On aura beau chercher ici de quoi justifier sa gêne à parler de ce disque, trouver des preuves concrètes de cette odeur nauséabonde qui nous emplit les narines dès qu’on regarde cette pochette, qu’on lit ces paroles, qu’on écoute cette musique… Mais non : rien d’extrême droite dans ce disque-surprise de Stabat Mater, à part le jusqu’au-boutisme rigoureux du couperet s’abattant sur notre nuque qui, une nouvelle fois, fait la saveur de ce funeral doom peu commun.
Car nous ne somme pas dans l’ordure à l’état pur ici, mais à l’état sacré. Stabat Mater continue de mériter son nom – un nom qu’il traite avec un cynisme sanguinaire, la douleur de la mère trouvant en réponse la barbarie du ci-présent jouisseur cruel. Un nom dont il n’enlève pas la part religieuse, son funeral doom s’inscrivant une nouvelle fois dans la dépiction d’un palais mental d’un meurtrier aussi fervent que froid, la sale besogne comme sacerdoce. En effet, si douze ans séparent le premier album de
Treason by Son of Man, c’est toujours une vision unique du funeral que l’on rencontre, le rythme lent devenant implacable, les guitares semblables à des lames, le son aussi rustre que puissant – on sent presque les doigts préparer le hachoir avec cette production sale et métallique – et la voix bestiale et méthodique si particulière que Mikko Aspa adopte ici.
Pourtant, on n’a point ici une redite des choses que Stabat Mater a amené à son terme auparavant, notamment avec la compilation
Give Them Pain ou encore cet ultime morceau qui conclue son – jusque-là – unique album.
Treason by Son of Man vous considère averti et commence donc les hostilités directement, dès le véhément « The Seed of the Son » et son entame qui a le goût du blasphème pratiqué dans une torve extase. Raison pour laquelle il est au départ difficile d’entrer dans ce disque prenant le parti de faire du long et lent sur un temps court, oubliant introductions, montées ou préparations pour arriver au cœur de son sujet sordide par un alliage où le funéraire se fait encore plus extrême qu’autrefois. Un album qui demande un certain état mental avant de l’écouter, laissant le soin à l’auditeur de se préparer pour mieux ressentir ses émotions sans-éclats, sa terne conviction d’impie impitoyable.
« The servants of wrathful divine observe this theatre of failure / Filled with amusement with hints of melancholy » : dans ces paroles issues du titre « Theatre of Failure » se trouve l’impression générale que laisse ce disque, celle d’entrer plain-pied dans l’esprit d’un hérétique prenant plaisir à appuyer la vilenie se cachant en toutes choses. Mélancolique, Stabat Mater l’est comme le tueur qui caresse des doigts les portes du temple, avant d’y entrer et d’effectuer son œuvre. Amusé, il l’est comme le rire froid de celui qui sait que toute échappée est vaine, que cela soit vers une porte dérobée ou dans les croyances en un Dieu absent de ces trente-neuf minutes. Ainsi,
Treason by Son of Man prend le contresens de son prédécesseur, commençant dans une liturgie frôlant une tristesse presque rédemptrice – cf. les leads de « The Seed of the Son » ou encore le début de « Embracing the Slavery » –, avant de finir sur un morceau où le sinistre met définitivement ses habits de bourreau pour ne plus les quitter, les influences black metal se montrant encore plus marquées.
Malgré cette constance qui rattrape l’austérité de l’ensemble,
Treason by Son of Man reste un album difficile à pénétrer, à sortir lors d’instants choisis où la nuit et ce qu’elle sous-tend de fatigue des sens se transforment en colère éteinte. Son absence de lumière est clairement sa plus grande réussite, celle-ci ne se révélant jamais ennuyeuse et toujours sentencieuse. Cependant, il manque ici un de ces passages ébouriffant de morbidité comme le projet – et, a fortiori, l’homme – a déjà pu nous en offrir pour convaincre totalement. L’extrémisme de l’exercice continue d’être ce qui épate le plus dans ce retour inattendu, mais l’envie de rester plus longtemps en compagnie de ce doom si à-part dans son intransigeance, si prenant dans son imaginaire morbide, laisse un brin frustré. Néanmoins, Stabat Mater termine cette année bien remplie pour le doom avec une démonstration de force des plus fascinantes. Clairement, musique aussi impure, laissant autant une impression de souillure après sa fin, ne se rencontre pas tous les jours.
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