : Quand j'écoute Mondkopf, j'y vois quelque chose de très « français » dans les influences. Ce côté simple du rythme et des gimmicks mais pourtant très étudié en termes de sonorités. En fait, ça me rappelle pas mal ce qu'ont fait des types comme Laurent Garnier, Mr. Oizo ou, plus récemment, Gesaffelstein sur ses E.P. « Conspiracy ». Ce sont des gens qui t'ont inspiré ou alors, je me fais des films ?

Désolé, mais tu te fais des films ! Il y a quelques français qui m'inspirent ou dont je me sens proche : ce sont mes amis de Saaad, Amédée de Somaticae et Insiden, ou bien même Witxes aussi par exemple. Il y a aussi des groupes plus vieux, que j'ai découverts sur le tard comme Trisomie 21, Sister Iodine, ou Gérard Manset. Ils m’ont tous pas mal inspirés à leur manière. Dans la french touch, j’ai surtout été captivé par Motorbass ou I:Cube, en fait.

9 : Par contre, du coup, quand je suis sur ton nouveau projet Extreme Precautions, je sens un côté plus britannique, le côté direct d'un Prodigy, les rythmiques plus oppressantes façon Aphex Twin et un climat d'ambiance qui me remémore LFO. Du coup, pareil, est-ce que je me fais des idées ou est-ce que ce sont des références ?

Je me suis plongé dans la musique électronique à travers le label Warp, donc oui Aphex Twin, Autechre et LFO m'ont beaucoup influencé. Je n'ai jamais été très fan de Prodigy par contre.

10 : Je ne suis pas forcément très connaisseur mais dans la scène électronique, j'ai l'impression que les scènes se forment, explosent et retombent un peu dans l'oubli, à l'exception de quelques artistes forts dans ces mouvements. Par exemple, le nintendocore, la dubstep, la witch house, le seapunk sont concernés par ce que je veux dire. Actuellement, la Trap et la Rétro-Wave ont pas mal la côte mais seront peut-être vite oubliées. D'un côté, c'est cool puisque ça prouve une certain renouvellement de la musique mais c'est assez bête que ces scènes finissent enterrées Que penses-tu de ça ?

Je t'avoue que c'est une question que je ne me pose pas.

11 : Par contre, tu ne sembles pas faire partie de ce petit manège puisque tu fais ton son qui n'est pas vraiment attaché à des codes précis. Je pense que c'est plutôt une bonne idée, puisque ça permet de ne pas être étiqueté et de se laisser une sorte de liberté créative. Est-ce que tu te considères comme un électron libre ?

J'ai toujours été un peu solitaire concernant la musique. Je ne me suis jamais vraiment lié à une scène même si peut-être qu’au fond c'est quelque chose que j'apprécierais. Je commence d'ailleurs à voir les limites de cette solitude. Partager est quelque chose d'important et j'ai vraiment envie de collaborer avec d'autres musiciens et d’apprendre à leur contact.

12 : Qu'est-ce qui te branche en électronique en ce-moment ? Comment se porte la scène Française selon toi ?

J'écoute beaucoup moins de musique électronique qu'avant, mais en ce moment je suis souvent sur le nouvel album de Black To Comm sorti sur le label Type. Il y a aussi Locust, le side-projet d'un membre de Seefeel. Il y a évidemment l'excellent et bien énervé album live de Pan Sonic ou celui d'Asolaar, les deux sur le label Knitvu. Je n'ai pas trop aimé le dernier album de Ben Frost, mais je reste un grand fan de ses autres travaux, que j'écoute souvent. La scène française se porte plutôt bien j'ai l'impression, je suis fier de la musique que je sors sur mon label In Paradisum : Somaticae et ses autres projets (Insiden, Roger West), Low Jack, Qoso, Saaad…

13 : Passons à la partie « Metal » de l'interview ! Tu sembles avoir un fort intérêt pour le genre et suivre l'actualité des sorties Metal. De plus, c'est évident que ça sent dans tes compositions. Qu'est-ce qui t'as amené vers ce genre au début ?

Peut-être un manque de sensations fortes ! Pour être honnête, je n'en ai jamais vraiment écouté dans l'adolescence. Personne ne m’a emmené vers ça à l’époque. Et je ne risquais pas d’entendre ça par hasard à la radio. Donc il y a peut-être 5-6 ans de ça, je suis tombé sur une mixtape avec du black métal, du Black Sabbath, etc... Je suis resté scotché par les parties de chant des diffèrents groupes. Ces cris inhumains m'ont fait froid dans le dos. J'ai donc très vite voulu tout connaître du genre. En parallèle, je découvrais Sunn O))) grâce à un article qui parlait justement d'un mélange de black, doom, drone et qui faisait aussi référence à Arvo Part. Ça m'a rendu extrêmement curieux. J’ai tout de suite adhéré à cette musique, ce qui m’a incité à aller fouiller en profondeur tous ces genres.

14 : Mondkopf est franchement gras, lourd et tournoyant. On y voit du Sludge, du Doom voire même du Drone... Quelles sont tes groupes phares dans ces styles ?

On va dire qu'il y a les classiques comme Sunn O))), qui mélangent le Drone et le Doom tout en injectant de nouveaux éléments au fur et à mesure de leur carrière, ce qui crée une musique hors-catégories qui me fascine pas mal. Évidemment il y a aussi Earth, Electric Wizard, EyeHateGod, Iron Monkey, mais aussi des groupes comme Toadliquor, The Body, Harvey Milk ou Nadja qui chacun ont un son bien personnel.

