« Horror... Horror has a face... And you must make a friend of horror.
Horror and moral terror are your friends.
If they are not, then they are enemies to be feared. They are truly enemies. »
C’est sur cette citation de Marlon Brando extraite du célébrissime Apocalypse Now que s’ouvre, sur une intro mélodique menaçante devenue culte pour beaucoup, ce deuxième album de Kickback. En 1995 les Parisiens avaient déjà frappé très fort avec un
« Cornered » très inspiré NYHC et se montrant déjà sévèrement burné, deux ans plus tard « Forever War » et sa pochette signée Wrung Division encore une fois dans le genre BD bien vénère (Judge Dredd), allait enfoncer le clou, un putain de gros clou bien rouillé.
Si le premier effort de Kickback gardait un esprit très urbain (même s’il prenait déjà, notamment dans les lyrics, une bonne distance avec tout l’aspect positif d’une partie de la scène), tout ici n’est que violence pure, haine et désolation, de l’artwork au layout et ce mec venant de se faire sauter le caisson. Exit donc ici les survets et les tags, Kickback montre sa vraie nature que l’on sentait déjà poindre sur
« Cornered », sombre, féroce, misanthrope, nihiliste… Et sans bizarrerie aucune la musique est à l’image du visuel plus violente encore, furieuse, carnassière, chaque riff se plantant dans votre chair comme les coups de crocs d’une bête enragée qui jamais ne relâchera son étreinte. De l’intro évoquée plus haut suivie de cette explosion absolument jouissive (bordel de merde quoi ! Je pourrais me le repasser la journée entière ce début de « Heaven and hell » !!) aux dernières lacérations vicelardes de « No one gets out alive », le quintette (ayant intégré Irvin Oziel et Stefan Scigalla respectivement à la guitare et à la batterie) enchaine les attaques sans pitié dans un style qui tout en gardant la base hardcore qui est la sienne (le début de « Forever war », « Fist of fury », « Kingdom ») continue de muscler son jeu avec un riffing qui se fait encore plus incisif et lorgnant toujours plus du côté metal de la force (on est globalement bien plus proche ici de la scène belge que du NYHC) quitte à lâcher quelques riffs thrash slayeresque par ci par là (le titre éponyme à 2’41, « False fame » à 1’58). La ligne rouge sang entre hardcore et metal n’a jamais été aussi ténue si bien que le groupe serpente constamment autour de celle-ci, les deux genres étant bien souvent totalement fondus dans une musique dont l’impact devient véritablement redoutable. Bordel le départ ultra accrocheur de « Like the worms », de « Winter ends », de « Nothing » ou de « False fame » sur ces riffs absolument énormes, les breaks brise-nuque à tout va (« Heaven and hell » à 1’44, « Fists of fury » à 2’24, « Winter ends » à 1’55, « Like the worms » à 2’48, « Triumph » à 1’26) , le jeu affûté de Scigalla (ce mitraillage de double sur le titre éponyme), la basse grondante de Pascal Pastore… et bien évidemment les vocaux éructés et totalement possédés d’un Stephen Bessac crachant son venin avec une hargne et une haine quasi palpables (
« Vengeance burns in my soul !!! »). A ce niveau là, n'importe laquelle des paroles ici ferait aussi bien l'affaire sur un album de death metal.
Sorti lui aussi chez Hostile Records et avec un son une fois de plus confié à Jamie Locke (Sick Of It All, Madball, Leeway, Vision Of Disorder, Cro-Mags, Obituary…), « Forever War » est un quasi sans faute de A à Z (hormis peut-être une toute fin d’album manquant un poil de vélocité sur ses deux derniers titres, je mets de côté l’outro totalement inutile) qui peut fièrement arborer son statut d’album culte et reste pour beaucoup (y compris pour moi) le meilleur album de Kickback. De la haine à l'état pur. Doté d’une production plus dense que son ainé accentuant encore le côté fuligineux et appuyant l’atmosphère totalement déshumanisée et ténébreuse que l’album dégage (même les quelques leads s’y mettront comme sur la fin de « False fame »), recelant une foultitude de riffs tous plus bandants les uns que les autres et porté par un Stephen Bessac endiablé, ce deuxième opus des Parigots reste encore aujourd’hui une sortie majeure sur la scène hexagonale et même internationale, bref un incontournable du genre qui même plus de vingt ans après sa parution met à l’amende bon nombre de sorties plus récentes et aux moyens on ne peut plus conséquents. Une tuerie, point barre.
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