Le simple nom de Kickback évoque déjà beaucoup de choses chez la plupart d'entre nous. Une attitude volontairement provocatrice, des prestations scéniques surchauffées (remember Hellfest 2007), des albums relevant de la fessée sonore... la démarche artistique du groupe pourrait être résumée par un gros majeur pointé à la face du monde. Dès lors tout est assez simple: Kickback on aime ou on déteste. Personnellement j'adore. Ayant grandi au doux son de
« Cornered », album somme toute classique dans le fond mais d'une efficacité à faire pâlir Michael Jackson, il va sans dire que j'attendais avec impatience ce nouvel album, dix ans après « Les 150 Passions Meurtrières » qui avait bien remué le couteau dans la plaie.
Je laisserai volontairement de côté tout l'aspect
"sulfureux
",
"controversé
" se rattachant au groupe pour me concentrer uniquement sur la musique, ou disons plutôt l'objet artistique que représente « No Surrender ». Car depuis les débuts déjà les parisiens ont toujours autant soigné l'image que le son (on connaît leur penchant pour le septième art [Gaspard Noé et le cinéma asiatique en tête] et la photo notamment [Antoine D'Agata par exemple, dont une citation clôture le livret]), et l'on retrouve ici les thèmes classiques du combo: le nihilisme, la drogue, les putes... la vie quoi! Tout ce qui fait qu'on se croirait, à l'écoute de cet opus, dans une petite ruelle des faubourgs de Bangkok, éclairé par un néon clignotant sur le déclin, la bite molle et encore rougie par une bonne pipe pratiquée par une jeune asiatique d' officiellement 18 ans et attendant fébrilement qu'un dealer nous ramène quelques grammes de coke. Oui « No Surrender » c'est à peu près ça. Il serait un doux euphémisme de dire que cet album est le plus malsain, sombre, glauque et haineux du groupe, il l'est même bien plus qu'un tas d'autres albums le revendiquant, mais là n'est pas le propos. Il se dégage de ces onze titres à la fois un malaise palpable, un dégoût de toute chose, le tout dans une atmosphère pourtant chaude et humide, aidée en cela par l'artwork mêlant tous ces aspects (artwork double, deux pochettes et deux livret étant disponibles; l'une inspirée du film de Gaspard Noé « Seul contre tous » dont on retrouve une nouvelle fois un extrait, l'autre surnommée "machette"). La production beaucoup plus organique que par le passé rajoute encore à cela et donne un côté très live à « No Surrender ». Bref la bande à Stephen Bessac a de nouveau peaufiné l'emballage autant que le contenu. Intéressons-nous y donc au contenu.
Inutile de dire que le recrutement de Damien (aka Toxik H., Diapsiquir, Arkhon Infaustus) suite au départ d' Irvin Oziel a considérablement changé la donne pour Kickback. Le bonhomme, en arrivage de la scène black et ayant très peu d'attache hardcore, a bien évidemment injecté au combo et à sa musique une partie de son bagage et de sa culture métallique. En tout cas on imagine aisément que c'était le genre de personne qui convenait à merveille au groupe. Je vais être franc, sur le plan strictement musical je garderai toujours une préférence pour les deux brûlots hardcore que sont
« Cornered » et
« Forever War », avec lesquels ce « No Surrender » ne conserve finalement qu'assez peu de similitudes. On est assez loin ici du hardcore-métal plutôt classique des débuts, la musique de Kickback a désormais mué, tout en gardant bien sûr des fondations affiliées au style des débuts (« Deathlust », « The low of the self », « If I die tonight », « Unholy triumph »), vers quelque chose de plus sombre, ficelé de riffs alambiqués et tortueux alliant arpèges, dissonances et tremoli, une musique beaucoup moins carrée, plus surprenante, mouvante ( « Aging disgracefully », « Still on the prowl », « Sideshow », « Warpath ») lorgnant maintenant plus vers un Catharsis que vers All Out War. Harmonie parfaite entre le son et l'image. Reste que jusqu'ici Kickback c'était comme un gros coup de poing américain en pleine face, direct et sans concession. « No Surrender » quant à lui viendra vous prendre à la gorge pour resserrer gentiment et insidieusement son étreinte fatale. Et même si ce baiser mortel recèle bien des moments d'anthologie, il me manquera toujours ce côté
in your face qui faisait de Kickback l'un des tout meilleur groupe de hardcore, capable de pondre des titres éveillant en moi des pulsions violentes insoupçonnées (les débuts de « Heaven and hell » ou « Ruining the show » me donnant inévitablement envie d'égorger la première personne que je croise). Parfois taxé d'ambiances à la Arkhon Infaustus, même si je n'irais pas jusque là, il est vrai que les titres dégagent une atmosphère désormais plus malsaine encore, une même violence sous une forme différente. La voix de Stephen, peut-être encore plus éraillée qu'auparavant, viendra ponctuer merveilleusement ce déluge de mauvais sentiments. Et malgré tout, ça fait toujours très mal! Mais on en redemande.
S'il y a bien une chose qui est sûre en tout cas, c'est que nos parisiens ne sont pas prêts avec ce nouvel opus d'arrêter d'alimenter les débats stériles et autres discussions de cour de récré envenimées autour de l'attitude ou pour savoir si Kickback c'est plus ou moins malsain que le black metal. Mais qu'est-ce qu'on en a à battre? Kickback on aime ou on déteste. Et même si je trouve ce dernier glaviot un peu en dessous du reste, je persiste et signe: moi j'adore. De toute façon
this is for them, this is not for us.
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