Si, comme moi, tu aimes le doom sous toutes ses facettes, le nom de Mourning Dawn ne t’est pas inconnu. Actifs depuis plus de 20 ans, les franciliens délivrent précisément un doom qu’il est parfois difficile de catégoriser, tant la recherche de diversité a toujours semblé, selon mon appréciation, animer le combo. D’autant que, par ailleurs, d’un album à l’autre, d’un EP à l’autre, les qualifications purent changer, voguant d’un doom dark metal (Straight to the past, The Freezing Hand of Reason) à un doom death plus classique (Les Sacrifiés), voire à un funeral doom bien senti
(Waste). Quant aux membres, même si, comme moi, tu te moques des liens avec la scène metal, le chanteur Laurent Chaulet t’est peut-être également familier, sous son joli nom d’emprunt de Pokemonslaughter, pour les chroniques qu’il délivre sur l’excellent webzine confrère, Guts of Darkness.
Dead End Euphoria est donc le cinquième album longue durée du combo, qui comprend 6 titres pour plus d’une heure de musique. Et, cette fois-ci, la patte funeral et black est bien plus présente qu’à l’accoutumée. Dès Dawn of Doom et Never too Old to Die, on ressent la profondeur du son, l’emphase qui s’en dégage, l’ampleur globale du morceau. La réverb’ est de mise, qui ne gâche rien aux mélodies que l’on entend parfaitement. Les aspects BM se dégagent par bribes, tantôt dans les dissonances, tantôt dans les hurlements possédés qui habitent la structure. Le contraste est tout à fait saisissant entre, d’une part, une atmosphère et des ponts éthérés et lancinants et, d’autre part, une lourdeur évidente qui se dégage de la rythmique en arrière plan, notamment cette basse tellurique qui martèle la structure. Les quelques solis (avant les 5’ sur Dawn of Doom par exemple) aèrent merveilleusement les morceaux, modifiant parfois leur thème musical (sur Dawn of Doom, le titre repart sur des accents plus lumineux, sans que la rythmique perde en lourdeur ; sur Never too Old to Die, les mélodies tricotent littéralement un thème qui change sans cesse au gré des solis, par exemple après la 12’ ; dès la 13’, la pesanteur extrême redevient la norme et vers les 17’, le rythme est plus enlevé, plus entraînant).
L’enchaînement est néanmoins radical ; Dead End Euphoria et Conclusion brisent la dynamique en plongeant l’auditeur dans un funeral doom plus marqué, fait d’atmosphères menaçantes et désespérées mais également apaisantes et enveloppantes. Les contrastes, de nouveau, se taillent la part du lion, les titres étant conçus pour écraser autant que pour caresser, les mélodies le disputant à la voix hantée et à la rythmique massive. La voix ultra plaintive couplée à l’ambiance mystique tire l’auditeur vers le fonds des abysses. Le chant guttural et les chœurs noyés sur Conclusion apportent le surcroit d’ambiance qui finit d’emporter la conviction, comme la prolongation de cette rythmique toujours aussi massive et hypnotique, un peu à la Verdun et les accélérations brutales qui stoppent net. Le relief est fort, les variations nombreuses et la structure est, de fait, chargée en informations. Loin du simplisme coupable de bien des formations du genre, Mourning Dawn fait ici étal de sa science de la composition, à la manière d’un Ataraxie ou d’un Funeralium.
The Five Steps to Death, la pièce maîtresse de près de 30 minutes, joue le rôle de synthèse. Passant de l’emphase aérienne aux abysses insondables, les montagnes russes identifiées depuis le départ se renouvellent ici, les 30 minutes voyant défiler tout ce qui fait la science du combo francilien : rythmique lourde, ponts atmosphériques, voix d’outre-tombe, solis lumineux, interludes à la guitare sèche et dissonance BM sur les passages les plus désespérés. Adieu, qui clôture l’album, comprend des atours encore plus surprenants, presque drones, qui achèvent Dead End Euphoria sur des notes industrielles qui collent parfaitement à l’ambiance noire dépeinte depuis le départ.
Pour ma part, ce Dead End Euphoria est l’un des meilleurs albums délivré par Mourning Dawn. Fort en contrastes, accompagné d’un son ample et lourd, Dead End Euphoria embarque l’auditeur dans des montagnes russes émotionnelles de haut niveau. Non seulement il résume parfaitement leur carrière mais, en outre, il démontre de nouveau l’étendue du talent de la formation et, au-delà, de la scène doom française.
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