Je sais que sur cette fin d’année, il y a un bon paquet de concerts qui vont me passer sous le nez à cause de déplacements professionnels « en province » comme aiment à le dire les Parisiens de bon ton. Moi, en soi, les déplacements, je ne suis pas contre mais il est vrai que dîner seul dans un Buffalo Grill de zone commerciale avant de regagner sa chambre Ibis Budget lorsque tu sais que, pendant ce temps, tes potes se délectent d’une jolie putridité, cela fait toujours un peu mal au bide (oui, tout comme le toast à l’avocat du Buffalo). Par conséquent, j’étais tout guilleret de rentrer vendredi soir d’Angoulême pour pouvoir assister le samedi à cette somptueuse soirée organisée par
Sonic Mass au
Paris Backstage BTM, une valeur sûre en termes de salle. Déjà parce qu’il est possible d’y boire une bière correcte (si on y met le prix, c’est exact), ensuite parce que l’acoustique y est bonne, enfin parce que, globalement, c’est compliqué d’y être mal placé, la scène s’avérant visible de partout (sauf si l’on est derrière le pylône évidemment).
Le programme du soir est on ne peut plus alléchant pour quiconque a envie de se fissurer les membranes : une ouverture avec les locaux de
PROFANATION, dont on nous a dit ici le plus grand bien de leur EP
« Skull Crushing Violence », un copieux plat de résistance fourni par
ASCENDED DEAD dont
AxGxB ne cesse de nous vanter les mérites depuis 2017 et, enfin,
ANTICHRIST SIEGE MACHINE, joyau américain du
war metal depuis 2016 et auteur de trois LP totalement ravagés. Je n’ai finalement qu’une seule crainte : la somme que je risque de claquer entre les boissons et le
merchandising, ma conseillère de vie Christina Cordula ayant jeté l’éponge après avoir vu mon dernier achat effectué à la soirée
EXHUMATION. Elle me l’a affirmé avant de fermer la porte à notre aventure vestimentaire : «
mon chéri, mon chéri, mon chéri… ça ne va pas du tout ! », avec ce délicieux petit accent brésilien qui la caractérise.
Anecdote : un mec de
DRONTE distribuait des
flyers à l’extérieur du bar, je pense que mon pote et moi avons dû être les seuls à lui dire «
mais oui, vous avez fait un split avec GRIND-O-MATIC y a pas longtemps ! ». Fin de l’anecdote, le groupe a demandé à être chroniqué en ces pages, nous verrons plus tard ce qu’il en est.
Le fait que le
running-order soit modifié au dernier moment, avec une inversion des places pour les deux formations américaines, ne change rien au fait que mon camarade Ventriloque et moi-même pénétrons à l’heure dans une enceinte encore peu garnie pour assister à la performance rageuse des Parisiens, introduite par la bande originale du film « Orange mécanique ». Cinq des six titres de leur premier et unique EP seront joués, la
setlist se voyant complétée par une reprise de
CRO-MAGS ainsi qu’un morceau inédit (« World of Pain ») et les vingt-cinq minutes sont une démonstration de force en matière de
death grind old school. Evidemment, comme chaque membre est un musicien expérimenté, rompu à l’expérience du
live, le quatuor déroule ses titres sans complexe, avec une puissance et une conviction qui forcent le respect. Outre le charisme naturel qui se dégage de la musique, et ce en dépit d’un
light show sommaire, je retiens surtout les parties de batterie atomiques de
Sinistre mais également le fait que la sonorisation est impeccable là où je craignais que le style tourne en bouillie.
PROFANATION nous fait donc très forte impression, ces mecs confirmant une nouvelle fois que la scène hexagonale contient des formations incroyables. Dans tous les cas, dès que le groupe aura pu étoffer son registre avec un album supplémentaire, j’espère le revoir un peu plus haut sur l’affiche, il y a plus que sa place (pour tout dire, une inversion avec
ASCENDED DEAD ne m’aurait pas choqué).
Setlist :
Profanation
Global Terror
Modern Sickness
World of Pain
Don’t Tread on Me
Graveyard Somp
Skull Crushing Violence
(Concert filmé par
Frankie Snow)
Une fois passée l’introduction malfaisante composée de larsens et autres bruits blancs,
ANTICHRIST SIEGE MACHINE investit les lieux pour tout détruire. Le
war metal de ces deux types est tout simplement terrassant et même si je ne suis pas un spécialiste de leur discographie, j’ai les oreilles suffisamment propres pour entendre qu’ils n’en mettent pas une à côté. En quarante minutes, le duo délivre onze bastos haineuses, parfaitement servies par un jeu de lumière épileptique et sanglant.
SB est monstrueux dans son rôle de batteur-chanteur,
RZ le seconde efficacement dans un registre plus grave, principalement concentré sur la précision de ses riffs, joués en mode supersonique.
Je me souviens que lors du passage de
MERRIMACK dans cette même salle (
« live report »), j’avais un peu remis en question la pertinence de ces groupes de
black composés de seulement deux personnes, je me rends finalement compte que le problème ne vient pas du nombre mais bel et bien du contenu. Ce soir, nous avons assisté à la performance hallucinante de deux êtres maléfiques qui font clairement se demander ce que viendrait foutre là un bassiste ou un guitariste supplémentaire. Tout l’espace est occupé, par la musique bien entendu, mais également par une présence invisible, une atmosphère cornue palpable, véritable troisième homme de cette formation barbare.
Setlist :
Piled Swine
Morbid Triumph
Only Evil
Purifying Blade
Led by Fire
Unleashed Hostility
Vanquishing Spirit
Defiled in Iniquity
Sisera
Storm Charlot
Vacant Cross
(Concert filmé par
Frankie Snow)
Avec deux LP au compteur et déjà une solide réputation renforcée par l’excellente tenue du récent
« Evenfall of the Apocalypse », la question de la légitimité d’
ASCENDED DEAD en tête d’affiche ne se posait pas vraiment, même si cela était contraire à l’annonce initiale. C’est pourtant le
set qui m’aura le moins marqué, trouvant assez rapidement les compositions trop linéaires, l’ombre des premiers
MORBID ANGEL se faisant fortement ressentir dans le riffing, les solos ainsi que le chant. Il n’en demeure pas moins que la prestation délivrée fut de haut niveau, ultra intense mais je pense que j’aurais apprécié un peu moins de
blasts et un peu plus de ralentissements, même si cela n’est pas vraiment le registre des Américains. Quoi qu’il en soit, le quatuor n’a pas démérité pour clôturer en beauté cette soirée placée sous le signe de la bestialité, déclenchant d’ailleurs quelques pogos enflammés dans les premiers rangs. Grosse sensation donc et, vraisemblablement, la formation la plus attendue par le public.
(Concert filmé par
Frankie Snow)
Finalement, une soirée sans aucune fausse note où chaque groupe a pu donner le meilleur de lui-même, cette date parisienne étant l’avant-dernière de la tournée. Si la thématique globale était l’extrême, chacun en a montré une facette différente pour une affiche très cohérente, tant du point de vue des styles pratiqués que de la qualité et du professionnalisme, avec pour moi
PROFANATION comme principale révélation.
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