Pillars Of Ivory - The Biblical Scripturez
Chronique
Pillars Of Ivory The Biblical Scripturez (Compil.)
(Genesis To Leviticus)
Adolescent, j’ai toujours vu le Rap comme l’ennemi numéro un du Hard Rock que j’écoutais. Aussi comme dans n’importe quel autre collège, il y avait dans ma cour de récréation deux clans (enfin trois si on compte ceux qui n’écoutaient que la radio), d’un côté les amateurs de Rap, de l’autre les amateurs de Punk et de Hard Rock. L’entre-deux, possible, était tout de même extrêmement rare. De fait, si ma curiosité pour le genre s’est développée avec le temps et que mes goûts en la matière se sont affinés, j’ai néanmoins passé l’essentiel de mes jeunes années à fuir ce mouvement musical qui à quelques exceptions près (Cypress Hill et Beastie Boys, à doses homéopathiques) ne me touchait guère...
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser de plus près au Hardcore, j’ai vite compris que le Rap, sans forcément faire partie intégrante de la scène, était une musique particulièrement appréciée par de nombreux protagonistes. La découverte de Biohazard et de son State Of The World Address ou de la bande-originale du film Judgment Night ont ainsi largement contribué à me faire petit à petit changer d’avis sur la question et m’ont également permis de mieux comprendre pourquoi Rap et Hardcore, deux musiques provenant essentiellement de la rue, partagent encore aujourd’hui bien plus de points communs que je ne l’imaginais de prime abord.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Et bien parce que Pillars Of Ivory, jeune groupe américain réunissant des membres de Age Of Apocalypse, Colossus, Out For Justice, Mindforce et Death Threat, s’est amusé en pleine pandémie à faire le pont entre ces deux genres en insufflant à son Hardcore de grosses influences Rap. Naturellement, ce n’est pas le premier groupe à le faire puisque de Candiria à E. Town Concrete en passant plus récemment par Cold World, les exemples de ce genre ne manquent pas. Pour autant, on ne peut pas dire que cela soit monnaie courante. Aussi, lorsqu’un groupe au line-up aussi alléchant se risque à l’exercice, forcément on tend l’oreille attentivement.
Sortie l’année dernière sur Daze Records (Queensway, Out For Justice, Pain Of Truth, Koyo, Momentum, Ends Of Sanity...), The Biblical Scripturez est une compilation LP et CD réunissant les trois démos de Pillars Of Ivory disponibles jusqu’ici sous forme dématérialisée (à l’exception cependant de Genesis Demo Twenty-Twenty proposée également en vinyle par Daze Records). Du pain béni pour tous ceux souhaitant avoir entre les mains l’une des plus grosses sensations Hardcore de ces derniers mois...
Naturellement, ce que propose la jeune formation ne révolutionnera absolument ni le Rap ni le Hardcore mais sa capacité à faire cohabiter les deux avec autant d’aisance et de fluidité sans jamais paraître à côté de la plaque n’en fait pas moins un groupe particulièrement rafraîchissant par les temps qui courent. Aussi, sans jamais vraiment manquer d’homogénéité bien que l’on puisse tout de même distinguer quelques subtilités en matière de production, The Biblical Scripturez va donc proposer à l’auditeur une plongée dans les bas fonds de New-York au son de beats bien lourds, de punchlines impeccables, de riffs nerveux et autres accélérations Punk / Hardcore / Thrash décapantes, d’instrus plutôt bien ficelées (à l’exception peut-être de "Gotti Du$t Bluntz" qui ne me touche pas des masses) dans un esprit résolument marqué par l’âge d’or des années 90 ou bien encore de samples habilement détournés comme par exemple sur les deux "Key 2 Success" où l’on peut y entendre le thème principal du film Suspiria ou bien encore sur "Tearz Fall" qui reprend le célèbre "Everybody Wants To Rule The World" de Tears For Fears… Alors c’est vrai, les morceaux purement Rap ne sont pas particulièrement développés et servent finalement davantage d’interludes plus qu’autre chose mais ces derniers, au-delà du simple fait qu’ils participent à nourrir toutes ces ambiances résolument urbaines dans lesquelles trempent ces dix-huit compositions (quelque part entre cages d’escaliers délabrées ("Gotti Du$t Bluntz", "Key 2 Success Part II", "Cash On Delivery"), trottoirs crasseux mal fréquentés ("Strawberry Mac 10", "Fearz Rize", "Lukey Cage SDS Connect") et terrain de basket à l’atmosphère décontractée ("Tearz Fall", "Yellow Hearts / Pink Diamonds", "Whitney")), entretiennent également un groove sensiblement différent (le pouvoir des beats et autres boucles entêtantes et toutes les images auxquelles elles renvoient), certes un petit peu facile, mais ô combien irrésistible et addictif.
Côté compositions purement Hardcore, Pillars Of Ivory fait également un peu plus que seulement convaincre puisqu’entre les membres de Mindforce dont un Jason Petagine au timbre de voix reconnaissable entre mille et le chanteur de Death Threat (les deux se partagent ici régulièrement le micro), on tient là un sacré line-up à qui il n’est pas nécessaire de dire quoi faire. Très proche d’un Mindforce lors de ces nombreuses fulgurances thrashisantes et autres breaks au groove typiquement new-yorkais (vous allez avoir du mal à rester stoïque et à ne pas rouler des épaules et du reste), le groupe prend le temps de varier les plaisirs et d’apporter un peu de nuances à sa formule. C’est le cas notamment sur "Salute" avec ces quelques accélérations à l’esprit résolument plus Punk et très proche de ce Hardcore originel des débuts ou sur "Voyage" qui sur les premières mesures va calmer le jeu et revêtir des sonorités plus mélodiques mais également plus lourdes rappelant notamment un certain E. Town Concrete.
Si Pillars Of Ivory n’est pas le premier groupe à s’intéresser à ce genre d’union a priori contre-nature, force est néanmoins de constater que son Hardcore largement mâtiné de Rap fonctionne pourtant à merveille et reste malgré tout d’une efficacité particulièrement rafraichissante. Une chose est sûre, tous ceux qui ont grandi au son des premiers albums de Biohazard, Life Of Agony, Leeway, E. Town Concrete et compagnie trouveront chez Pillars Of Ivory matière à se réjouir tant la musique du groupe reste définitivement ancrée dans ce qui se faisait au sein de la scène new-yorkaise durant les années 90. Et si le groupe a depuis sorti un split en compagnie de l’infâme Wicca Phase Springs Eternal (Emo/Rap dégueulasse), on attend surtout qu’un album "longue durée" voit le jour pour se délecter de ces brulots bien "thugs". Yo !
| AxGxB 24 Janvier 2022 - 1052 lectures |
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