15 : En y pensant, c'est vrai que l'Electro et le Doom / Stoner / Sludge / Drone ont le même amour des basses. C'est finalement logique de les acoquiner ! Comment-as-tu eu cette idée que certains – j'imagine – ont du trouvé saugrenue ?

Je n'ai jamais réfléchis sous cet angle. J'essaie de faire la musique qui me correspond le mieux, celle qui me fait plaisir. Quand j'écoute de la musique j'ai évidemment des idées qui me viennent, mais ça reste dans le détail. Je n'essaie pas vraiment de transposer un genre dans un autre. Je ne dis pas que ce genre d'idée ne m’est jamais venue à l'esprit, mais ça n'a jamais fonctionné pour moi.

16 : Es-tu intéressé par d'autres formations qui font ce mélange des genres ? Je pense à Phuture Doom ou à Perturbator pour les groupes électroniques. Même question avec des formations comme Blacklodge ou Pavillon Rouge qui sont de l'autre côté du miroir !

Je ne connais aucune des formations que tu cites, à part Perturbator que j'ai écouté une fois, mais je n’ai pas vraiment aimé. Mais j’écouterais les autres, je suis toujours curieux de nouvelles formes de musique, même si je t’avoue que je suis facilement déçu.

17 : Extreme Precautions est nettement plus direct ! La vitesse du Death / Grind / Black semble remplacer la lourdeur dans ce projet ! Une envie de taper plus vite est visiblement venue à ton esprit. Finalement je me dit que ce dernier disque est une sorte d'hommage aux groupes de Metal qui t'ont fait remuer, j'ai bon ?

Encore une fois, j'ai composé cet album un peu par hasard. Je voulais faire un maxi de techno, j'avais tout mon set-up de prêt mais ça ne le faisait pas. Je n'étais pas satisfait et je m'ennuyais. Du coup, j’ai trafiqué mes sons, je suis allé un peu plus fort en saturation que d'habitude et j’ai augmenté le tempo. A ce moment là, j’ai très vite eu l'envie de faire du blast beat avec une boite a rythme et des synthés, car ce que j'écoutais à ce moment-là c’était en effet des groupe de Grind ou Death. Je ne me suis pas lancé dans ce disque en ayant l'idée de transposer du grind avec des machines. Mais une fois que ces premiers morceaux bizarres sont nés, c’est vrai que je me suis plus ou moins amusé a m'approprier ces codes.

18 : Par conséquent, former un groupe de Metal ne t'as jamais tenté ?

Je ne crois pas être assez bon musicien pour m'embarquer dans ce genre de projet .Mais je commence à m'entourer de gens qui ont plus ou moins des rapports avec cette scène, donc peut-être que j’y viendrais, qui sait.

19 : Quels sont tes classiques du Metal ? Les disques que tu as le plus apprécié dans ces genres ?

Question difficile, il y en a tellement ! Mais je peux te citer: Black One de Sunn O))), Come My Fanatics d'Electric Wizard, The Hortator's Lament de Toadliquor, Streetcleaner de Godflesh, l'album de Lurker Of Chalice, In The Name Of Suffering d'Eyehategod, Under The Sign Of Hell de Gorgoroth, Panzerfaust de Darkthrone, End Time de Brutal Truth, Vexovoid de Portal, The Invisible Mountain de Horseback, Clean Hands Go Foul de Khanate, Two Hunters de WITTR, Watching From a Distance de Warning…

20 : Qu'est ce qui tourne chez toi en ce moment niveau Metal ?

Là par exemple, je finis de répondre à tes questions en écoutant l'album sans-titre de Scars From A Dead Room sorti chez les français de Distant Voices. Sinon, j'ai beaucoup écouté le dernier album de Thou, Heathen. Je n’étais pas fan du groupe avant mais là, les mecs sont au sommet. Je me fais toute la discographie d'Inquisition aussi, leur musique est ultra hypnotique, c'est assez singulier pour le genre.

21 : Tant qu'on y est, tu dois apprécier aussi tout ce qui est Post-Hardcore, Post-Rock et compagnie j'imagine. On ne me la fait pas, ces petites guitares en fond, sur « Cause & Cure », c'est presque comme si tu avais passé Explosions In The Sky dans une usine de Métallurgie moderne. Ce sont des ambiances qui te parlent ?

Oui j'aime beaucoup de groupes dans le genre, même si je ne suis pas fan de tous les Neurosis et Isis. Ils traînent parfois un peu trop en longueur à mon goût. Je ne connais pas bien Explosions in the sky, mais j'adore Godspeed You! C’est un groupe qui m'a profondément marqué, même si ça fait longtemps que je n'ai pas réécouté leur musique.

22 : Quelles sont tes actualités ? Les projets à venir, les lives ?

En ce moment, je suis plus ou moins dans la promotion d'Extreme Precautions. J’ai quelque dates plutôt cool qui arrivent, dont celle à Berlin à la fin du mois pour le CTM festival, je fais la première partie d'Electric Wizard. Je ferais une autre première partie à Paris au printemps, je dois garder secret le nom du groupe pour l'instant, mais ça m’excite beaucoup. Je vais aussi faire pas mal de collaborations cette année, dont un duo avec Charlemagne Palestine au printemps pour un live lors du festival Sonic Protest. Et puis il y a mon label, avec pas mal de sorties en 2015 que j’ai hâte de voir arriver.

23 : Si tu as un dernier mot à rajouter, les dernières lignes de l'interview sont pour toi !

Aimons-nous les uns et les autres putain !

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